Après avoir activé le régime de couverture pour les victimes du séisme d'Al Haouz, la Fédération marocaine de l’assurance partage avec nous les premières leçons tirées de ce dispositif.
Elle revient également sur l’avis du Conseil de la concurrence, émis début septembre, sur l’état de la concurrence dans le secteur.
Entretien avec Bachir Baddou, vice-président de la Fédération.
Propos recueillis par Y. Seddik
Finances News Hebdo : Le Maroc a mis en place un dispositif de couverture contre certains événements catastrophiques en 2020, et voilà qu'un 1er sinistre survient avec le séisme d'Al Haouz. Quels en sont les premiers enseignements ?
Bachir Baddou : Nous nous félicitons d'avoir mis en place, avec les pouvoirs publics en 2020, cette couverture obligatoire, et nous nous réjouissons de faire partie de peu de pays à travers le monde qui disposent d’un système aussi abouti, couvrant plusieurs périls. Le malencontreux événement du séisme d’Al Haouz a permis à notre secteur de démontrer sa capacité à réagir efficacement pour gérer rapidement un sinistre de masse, qui nécessite une organisation particulière sur le terrain. A ce jour, ce sont plus de 8.000 déclarations qui sont parvenues aux entreprises d’assurances. Elles concernent principalement des logements ayant subi des dégâts, mais également des industries, des commerces, des véhicules et malheureusement des décès et des blessés. Même si le séisme a touché en grande partie des zones où le taux de pénétration de l'assurance reste très faible, certaines agglomérations, en particulier la ville de Marrakech, comptent plusieurs assurés dont les biens ont subi des dégâts. Certes, nous ne sommes pas encore en mesure de donner un chiffre exact sur le montant global des indemnités qui seront versées aux victimes, mais il est acquis que les entreprises d’assurances vont verser plusieurs centaines de millions de dirhams. Bien que les déclarations remontent relativement vite, les experts prennent du temps à clôturer leurs rapports, vu qu’ils sont submergés par un nombre important de missions. C’est probablement l’un des premiers enseignements que nous tirons de la gestion des conséquences de ce sinistre. Nos échanges à l’international avec des assureurs ayant géré ce type d’événements font remonter sans exception le problème de la saturation des experts. Le cas du dernier séisme en Turquie est édifiant.
Il est entendu que nous restons réceptifs aux recommandations du Conseil de la concurrence. Nous trouverons ensemble le bon format pour échanger et faire évoluer nos pratiques, d’autant plus que nous sommes l’un des secteurs les plus régulés et les plus organisés du fait d’une supervision aux meilleurs standards.
F.N.H. : Y a-t-il pour les assureurs un avant et un après la déclaration du chef du gouvernement de l'état d'événements catastrophiques ?
B. B. : La déclaration du chef du gouvernement est intervenue environ 40 jours après l'événement, alors qu’il disposait d’un délai légal de 90 jours. Il est important de noter que ce processus prend du temps, puisqu’il faut au préalable, entre autres, une réunion de la commission de suivi réglementaire qui travaille sur la base des rapports d'experts, lui permettant de signer l'acte administratif. Il est entendu que nous n'avons pas attendu cette déclaration pour agir. Nous avons réuni les entreprises d’assurances le 9 septembre dans l'après-midi et avons déployé un plan d'actions pour toucher nos assurés, notamment via le réseau de distribution, afin de recueillir les déclarations et missionner les experts pour évaluer et estimer les préjudices subis. Même s’il était évident que le séisme allait être catégorisé comme évènement catastrophique au sens de la loi, nous attendions la déclaration pour avoir la liste des communes concernées par l'événement catastrophique et pouvoir ainsi finaliser le formalisme réglementaire et avancer dans le processus d'indemnisation.
F.N.H. : Sur un tout autre registre, le Conseil de la concurrence a émis début septembre un avis sur l'état de la concurrence dans le secteur de l'assurance. Pouvezvous nous dire ce qu'en pense la FMA ?
B. B. : Nous avons pris le temps nécessaire pour lire et analyser ce rapport. Nous adhérons à un grand nombre de propositions émises par le Conseil de la concurrence. Sur la plupart d'entre elles, des chantiers sont déjà ouverts, alors que d’autres sont identifiées comme des axes d’amélioration à moyen terme. Je peux citer la dématérialisation de l'attestation d’assurance automobile, la refonte de l'agrément des intermédiaires d'assurance, la profitabilité de certains produits déficitaires pour éviter la compensation avec d’autres lignes de produits bénéficiaires, la digitalisation de la distribution des produits, l’encaissement direct des primes d’assurance ou encore la mise en place d’une stratégie visant l’amélioration de l'inclusion en assurance. En outre, nous estimons que certaines recommandations relèvent davantage de la régulation et méritent d’être discutées, en premier lieu avec l'ACAPS. Cela devrait se faire en tenant compte des priorités et des orientations spécifiques de cette autorité. Je pense particulièrement aux critères d'entrée sur le marché, aux conditions d'obtention de l'agrément, à la distinction entre assureurs spécialisés et assureurs généralistes, ou encore à l'organisation de la distribution. Il faut savoir que notre secteur est soumis à une réglementation très stricte, qui est souvent le fruit d’une évolution historique, et tout changement réglementaire prend du temps. Il est entendu que nous restons réceptifs aux recommandations du Conseil de la concurrence. Nous trouverons ensemble le bon format pour échanger et faire évoluer nos pratiques, d’autant plus que nous sommes l’un des secteurs les plus régulés et les plus organisés du fait d’une supervision aux meilleurs standards.