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Quand le gouvernement prend des vessies pour des lanternes

Quand le gouvernement prend des vessies pour des lanternes

Le 5 juin courant, soit lors de la séance des questions orales devant les élus, le ministre délégué chargé du Budget, Fouzi Lekjaa, a annoncé des chiffres fort intéressants quant à l’évolution des recettes fiscales à fin mai. En effet, au 31 mai 2023, les recettes fiscales ont augmenté de 5%, notamment grâce à l’IS, mais aussi en raison d’une hausse de 5,6% des recettes de l’IR, et de 17,5% pour la TVA.

Quant aux recettes douanières, elles ont battu un record, avec une hausse de 9% par rapport au mois de mai de l’année précédente. En somme, tout se passerait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles aurait dit Pangloss, ou Leibniz, c’est au choix. C’est à se demander si l’Etat a réellement besoin d’une nouvelle rallonge budgétaire, tellement l’argent semble pleuvoir de toutes parts. Cependant, tous ces chiffres plus reluisants les uns que les autres n’ont servi au fond que de préambule à une quatrième nouvelle rallonge depuis le début de l’année, qui cette fois est évaluée à 6,7 Mds de DH, voire plus si affinité. Comment tout d’abord expliquer cette hausse des recettes fiscales, au moment même où l’économie et les ménages semblent souffrir en silence ? Serais-je passé à côté d’une embellie économique que seul le gouvernement serait capable de voir ?

Étant moi-même entrepreneur et consommateur, permettez-moi d’exprimer quelques doutes, à en juger par les prix de plusieurs produits et denrées, qui se maintiennent à des niveaux élevés, ou continuent leur mouvement inexorablement haussier, au grand dam des consommateurs. Cependant, le malheur des uns faisant le bonheur des autres comme dit l’adage, cette inflation semble paradoxalement offrir des motifs de satisfaction à notre gouvernement, du moins sur le volet fiscal, puisque la hausse des recettes due à la TVA n’exprime en rien une embellie économique. Cette hausse est le fait même de l’inflation. Car, comme tous les impôts dont le taux est fixe, mais la base imposable mouvante, plus les prix augmentent, plus les recettes de la TVA montent au plafond. Certes, l’Etat gagne de plus en plus de dirhams, mais ces derniers valent de moins en moins.

C’est un peu le serpent qui se mord la queue, ou l’Etat qui suralimente la hausse des prix, en rajoutant à la hausse des coûts de production, une dîme fiscale. Que dis-je ? Une double dîme, puisque la TVA est à 20%, là où la dîme dans l’antiquité et au Moyen-âge n’était que de 10%. La belle époque ! Face à cette dynamique d’étouffement des entreprises et des ménages, les barons de l’informel qui contrôlent les différents «Derb» pour ne pas les citer, se frottent les mains, au moment où le gouvernement détourne maladroitement le regard. De plus, cette énième rallonge budgétaire prend de plus en plus la forme d’une planche à billets utilisable à souhait, là où la loi semble autant stricte que vague sur ce sujet. Car l’article 60 de la loi organique des finances décrète qu’en «cas de nécessité impérieuse et imprévue d’intérêt national, des crédits supplémentaires peuvent être ouverts par décret en cours d’année, conformément à l’article 70 de la Constitution». Mais que doit-on interpréter par nécessité impérieuse et imprévue d’intérêt national ?

Dieu seul le sait, et peut-être le gouvernement un peu aussi, vu qu’il y a eu recours 3 fois depuis le début de l’année (16, 12, 10 puis 6,7 Mds de DH), et compte le faire une quatrième fois. Non seulement cela décrédibilise la Loi de Finances pourtant votée par les élus, mais elle permet au gouvernement de recourir de manière techniquement limitée à une planche à billets, qui ne manque pas de nourrir, ou du moins, d’entretenir l’inflation. De l’autre côté, BAM a décidé depuis plusieurs mois, et ce contrairement à son orthodoxie habituelle, de prêter au Trésor par la médiation des banques, en achetant des bons du Trésor sur le marché secondaire. Là encore, il s’agit ni plus ni moins que d’une planche à billets déguisée. Par conséquent, veut-on lutter sérieusement contre l’inflation ? Ou veut-on plutôt l’entretenir pour des raisons de rendements fiscaux, tout en atténuant tant bien que mal ses effets sur le pouvoir d’achat ? La question mérite d’être posée.

 

 

Par Rachid Achachi, chroniqueur, DG d’Archè Consulting

 

 

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