Sur le front fiscal, le PLF 2022 laisse transparaître des incohérences par rapport aux multiples objectifs de la loi-cadre numéro 69-19 portant réforme fiscale.
Par M. Diao
“C’est au pied du mur que l’on l’appré - hende les vrais talents d’un maçon». L’élaboration du PLF 2022 a été l’une des premières épreuves de vérité du nouveau gouvernement, dont Aziz Akhannouch a fait bon nombre de promesses. Parmi celles-ci, figure celle de ne pas augmenter les impôts, et donc la pression fiscale. Or, plusieurs mesures fiscalesphares du PLF 2022 vont à l’encontre de cette promesse qui a sans doute séduit une partie de l’opinion publique. La suppression de l’IS progressif, le maintien de la contribution sociale de solidarité pour les entreprises et l’instauration ou la hausse de la TIC pour certains produits, sont autant de dispositions fiscales qui remettent en cause l’engagement du gouvernement sur le plan fiscal. Interrogé sur le parti pris fiscal du nouvel exécutif à travers le PLF 2022, Hicham Mouchir, expert-comptable et économiste, met en exergue une donne fondamentale.
Gare à l’instabilité fiscale
«L’instauration d’un IS proportionnel s’apparente à un sacré retour en arrière, sachant que l’IS progressif jusque-là en vigueur a été introduit par la LF 2018. L’orientation fiscale du gouvernement laisse penser que celui-ci veut coûte que coûte, et quel que soit le prix, financer les projets du nouveau modèle de développement», soutient Mouchir. Ce dernier avance que le bienfondé de cette décision fiscale ne peut être justifié que par les énormes besoins de financement du nouveau modèle de développement.
«Une fois appliquée, la nouvelle mesure fiscale aura pour conséquence d’alourdir l’IS relatif aux entreprises concernées par la deuxième et la troisième tranche de l’IS progressif», explique notre source. Pour rappel, l’instauration de l’IS progressif est la résultante d’une longue bataille de la CGEM. Concrètement, l’IS proportionnel proposé par le gouvernement Akhannouch représente pour les entreprises industrielles des deux tranches précitées, la perte d’une économie d’impôt de 30.000 et 110.000 DH. Ce qui n’est pas rien, surtout dans ce contexte pandémique.
«Il est clair que cette mesure suscitera des débats houleux au Parlement et au sein de la CGEM», alerte-t-il. Hicham Mouchir pointe du doigt, à travers l’IS proportionnel, l’instabilité du système fiscal, laquelle serait un mauvais signal envoyé aux investisseurs, friands de visibilité à court et long terme. L’autre grief à relever a trait à la réintroduction de la contribution sociale de solidarité uniquement pour les entreprises. Sachant que cet impôt introduit par la LF 2021 et dont le champ d’application a couvert les particuliers et les entreprises, devait être ponctuel et concerner une seule année.
«La reconduction de cette contribution conjoncturelle (Covid-19) via le PLF 2022 n’est pas justifiée. Pour preuve, les prévisions de croissance montrent que l’activité reprend et cela aura des répercussions positives sur les finances publiques», assure l’expert-comptable. Au regard de ce qui précède, il est légitime de se poser la question de savoir si les nouvelles mesures fiscales proposées dans le PLF 2022 ne vont pas à l’encontre de l’un des objectifs majeurs de la loi-cadre portant réforme fiscale. Il s’agit de la baisse de la pression fiscale sur les contribuables au fur et à mesure de l’élargissement de l’assiette. Le PLF 2022 s’avère également être très timoré en matière de dispositions allant dans le sens de l’élargissement de l’assiette fiscale.
Le caractère crucial de celle-ci n’est plus à démontrer pour la hausse des recettes publiques. Au final, sur le plan fiscal, la première monture du PLF 2022 à connotation équilibriste pour le BGE, est quelque part loin des attentes. Et ce, notamment sur les fronts de l’équité et l’élargissement de l’assiette fiscales. Pire encore, le PLF 2022 laisse transparaître des incohérences par rapport aux multiples objectifs de la loicadre précitée.