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Réforme fiscale: le prochain gouvernement aura du pain sur la planche

Réforme fiscale: le prochain gouvernement aura du pain sur la planche

Nécessité de bien préparer les décrets d’application.

Les textes doivent être précis et clairs, prenant en considération l’environnement socioéconomique.

 

Par C. Jaidani

 

La fiscalité est un levier important pour une bonne répartition des richesses. Elle permet de réduire les disparités sociales et territoriales et d’améliorer les services publics. Conformément aux recommandations des troisièmes assises de la fiscalité, tenues en mai 2019 à Skhirate, un ensemble de réformes ont été préconisées. Suite à un travail de longue haleine mené par l’équipe de Mohamed Benchaâboun, ministre des Finances, de l’Economie et de la Réforme de l’Administration, en partenariat avec d’autres institutions, ayant abouti à la création d’un projet de loi cadre relatif à la réforme fiscale, le texte a été finalement adopté au parlement. Il regroupe les grandes orientations de cette réforme qui seront mises en application au cours du mandat du prochain gouvernement.

«En dépit de plusieurs réformes, le système fiscal marocain présente de nombreuses limites. Inspiré du système français, il est à plusieurs niveaux en déphasage avec la réalité marocaine. L’informel dispose d’un poids important et la culture fiscale n’est pas bien ancrée chez les contribuables», souligne Youssef Oubouali, professeur de droit fiscal à l’Université Hassan II de Casablanca.

«Ce sont toujours les mêmes qui payent l’impôt. Cette situation entraîne une concentration de l’assiette fiscale et une pression sur les assujettis. Le manque de visibilité et de cohérence des textes incite à la fraude fiscale. Outre la loi cadre sur la réforme, il est essentiel de bien concevoir les décrets d’application, qui doivent prendre en considération l’avis des professionnels de la fiscalité, notamment les experts-comptables. Les textes doivent être clairs et précis pour réduire les interprétations hasardeuses», explique Oubouali. Ces dysfonctionnements ont été également relevés par Benchaâboun devant les parlementaires. Il a notamment pointé du doigt le nombre élevé d’incitations fiscales dont les effets sont sujets à discussion, d’autant que les mécanismes de leur évaluation sont quasi absents.

«Les incitations existent dans tous les systèmes fiscaux dans le monde mais, souvent, elles sont utilisées abusivement, créant ainsi une charge pour l’Etat sans aucune contrepartie. Certes, les incitations pour l’immobilier ont donné une forte impulsion au secteur et ont permis l’accès à la propriété à des milliers de citoyens. Mais certains promoteurs les ont activées frauduleusement en lançant des projets de type moyen standing, alors qu’ils sont déclarés en logement social. Certains acquéreurs ne font pas partie de la population cible, pourtant ils ont pu disposer de leurs logements», précise Oubouali. Au sein de la classe politique, la réforme fiscale a été très sollicitée par toutes les formations politiques, mais chaque parti a exprimé sa propre vision.

«C’est un projet de loi fortement attendu par les acteurs économiques et sociaux. Il doit corriger certains dysfonctionnements afin d’accompagner le nouveau modèle de développement. Pour ce faire, il est nécessaire de le discuter profondément et permettre à toutes les parties concernées de donner leurs avis. Il ne faut surtout pas le réduire à son aspect purement technique. La réforme fiscale n’est pas seulement une question de taux ou d’assiette fiscale; elle revêt un caractère encore plus large. Il est utile de prendre en considération d’autres volets afin de lui assurer les ingrédients de sa réussite. Il est donc primordial de lui accorder assez de temps pour prendre forme. Je ne comprends pas cette précipitation pour présenter le texte au cours de cette législature», souligne Ibtissam Azzaoui, député Parti authenticité et modernité (PAM).

Pour sa part, Omar Belafrej, député de la Fédération de la gauche démocratique (FGD) et membre de la commission des Finances à la Chambre des représentants, a souligné que «la crise sanitaire a montré le rôle important de l’Etat pour assurer les services publics, surtout dans des secteurs clés comme l’éducation et la santé. Il est important de mobiliser de nouvelles ressources budgétaires qui ne peuvent être générées qu’à travers l’élargissement de l’assiette vers de nouvelles niches fiscales comme la fortune, l’héritage et autres».

 

 

 

 

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