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PLF 2021 : Une triple équation à résoudre

PLF 2021 : Une triple équation à résoudre

70 milliards de DH : c’est le «prix payé» par le Maroc pour initier des politiques contra-cycliques en cette période de crise.
Le Fonds Mohammed VI pour l’investissement constitue le fer de lance de la relance.
L'effort d'investissement global du secteur public atteindra un niveau record en 2021.

 

Par Y. Seddik

 

Allouer davantage de ressources au profit du social, préserver un niveau d'investissement public élevé et contenir le déficit budgétaire à un niveau au moins légèrement inférieur à celui de 2020, année de la pandémie : tel est le triptyque auquel devrait répondre le PLF 2021. Une triple nécessité exprimée dans un contexte inédit de crise et qui implique un défi : «Notre capacité à rebondir face un stress-test auquel l’économie moderne n’a jamais eu à être confrontée jusqu’à lors. C'est là le véritable défi qui nous attend», a expliqué le ministre de l'Economie, des Finances et de la Réforme de l'Administration, Mohamed Benchaâboun, lors de sa rencontre avec les membres de la CGEM.

Sur le volet social, il est question d'entamer la mise en oeuvre des orientations royales en matière de généralisation de la protection sociale sur les cinq années à venir. Ce chantier porte sur quatre domaines d'intervention, à savoir l'Assurance maladie obligatoire (AMO), la retraite, les allocations familiales et l'indemnité de perte d'emploi.

«Ainsi, l'année prochaine verra le lancement de la généralisation de l'AMO qui devrait s'étaler sur deux années pour bénéficier à tous les Marocains, dans la perspective de passer d'un système d'assistance à un système de l'AMO assurant un minimum à ses bénéficiaires», a étayé Benchaâboun.

Niveau d’investissement public record

En matière d'investissement public, le ministre a évoqué le niveau record de 235 milliards de dirhams, compte tenu des investissements des établissements et entreprises publics (EEP) et des collectivités locales, outre la contribution du Fonds Mohammed VI pour l'investissement. «Jamais le Maroc n'atteint ce chiffre de 230 milliards de DH en termes d'investissements publics prévus», a-t-il lancé.

S'agissant du déficit budgétaire, il a indiqué que le Maroc devrait achever l'année 2020 sur un déficit de 7,5%, soit 4 points au-dessus de ce qui a été prévu initialement, notant que le déficit prévu en 2021 est de 6,5%, malgré un recul des recettes de 30 Mds de DH et une hausse des dépenses de 30 Mds de DH.

«Ce surplus de déficit, qui génère un endettement additionnel de plus de 70 milliards de DH, a été le «prix payé» par le Maroc pour initier des politiques contra-cycliques visant le soutien de l’activité économique et l’apport d’un revenu minimum aux couches défavorisées ainsi que des indemnités pour ceux qui ont perdu leur emploi”, a précisé l’argentier du Royaume. Ainsi, des financements additionnels s'imposent pour se limiter à ce niveau de déficit. C'est à cette fin que la contribution de la solidarité va générer 5 Mds de DH, les financements innovants (14 Mds de DH) et les recettes générées par la cession d'actions de l'Etat (10 Mds de DH), dont 4 Mds de DH dans le cadre de la privatisation.

Pour Benchaâboun, la politique budgétaire du Royaume ne peut être qualifiée d'austère, mais plutôt une politique volontariste, à caractère expansionniste, et qui a été élaborée et mise en oeuvre sans hésitation. Cependant, le recours à cette politique doit nécessairement être limitée dans le temps pour des raisons de responsabilités.

«Le Maroc devra emprunter un cheminement qui nous permettra progressivement de revenir vers une trajectoire de déficit budgétaire soutenable et finançable, sans impact négatif sur les autres acteurs économiques. L'importance des enjeux économiques et sociaux exigeait que cette Loi de Finances soit placée sous le signe de la solidarité, de manière à préserver le vivre ensemble et veiller à ce que notre pays demeure un espace de stabilité», a conclu le ministre sur ce point.

Parallèlement à la Loi de Finances, d’autres projets de loi sont en cours de préparation et qui permettront à l'Etat de relancer l'investissement public et privé pour placer le pays dans de bonnes conditions post-Covid. Il s’agit du Fonds Mohammed VI pour l’investissement, l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’Etat et de la réforme des EEP.

Fonds Mohammed VI pour l'investissement : la plaque tournante de la relance

Approuvé en Conseil de gouvernement jeudi dernier, le Fonds Mohammed VI pour l'investissement sera alimenté par une enveloppe de 15 milliards de DH provenant du budget général de l'Etat. Doté de la personnalité morale, son Conseil d'administration sera présidé par le ministre en charge des Finances.

