La mesure réelle de l’impact RSE permet de lutter contre le Greenwashing.
Skema Business School a présenté son indicateur de mesure RSE, baptisé SPI.
Par Y. Seddik
À une époque où la conscience environnementale et sociale est en plein essor, les entreprises responsables se retrouvent face à un défi majeur : mesurer et évaluer leur impact en matière de responsabilité sociale. La simple adoption de pratiques durables ne suffit plus; les entreprises doivent désormais démontrer de manière tangible les résultats concrets de leurs actions en faveur de la durabilité.
C'est là qu'intervient la métrique de l'impact en matière de RSE, un outil essentiel permettant de quantifier et de communiquer l'impact réel de ces initiatives. La RSE est un sujet tellement vague qu’il est difficile de s’y retrouver et de différencier le concret de l’abstrait ou du théorique. Sur quels facteurs devons-nous nous baser ? Comment peut-on comparer correctement l’impact de chaque entreprise ? Cette problématique a été au centre des débats lors des Rencontres de la finance durable organisées par l’ISCAE de Rabat. Une journée qui a réuni plusieurs experts et qui a traité en long et en large la thématique de la finance durable.
Mesurer pour comprendre
Selon les experts présents à cette journée, la métrique de l'impact en matière de RSE repose sur une idée fondamentale : nous ne pouvons améliorer que ce que nous sommes capables de mesurer. C'est en évaluant et en quantifiant l'impact de leurs actions que les entreprises peuvent véritablement comprendre l'étendue de leur contribution à la RSE. Cela leur permet également d'identifier les domaines dans lesquels des améliorations sont nécessaires et de mettre en œuvre des stratégies ciblées pour un changement positif. La mesure d’impact nécessite en effet une sélection judicieuse d’indicateurs appropriés.
Ces derniers doivent être les enjeux majeurs de la RSE et qui sont alignés sur les objectifs spécifiques de l'entreprise. Par exemple, une entreprise axée sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre peut utiliser des mesures telles que les émissions de CO2 évitées, l'utilisation d'énergies renouvelables ou l'efficacité énergétique. Ces mesures fournissent des données tangibles sur l'impact réel de l'entreprise. Dans le secteur financier, les banques de la place ont développé des stratégies RSE et défini des KPI spécifiques pour mesurer l’impact de leurs engagements, surtout en termes de financement. Ces KPI peuvent inclure l’analyse de la satisfaction clients, l’engagement des employés, l’analyse financière, l’efficacité énergétique et la performance environnementale… «Nous disposons du système de gestion environnementale et sociale, des principes de l’Équateur et nous avons également des normes pour évaluer l’impact environnemental et social de tout projet d’investissement», a expliqué en substance Mamoun Tahri Joutei, directeur du Centre d'intelligence économique de Bank Of Africa. Et de préciser que «40% des engagements de la banque (BOA : ndlr) ont un impact positif en termes de RSE pour la partie entreprise. Quand on rajoute le crédit immobilier en faveur du logement social, nous serons aux alentours des 60%».
Collecter, analyser puis communiquer
La collecte de données précises est un élément essentiel de la métrique de l'impact en matière de RSE. Les entreprises doivent mettre en place des systèmes robustes pour réunir les données nécessaires à la mesure de leurs indicateurs de performance clés. Cela peut inclure la collecte d'informations internes auprès des différentes parties prenantes, ainsi que des audits externes pour valider les résultats. La précision et la fiabilité des données garantissent une évaluation juste et crédible de l'impact de l'entreprise. Une fois les données collectées, il est essentiel de les analyser et de les interpréter correctement. Les entreprises doivent se pencher sur les tendances, les écarts et les comparaisons par rapport aux objectifs fixés.
Cette analyse approfondie permet de prendre des décisions éclairées sur les actions à entreprendre pour améliorer les performances en matière de RSE. L'interprétation des résultats offre également une opportunité de mettre en évidence les succès et les progrès réalisés, renforçant ainsi la crédibilité de l'entreprise dans son engagement envers la RSE. Enfin, la métrique de l'impact en matière de RSE doit être accompagnée d'une communication transparente et claire. Les entreprises doivent partager leurs résultats avec leurs parties prenantes, en utilisant des rapports de RSE bien structurés et accessibles. Notons que la publication des rapports RSE par les entreprises qui font appel public à l’épargne est devenue obligatoire au Maroc depuis 2020.
Vers un indicateur universel ?
Cette journée scientifique a été l’occasion pour Skema Business School de présenter son indicateur de mesure, baptisé SPI. «En effet, le SPI est un calculateur de performance extra-financière exprimé à travers un score de 0 à 100%. Ce n’est pas un simple agrégateur de data, mais c’est plutôt un score élaboré pour n’importe quelle organisation (entreprise, banques ou autres)», explique Dhafer Saïdane, professeur de finance à Skema Business School et directeur de l’Observatoire international de la finance durable. En clair, le Sustainable Performance Index ou SPI est un indicateur synthétique qui démontre le degré de durabilité d'une entreprise. Il englobe toutes les dimensions de la durabilité (environnementale, sociale et économique). Par ailleurs, il considère à la fois la performance financière et extra-financière visà-vis de six catégories de parties prenantes : la société civile, les clients, les salariés, les managers, les régulateurs et les actionnaires.
L'indice varie de 0% à 100%. À mesure que le score augmente, le niveau de durabilité de l'organisation augmente également. Tout score inférieur à un score parfait (100%) invite les entreprises à envisager les actions nécessaires pour améliorer la satisfaction de leurs parties prenantes. «La finalité de SPI est de mesurer la performance globale de l'entreprise sur des critères ESG et de responsabilité sociale envers les parties prenantes impliquées dans ses activités. En utilisant un indice de performance durable basé sur la satisfaction des parties prenantes, les entreprises peuvent évaluer leur impact sur la société et l'environnement, et identifier les domaines où elles doivent s'améliorer pour atteindre une performance durable à long terme», résume Saïdane.
La métrique pour éviter le Greenwashing
La métrique de l'impact en matière de RSE ouvre la voie à une responsabilité véritablement mesurable et significative et permet de lutter contre le «Greenwashing». Une pratique par laquelle une entreprise ou une organisation tente de se présenter comme respectueuse de l'environnement ou engagée dans la durabilité, tout en ne prenant pas véritablement de mesures dans ce sens. C'est une forme de manipulation de l'image de marque. Le Greenwashing peut inclure des déclarations trompeuses, des publicités ou des emballages non-écologiques, des certifications non vérifiées ou des efforts symboliques qui ne correspondent pas à une véritable responsabilité environnementale.