Vendre à l’international, ce n’est pas seulement produire et livrer, c’est garantir le paiement, même à 6.000 km de distance. Avec la complexité et l’incertitude qui s’intensifi ent actuellement, l’assurance-crédit s’impose comme un levier décisif pour les entreprises marocaines qui cherchent à se développer à l’export.
A fin avril 2025, les chiffres de l’export marocain sont encourageants. Plusieurs secteurs comme les phosphates, le textile et l’agroalimentaire affichent une bonne tenue à l’international. Mais vendre hors des frontières ne garantit rien. Le vrai défi, c’est d’être payé.
Dans des délais acceptables. Et dans un contexte mondial où les tensions politiques, les risques économiques et les comportements de paiement évoluent très vite, la question de la couverture contre les impayés devient centrale. C’est là qu’intervient l’assurance-crédit. Un outil longtemps réservé aux grandes structures, mais qui gagne du terrain auprès des PME. Et pour cause : «L’incertitude est devenue la norme. On ne peut plus exporter sans savoir où l’on met les pieds», prévient Stéphane Rutili, Directeur général d’Allianz Trade au Maghreb.
Exporter, ce n’est pas seulement décrocher une commande à l’étranger. C’est s’engager, souvent à crédit, avec un client qu’on ne connaît pas toujours très bien. Dans des marchés parfois peu transparents, et où les recours juridiques sont minces. Ce flou, les assureurs-crédit savent le décrypter. Ils évaluent la solvabilité de millions d’entreprises, alertent sur les signaux faibles, et proposent des garanties en cas de défaut de paiement. Et lorsque la transaction tourne mal (client en faillite, refus de payer, conflit commercial), ils interviennent : recouvrement à l’international, indemnisation et maintien des flux de trésorerie pour l’exportateur marocain. Ce n’est pas un luxe. C’est une condition pour tenir.
Un filet de sécurité… mais aussi un tremplin
Au-delà de la protection, l’assurancecrédit est aussi un levier pour aller chercher de nouveaux marchés. Notamment en Afrique et en Asie, où les entreprises marocaines cherchent à se développer. Mais où les données financières sont souvent difficiles à obtenir, les délais de paiement plus longs, et les risques politiques plus élevés. C’est précisément là que l’assurancecrédit fait la différence. «On accompagne les entreprises dans l’analyse des marchés, on leur donne une lecture des risques pays, et on leur ouvre des portes qu’elles n’auraient pas franchies seules», insiste Rutili. Les assureurs, avec leurs réseaux mondiaux, deviennent des partenaires de prospection autant que de protection.
Sur le terrain, pourtant, l’assurance-crédit reste sous-utilisée. Beaucoup de PME l’ignorent, ou la jugent trop complexe. D’autres préfèrent «prendre le risque», par méfiance ou souci d’économie. Une logique à court terme, selon les experts, qui soulignent l’effet positif sur le financement. Une créance assurée, c’est une créance que les banques acceptent plus volontiers en garantie. C’est donc un accélérateur de trésorerie, un moyen d’obtenir un crédit de campagne ou de financer une commande importante. Dans ce cadre, des mécanismes comme la délégation d’assurance, qui permet à la banque de bénéficier directement de la couverture en cas de défaut, prennent toute leur importance. «C’est un cercle vertueux : moins de risque, plus de confiance, et plus de marge de manœuvre pour croître», nous indique un banquier de la place.
Un tournant public-privé
Dernier développement en date : l’entrée en jeu de l’État. Un dispositif public d’assurance-crédit à l’export vient d’être lancé pour accompagner les entreprises sur une quinzaine de marchés africains jugés stratégiques, mais peu couverts. L’idée n’est pas de concurrencer les assureurs privés, mais de compléter leur champ d’action. Une forme de portage du risque, assumée par les pouvoirs publics, pour faciliter la projection commerciale du Maroc en Afrique. Les assureurs privés saluent l’initiative, qu’ils voient comme un levier d’amplification, pas comme une substitution. L’écosystème marocain de l’assurance-crédit est en train de changer de dimension. Encore faut-il que les entreprises s’en emparent.