Le nouveau fonds s’assigne pour objectif de contribuer au financement des grands projets d'investissement et les accompagner, aux niveaux national et territorial, dans le cadre de partenariats avec le secteur privé, et de contribuer, par le biais de fonds sectoriels ou thématiques, au capital de petites ou moyennes entreprises.

Selon Benchaâboun, la loi ne délimite pas les champs d’intervention dudit Fonds. En clair, plusieurs sous-fonds pourront être créés, en plus des 6 catégories annoncées par le Souverain, à savoir la restructuration industrielle, l'innovation et les activités à croissance prometteuse, la promotion des petites et moyennes entreprises, les infrastructures, l'agriculture et le tourisme.

A côté, l’Etat devra lever 30 milliards de dirhams de capitaux additionnels auprès des investisseurs institutionnels publics ou privés, des institutions multilatérales, ou des dons de pays amis, et ce pour démultiplier la capacité d’intervention du Fonds et son impact sur l’économie. «Les investisseurs institutionnels préfèrent, en général, effectuer leurs placements dans un véhicule dont la stratégie d’investissement est mono-objet, avec une rentabilité et un risque homogènes», a par ailleurs noté le ministre.

Il contribuera directement au capital des grandes entreprises, publiques et privées, actives dans les domaines que le Fonds considère comme prioritaires, en mettant en place des instruments financiers appropriés tels les avances, les prêts remboursables ainsi que des fonds semi-autonomes. Le fonds aura aussi pour mission de préparer et mettre en place des mécanismes de financement structurés pour trouver des solutions de financement pour les entreprises opérant dans des domaines que le Fonds juge prioritaires.

Par ailleurs, le Fonds contribuera aussi à la préparation des projets d'investissement et à la réalisation de leur restructuration financière, aux niveaux national et territorial, afin de faciliter et d'améliorer les conditions de leur financement et de leur mise en oeuvre.


Une intervention avec le système financier avant fin 2020

Le Fonds Mohammed VI pour l'Investissement s'appuie dans ses interventions sur des fonds sectoriels ou thématiques, en fonction des domaines prioritaires et des besoins de chaque secteur. «La gestion des fonds thématiques sera confiée à des sociétés de gestion spécialisées qui interviendront en vertu d’un cahier des charges rigoureux. Le recours à ce mode de gestion permettra de capitaliser sur l’expertise de ces sociétés et d’assurer une montée en charge rapide», ajoute Benchaâboun.

En attendant la mise en place de ces structures, le Fonds Mohammed VI pour l’investissement interviendra, dans un cadre conventionné avec le système financier, avant la fin de cette année. Cette intervention consistera à faciliter l’accès au financement des investissements à travers le renforcement des fonds propres des entreprises qui en ont besoin et ce, moyennant des prêts participatifs sous forme de dette subordonnée par exemple.

Ces prêts seront accordés pour une durée comprise entre 7 et 15 ans, dans la limite du 1/3 du crédit demandé. Cela permettra d’adresser une problématique structurelle d’insuffisance des fonds propres qui a été aggravée par l’endettement additionnel liée à la pandémie.

 

Comment évolue l’économie marocaine depuis l'assouplissement du confinement ?
Lors de sa rencontre avec le patronat, Mohamed Benchaâboun a fait le point sur les dernières évolutions de la conjoncture économique nationale. Ainsi, plusieurs évolutions ont été relevées depuis le début des assouplissements (soit juillet). Elles sont résumées comme suit :
- Atténuation de la contreperformance des activités non agricoles, à l’exception de certains secteurs, à leur tête le tourisme.
- Bon comportement du secteur minier et poursuite de l’évolution favorable de l’activité portuaire.
- Reprise de certaines branches industrielles et atténuation de l’évolution négative des ventes de ciments.
- Autre indicateur révélateur de l’état de santé de l’économie, aux yeux de Benchaâboun : la consommation de l’énergie. Celle-ci a progressé de 0,8% depuis juillet, «ce qui peut être traduit comme un indice de reprise progressive de l’activité économique», affirme le ministre.
- Allègement du déficit commercial : les importations ont baissé un peu plus rapidement que les exportations.
- Hausse des réserves en devises qui couvrent plus de 7 mois d’importations, «au rythme des importations d’aujourd’hui», précise Benchaâboun.
Côté mauvaises nouvelles, l’argentier du Royaume en cite deux. D’une part, le ralentissement de l’investissement qui n’est pas «une surprise», selon lui. Et de l’autre, une destruction de 580.000 postes d’emplois à fin septembre 2020.

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