La visibilité sur le marché obligataire est extrêmement réduite en cette fin d’année 2022.
Carburant essentiellement à la macro, le marché obligataire a souvent une longueur d’avance sur les autres compartiments du marché des capitaux, notamment le marché actions, dont les valorisations dépendent en bonne partie des rendements sans risque constatés sur le marché obligataire. Mais depuis quelques mois, force est de constater que les investisseurs en taux naviguent à vue. Sur ce marché plutôt cartésien, l’on constate depuis quelques mois une charge émotionnelle grandissante chez des opérateurs pris en sandwich par le resserrement de la politique monétaire, l’inflation galopante et le manque de visibilité sur l’issue de la crise en Ukraine et son impact sur la croissance au Maroc et chez les partenaires.
La décollecte chez les fonds obligataires moyen long terme a atteint 50 Mds de dirhams à fin septembre. Une hémorragie qui s’étend peut-être à l’obligataire court terme, puisque les sorties ont dépassé les 28 Mds de dirhams rien qu’en septembre, faisant basculer la collecte dans le rouge (-15 Mds) sur 9 mois. Une tendance à confirmer. Et pour cause, des institutionnels ajustent leurs allocations d’actifs pour faire face à la hausse des taux. Mais que l’on ne s’y trompe pas : ce marché en décollecte devrait attirer beaucoup d’investisseurs lorsque des signaux de stabilisation des taux seront détectés. Et qu’on se le dise, même les investisseurs particuliers devront s’y intéresser à ce moment-là.
Des craintes à court terme…
Mais en attendant, la visibilité reste réduite. Le 7 novembre et au moment où nous rédigions ces lignes, le Trésor n’avait toujours pas communiqué sur ses besoins pour le mois en cours. «N’ayant pas encore communiqué ses besoins pour le mois de novembre, les investisseurs semblent ne pas disposer de suffisamment de visibilité…», écrit BKGR dans son habituelle lettre de taux hebdomadaire. Par ailleurs, durant la semaine écoulée, le Trésor a effectué sa première levée sur une maturité «traditionnelle» depuis près de 4 semaines pour un volume plutôt modeste de 500 MDH, écrit le bureau de recherche, marquant ainsi le cours de la ligne 2 ans au taux limite de 2,44%. Ce taux est très proche de la précédente sortie, qualifiée de «surprise» par les investisseurs, portant sur 45 jours seulement, et réalisée à 2,38%. Emprunter à des taux proches à 45 jours et 2 ans peut être assimilé à une anomalie de marché.
Les opérateurs expliquent que le Trésor multiplie les gymnastiques pour ne pas marquer les taux long terme (10 ans et plus) à la hausse. Ceci se traduit par un «soulèvement» de la partie court terme et moyen terme de la courbe des taux sur laquelle il pratique une plus grande pression. Rien que sur le troisième trimestre 2022, les taux courts et moyens ont enregistré des accroissements notables, par rapport au trimestre précédent, oscillant entre +24 points de base et +42 points de base, après une fourchette comprise entre +8 points de base et +19 points de base au deuxième trimestre 2022. Mais au-delà de l’allure de la courbe, ceci réduit la durée de vie de la dette intérieure du Trésor en lui faisant perdre 4 mois de maturité moyenne, la ramenant à 6 ans, soit son niveau de l’année 2018. Quand on sait les efforts que fournit la direction du Trésor pour allonger la maturité de la dette et réduire la pression sur les finances publiques à court terme, on comprend aisément que les impératifs à court terme auront un coût dans le futur.
... En attendant Bank Al-Maghrib en décembre
Si les investisseurs ne savent toujours pas à quoi s’attendre en novembre, ils doivent prendre leur courage à deux mains et se projeter en décembre où un consensus se forme autour d’une hausse du taux directeur entre 25 et 50 points de base. BKGR en résume les causes : «la persistance des pressions inflationnistes et la poursuite du resserrement monétaire par les Banques centrales des principales puissances économiques mondiales».
Le FMI pour désamorcer les pressions ?
«L’un des principaux leviers de financement dont dispose le Trésor pour réduire les pressions futures sur la liquidité domestique est l’activation de la ligne LPL ou encore le tirage des DTS auprès de Bank Al-Maghrib», écrivait Attijari Global Research fin octobre. Autrement, les taux obligataires devraient continuer à subir des tensions haussières en raison du relèvement attendu de l’offre du Trésor en BDT, conjuguée au rehaussement des exigences de rentabilité des investisseurs dans un contexte inflationniste qui s’annonce, selon la même source, «plus soutenable que prévu».