L’agence américaine Standard&Poor’s (S&P) a relevé vendredi la note souveraine du Royaume à BBB-/A-3, après quatre ans passés en catégorie spéculative. Une décision qui reflète la solidité des fondamentaux macroéconomiques et ouvre la voie à un retour des capitaux étrangers vers le marché national.
Par Y. Seddik
S&P justifie ce reclassement par la résilience de l’économie marocaine face à des chocs successifs, notamment l’instabilité du commerce mondial. L’agence met en avant une croissance réelle moyenne attendue de 4% entre 2025 et 2028, portée par la consommation intérieure, l’investissement et la dynamique de secteurs phares tels que l’automobile, l’aéronautique, les phosphates, le tourisme et les technologies de l’information. Les finances publiques poursuivent une trajectoire de consolidation : le déficit budgétaire devrait s’établir autour de 3% du PIB en 2026, tandis que la dette est attendue en repli sous le seuil de 60% du PIB d’ici 2028.
Les réserves de change sont jugées confortables, équivalant 5,5 mois d’importations. Sur le plan monétaire, une inflation contenue a permis à Bank Al-Maghrib d’abaisser son taux directeur à 2,25% en mars 2025, favorisant la demande intérieure. L’agence souligne la profondeur des réformes engagées : modernisation fiscale, extension de la couverture sanitaire, déploiement du registre social unifié et stratégies d’adaptation face au stress hydrique. Ces initiatives visent à renforcer la résilience et à favoriser la formalisation et la diversification de l’économie.
Les grands projets d’infrastructures, liés à la CAN 2025, à la Coupe du monde 2030 et aux investissements énergétiques, devraient amplifier cette dynamique. L’Office chérifien des phosphates (OCP) poursuit par ailleurs un programme stratégique visant à doubler sa production d’ici 2030, ce qui renforce la position du Maroc sur les marchés mondiaux des engrais.
Impact sur les marchés financiers
Pour les investisseurs internationaux, le retour du Maroc dans la catégorie Investment Grade réduit le risque pays et ouvre la voie à un élargissement des flux de capitaux. Plusieurs fonds et institutions, dont l’univers d’investissement est limité à cette catégorie, pourront de nouveau inclure le Royaume dans leurs portefeuilles. Sur le marché obligataire, les prochaines émissions souveraines devraient bénéficier de conditions plus avantageuses en termes de spreads.
Le Trésor marocain aura ainsi la possibilité de diversifier sa base d’investisseurs et de réduire sa dépendance au marché domestique. Les entreprises stratégiques, telles que l’OCP ou les grandes banques, devraient également profiter de cette requalification pour améliorer leurs propres notations et conditions de financement. Selon les opérateurs de marché que nous avons sollicités, le Trésor devrait tenter rapidement de tirer parti de cette perspective en mettant en avant auprès des investisseurs locaux sa meilleure accessibilité aux financements internationaux, afin de faire baisser les taux sur le marché domestique. Sa capacité à convaincre qu’il peut se détourner du marché local constitue un élément essentiel à surveiller.
Du côté des actions, une baisse attendue du spread souverain pourrait stimuler l’arbitrage en faveur de la Bourse de Casablanca. De nombreux gérants de fonds internationaux sont tenus par mandat de n’investir que dans des pays classés Investment Grade. Le Maroc redevient donc éligible à ces portefeuilles, ce qui devrait accroître la profondeur et la liquidité du marché, et faciliter même le retour tant attendu dans l’indice MSCI Emerging Markets. Toujours est-il que, malgré ce retour à l’Investment Grade, certaines fragilités demeurent. L’économie reste exposée aux aléas climatiques, en particulier aux sécheresses récurrentes, qui pèsent sur l’agriculture et l’emploi.
Le chômage, notamment chez les jeunes et les femmes, reste élevé, tandis que les disparités régionales persistent. À l’international, le Maroc demeure dépendant de la conjoncture européenne, principal partenaire commercial, et reste vulnérable aux tensions géopolitiques et aux incertitudes du commerce mondial.
En définitive, le relèvement de la note souveraine par S&P consacre la solidité de la trajectoire économique et budgétaire du Maroc, tout en renforçant sa visibilité auprès des investisseurs mondiaux. Pour les marchés financiers, ce signal positif devrait se traduire par un regain de confiance, une baisse du coût de financement et un retour progressif des flux de capitaux, condition essentielle pour soutenir la croissa