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Fintech : le Maroc entre innovation et prudence

Fintech : le Maroc entre innovation et prudence

L’émergence des fintechs au Maroc bouscule progressivement les modèles bancaires traditionnels. Si l’adoption des technologies comme l’IA, la blockchain et l’open banking reste encore en phase d’exploration, leur potentiel est immense.

 

Par Y. Seddik

Si l’écosystème fintech au Maroc reste encore en construction, son développement s’accélère sous l’effet d’une adoption croissante des solutions digitales et d’un intérêt accru des institutions financières. Toutefois, contrairement à d’autres marchés africains où la réglementation a rapidement intégré ces nouveaux acteurs, le Maroc avance avec prudence. Comme nous l’explique un consultant spécialisé en fintech, «dans les géographies au climat bancaire favorable, les fintechs ont pu s’imposer très rapidement.

Dans d’autres, où le contexte réglementaire fait barrage, elles peinent à émerger, et le Maroc en fait partie. L’initiative Morocco Tech semble être une passerelle favorable, mais il faudra voir comment elle pourra fédérer et influencer les régulateurs pour débloquer certains freins».

L’un des principaux obstacles reste la question du KYC (Know Your Customer) et de l’identification digitale. Aujourd’hui, l’ouverture de compte à distance ou la souscription à des services bancaires entièrement dématérialisés reste complexe, faute de cadre réglementaire clair et harmonisé. Pourtant, les solutions existent et sont déjà déployées dans d’autres pays. Au Kenya, des fintechs comme Tala exploitent les données mobiles et les réseaux sociaux pour évaluer la solvabilité des emprunteurs sans historique bancaire, offrant ainsi des microcrédits instantanés.

L’IA, moteur d’innovation pour les banques

L’adoption de l’intelligence artificielle transforme déjà en profondeur le fonctionnement des banques de la place, même si ces évolutions restent souvent invisibles aux yeux du grand public. Loin des simples applications mobiles et des interfaces clients modernisées, c’est surtout dans les coulisses que l’IA opère des changements majeurs. Attijariwafa bank a amorcé une stratégie data-driven qui s’étend à plusieurs de ses filiales africaines. Grâce à des algorithmes d’apprentissage automatique, le groupe analyse en temps réel les flux de transactions, ce qui permet d’affiner le scoring de crédit, d’accélérer la détection des fraudes et de personnaliser les offres bancaires.

Résultat : un client au Sénégal ou en Côte d’Ivoire bénéficie d’une évaluation de risque instantanée, tandis qu’un client marocain voit ses transactions transfrontalières validées plus rapidement, avec une meilleure transparence sur les frais et les taux de change. Dans le même esprit, Bank of Africa a mis en place un système d’analyse sémantique qui accélère le traitement des réclamations clients. L’IA trie automatiquement les emails et les messages reçus, hiérarchise leur importance et propose des réponses standardisées, divisant ainsi par trois le délai moyen de résolution des demandes.

Open banking et blockchain

L’open banking, qui repose sur l’ouverture des données bancaires via des API sécurisées, s’impose progressivement comme un standard. Ce modèle favorise l’émergence d’applications tierces capables d’interagir avec les comptes des clients pour proposer des services innovants. Toutefois, au Maroc, cette transition se heurte encore à des réticences réglementaires et à des questions liées à la cybersécurité. Certaines banques commencent néanmoins à expérimenter ces nouvelles approches. CIH Bank, avec son application CIH Pay, a intégré des technologies de tokenisation développées par Mastercard pour sécuriser les paiements mobiles.

Bank of Africa explore, quant à elle, l’usage de smart contracts basés sur la blockchain pour fluidifier certains types de transactions transfrontalières. Face à ces transformations, l’écosystème fintech marocain cherche à se structurer. La création du Morocco Fintech Center constitue une première réponse à ce besoin d’organisation et de coordination. Cette initiative vise à rapprocher les startups, les banques et les autorités de régulation afin d’accélérer l’innovation financière.

Comme l’explique Sofiane Gadrim, spécialiste de l’innovation financière, «si le Morocco Fintech Center parvient à catalyser la collaboration entre grandes banques, startups et partenaires internationaux, le Maroc pourra concrétiser ses ambitions de hub fintech régional tout en favorisant l’innovation de proximité».

 

 

 

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