La Société islamique pour le développement du secteur privé (SID ou ICD en anglais), filiale du groupe de la Banque islamique de développement, ouvre un bureau régional à Rabat. Objectifs : soutenir le développement des infrastructures du pays, promouvoir l’inclusion financière, accompagner et financer les entreprises marocaines désireuses de s’étendre en Afrique, et contribuer au développement des marchés de capitaux islamiques au Maroc. L’institution prévoit aussi le lancement d’un fonds d’investissement à destination des PME. Les détails avec Mohamed Berrada, représentant de ICD au Maroc, qui nous a reçu dans les locaux de la BID à Rabat.
Finances News Hebdo : Pouvez-vous nous parler de ICD pour ceux qui ne connaissent pas assez cette institution. Quelle est la vocation principale de votre institution ?
Mohamed Berrada : La Société islamique pour le développement du secteur privé (ICD) est une institution multilatérale qui fait partie du groupe de la Banque islamique de développement (BID). Elle a pour mandat de promouvoir le développement du secteur privé dans les 52 pays membres de l’institution. Nous proposons généralement des financements et des prises de participation directe dans des projets de croissance dans tous nos pays membres. Nous finançons principalement des entreprises ou des projets d’infrastructures et nous donnons également des lignes de financement à des banques pour financer les petites et moyennes entreprises. ICD a également créé des fonds d’investissement qui ont pour vocation de renforcer les fonds propres des PME.
Enfin, nous proposons des programmes d’assistance pour les émissions de sukuk, la transformation des institutions financières et l’établissement de nouvelles zones spéciales économiques.
F.N.H. : Quelle est, jusqu’à présent, la nature de vos relations avec le Maroc ? Comment comptez-vous les développer ?
M. B. : Le Maroc est officiellement membre de ICD depuis 2011. Depuis cette date-là, nous avons développé un certain nombre de contacts avec des opérateurs privés marocains et avec des banques multilatérales pour voir quelles sont les opportunités de coopération qui s’offrent à nous. Nous avons présenté dernièrement aux opérateurs marocains notre nouvelle stratégie de décentralisation, dont le but est de se rapprocher au maximum des décideurs économiques dans nos pays membres, en particulier ceux qui ont une forte vocation à porter le mandat d’ICD, à savoir le développement du secteur privé et la coopération Sud-Sud. Nous pensons à cet égard que le secteur privé marocain peut jouer un rôle important dans le mandat d’ICD, que soit ce soit au Maroc ou en Afrique.
ICD va bientôt ouvrir un bureau régional au Maroc. C’est un message clair que nous envoyons pour montrer la confiance que nous portons au secteur privé marocain et notre volonté de réaliser des choses ici.
F.N.H. : Quelles sont justement vos ambitions pour le Maroc et les secteurs que vous ciblez ?
M. B. : Notre stratégie au Maroc est basée sur quatre piliers essentiels. Le premier est de soutenir le développement des infrastructures dans le pays. Le Maroc a entrepris une politique extrêmement audacieuse en termes d’infrastructures. Par exemple, la stratégie énergétique du Maroc vise à porter la part des énergies renouvelables à 42% de l’énergie totale, et nous comptons accompagner le Royaume dans cette démarche, à travers des financements PPP (partenariat public/privé). Le deuxième pilier concerne l’inclusion financière. Notre objectif est d’offrir des moyens de financement alternatifs aux particuliers et aux PME, basés sur les principes de la finance participative. Le troisième pilier porte sur le soutien aux entreprises marocaines et l’accompagnement que l’on souhaite leur offrir dans leur stratégie de croissance, notamment vers l’Afrique. Sur les 52 pays membres de ICD, beaucoup sont des pays africains. En tant qu’institution de développement du Sud, notre objectif est d’accompagner tous ceux qui veulent promouvoir les investissements Sud-Sud dans leurs projets. Le quatrième point est la mobilisation de ressources et le développement des marchés de capitaux islamiques au Maroc, à travers l’assistance qu’on souhaite apporter dans le cadre des futures émissions de Sukuk attendues au Maroc.
Enfin, nous aimerions rappeler que nous n’avons pas vocation à concurrencer les banques marocaines, mais nous souhaitons plutôt compléter l’offre existante et nous insérer là où il y aura un besoin.
F.N.H. : Le financement des PME est actuellement au coeur des préoccupations de nos dirigeants. Comment comptez-vous apporter votre pierre à l’édifice dans ce domaine ?
M. B. : Dans la plupart de nos pays membres, la PME constitue une part importante du tissu industriel et du secteur privé. Par conséquent, notre action consiste à soutenir directement ces PME, soit en leur donnant des financements, soit en participant nous-mêmes dans leur capital, soit en octroyant des financements à des banques locales qui vont elles-mêmes les utiliser pour soutenir les PME. Plus particulièrement, au Maroc, nous avons l’ambition de lancer bientôt un fonds d’investissement à destination des PME, en partenariat éventuellement avec un acteur local.
En ce qui concerne notre offre de produits, nous allons évidemment nous aligner sur la législation marocaine en termes de produits financiers. Ce que l’on proposera sera en phase avec l’offre homologuée par Bank Al-Maghrib.
F.N.H. : Peut-on s’attendre à une émission prochaine de Sukuk au Maroc ?
M. B. : Le problème qui va être posé avec l’entrée en vigueur de la Loi de Finances 2016 est de savoir comment gérer l’ensemble des liquidités que les banques participatives marocaines vont drainer. L’idée qu’il y ait des émissions de sukuk à court terme à destination de ces banques participatives, va permettre en réalité de canaliser cette liquidité. ICD souhaite donc aider à définir un cadre juridique pour l’émission de Sukuk.
Par ailleurs, ICD a déjà conseillé la Côte d’Ivoire, la Tunisie, la Jordanie et d’autres pays pour émettre des Sukuk souverains. Notre appartenance au groupe de la BID, la plus grande institution islamique, nous donne la légitimité et la crédibilité nécessaires pour accompagner les Etats, mais aussi les entreprises privées à émettre des Sukuk.
Propos recueillis par A. Elkadiri