Le marché mondial des semi-conducteurs signe un été historique. Porté par l’explosion de l’intelligence artificielle, l’essor des véhicules électriques et la généralisation de la 5G, il franchit un cap inédit.
Par K. A.
Le marché mondial des semiconducteurs confirme son redressement avec une vigueur qui surprend même les plus optimistes. Selon les chiffres publiés par la Semiconductor Industry Association (SIA), les ventes mondiales ont atteint 62,1 milliards de dollars en juillet 2025, soit une progression de 20,6% en un an et de 3,6% par rapport à juin 2025. Cette croissance, compilée par le World Semiconductor Trade Statistics (WSTS) à partir d’une moyenne mobile de trois mois, illustre la solidité d’une industrie redevenue centrale dans la compétition économique mondiale.
«Les ventes mondiales de semiconducteurs sont restées solides en juillet, dépassant les résultats de juin et largement supérieures à celles de l’an dernier», a souligné John Neuffer, président-Directeur général de la SIA. Pour lui, ce dynamisme repose principalement sur «une forte demande dans la région Asie-Pacifique et dans les Amériques».
En effet, les semi-conducteurs ne sont plus de simples composants techniques : ils représentent désormais l’ossature de la transformation numérique. Smartphones, véhicules électriques, data centers, systèmes 5G ou applications d’intelligence artificielle : aucune innovation n’échappe à leur rôle structurant. Après une période de ralentissement en 2022 et 2023, marquée par l’inflation et une accumulation de stocks excédentaires, la demande est repartie à la hausse depuis 2024.
Plusieurs tendances convergent : l’essor fulgurant de l’IA générative, la montée en puissance du cloud et l’accélération de l’électrification automobile. En comparaison annuelle, les ventes progressent de 35,6% en Asie-Pacifique, de 29,3% en Amérique, de 10,4% en Chine et de 5,7% en Europe. Seul le Japon affiche une contraction de 6,3%, pénalisé par un marché intérieur en recul. L’Afrique, encore minoritaire dans le marché mondial, connaît une croissance plus modeste mais régulière : le marché des semiconducteurs y est estimé à environ 1,8 milliard de dollars, en hausse de 3,8% par rapport à 2024, avec des perspectives favorables pour les prochaines années, notamment au Maroc et en Afrique du Sud.
Sur un mois, le contraste est similaire : +8,6% aux États-Unis, +4,9% en Asie-Pacifique, stabilité en Europe, mais légers replis en Chine (-1,3%) et au Japon (-0,2%), tandis que l’Afrique reste stable à faible croissance. Autrement dit, si le socle de croissance est globalement solide, il reste soumis à des réalités locales et à des ajustements de court terme, avec des marchés émergents comme l’Afrique qui commencent à se positionner mais représentent encore une part limitée du total mondial. Vers une année record Au-delà de ces données ponctuelles, les perspectives pour l’ensemble de l’année 2025 apparaissent particulièrement favorables.
Selon plusieurs analystes, dont l’avocat spécialisé en propriété intellectuelle Bao Tran, le marché mondial des semi-conducteurs devrait dépasser les 600 milliards de dollars d’ici la fin de l’année, un niveau sans précédent. Le taux de croissance attendu oscille entre 10% et 15% en glissement annuel, traduisant une demande à la fois soutenue et en mutation. Ce qui distingue cette phase de croissance des précédentes, c’est la nature des moteurs qui l’alimentent. L’intelligence artificielle, d’abord, agit comme un catalyseur majeur.
En 2025, le marché des semi-conducteurs dédiés à l’IA devrait croître de plus de 30%, porté par la multiplication des charges de travail en IA, la construction de centres de données hyperscale par les géants du cloud et l’essor de l’edge computing. L’automobile, ensuite, constitue un autre relais : les ventes de semi-conducteurs destinées aux véhicules électriques et autonomes devraient atteindre 120 milliards de dollars cette année. Enfin, la diffusion mondiale de la 5G entraîne un besoin massif en chipsets, dont le marché progresse actuellement à un rythme de 25% par an.
Une industrie stratégique et disputée
Cet essor n’efface pas les tensions qui traversent la filière. Plus que jamais, les semi-conducteurs se trouvent au cœur des rivalités géopolitiques. Les États-Unis et la Chine se disputent la maîtrise des technologies les plus avancées, cherchant chacun à réduire leur dépendance vis-à-vis de Taïwan, où TSMC concentre encore plus de 60% de la production mondiale de puces de dernière génération.
Aux États-Unis, la mise en œuvre du Chips and Science Act a déjà déclenché une vague d’investissements : Intel, TSMC et Samsung construisent de nouvelles usines en Arizona, dans l’Ohio ou au Texas. L’Europe, pour sa part, avance son European Chips Act et s’appuie sur des acteurs clés comme ASML, STMicroelectronics et Infineon afin de sécuriser sa chaîne d’approvisionnement. La Chine, confrontée aux restrictions américaines sur l’accès à certaines technologies, redouble d’efforts pour développer une industrie nationale capable de répondre à ses propres besoins.