L’Afrique est incontestablement dans une dynamique de progrès depuis plusieurs années. Nouveau centre de gravité des affaires, le continent suscite de plus en plus la convoitise des investisseurs étrangers, dans le cadre d’une relation qui s’oriente désormais vers un partenariat gagnant-gagnant.
Sauf que l’Afrique, malgré ses nombreuses potentialités, reste toujours handicapée par un déficit criant en infrastructures, qui constitue un véritable rempart à un processus de développement accéléré et inclusif. D’où la nécessité de mettre en place des mécanismes de financement des infrastructures adéquats. Ce sujet important a d’ailleurs fait l’objet d’un panel intéressant lors de la seconde édition du China-Africa Investment Forum (CAIF), tenue les 27 et 28 novembre à Marrakech.
Il faut rappeler, à ce titre, que la Chine reste un acteur important dans le financement des infrastructures en Afrique. Dans son rapport sur les «Tendances du financement des infrastructures en Afrique 2016», le Consortium pour les infrastructures en Afrique (ICA) précise que les engagements financiers globaux pour le développement des infrastructures en Afrique ont atteint 62,5 milliards de dollars en 2016. Mais ce montant a baissé par rapport à 2015, en raison, en partie, de la diminution de la contribution chinoise. En effet, selon le rapport, l’apport de la Chine s’est situé à 6,4 milliards de dollars en 2016, alors qu’il était en moyenne de 12 milliards de dollars par an durant les cinq années précédentes.
Renforcer les liens avec la Chine et mettre en place des outils de «dérisquement»
Même si ses engagements en la matière ont connu un fléchissement, la Chine peut toujours continuer à jouer un rôle majeur dans le financement des infrastructures en Afrique. C’est la conviction profonde de Brahim Benjelloun-Touimi, administrateur Directeur général exécutif du Groupe BMCE Bank et président de Bank of Africa. Dans une intervention improvisée lors de ce panel, il estime que «notre rôle est de capitaliser sur cette manne financière que la Chine met à disposition des investisseurs».
«Nous devons contribuer à l'intensification du commerce extérieur et également développer les liens d'investissement entre la Chine et l'Afrique et aussi entre pays d'Afrique. Il y a un besoin de se positionner dans des projets qui permettent d'atteindre des pays enclavés», ajoute-t-il, non sans préciser que «pour développer la finance sino-africaine, il me semble qu'il faut imaginer et capitaliser sur des outils de «dérisquement» dans les projets d'infrastructures par exemple, qui sont des projets à long terme et qui peuvent avoir des impacts sur toute une économie. Les mécanismes de garantie peuvent également permettre d'atteindre ces objectifs. Il faut aussi documenter les contrats par des juridictions qui peuvent rassurer les investisseurs».
En parallèle, d’autres leviers sont à activer, comme notamment la finance mixte qui, selon Benjelloun-Touimi, est le socle sur lequel repose l’avenir de la finance sino-africaine. «Il s'agit pour les banques d'affaires de trouver les moyens de faire des structurations, des montages qui permettent d'associer les aspects d'assistance technique, de dons, des prêts…», préconise-t-il, tout en donnant l’exemple du Morseff, ouvert par BMCE BoA.
«C'est un outil qui allie du financement pur à de l'assistance technique et qui connait un grand succès. Nous avons pu très facilement permettre à des PME une montée en gamme dans l'énergie propre et placer ces produits auprès d'entreprises qui ne pouvaient pas s’improviser spécialistes des énergies renouvelables ou de l’efficacité énergétique», fait-il savoir.
«Standardiser et humaniser»
A côté de la finance mixte, il faut aussi promouvoir, à travers la finance, l'énergie propre, mais aussi l’innovation. Benjelloun-Touimi ne dit pas autre chose : «nous devons faire preuve d'ingéniosité dans la finance sino-africaine. Par exemple, dans le domaine de l'infrastructure, nous devons comprendre que le partenariat public-privé (PPP) est un outil exceptionnel, sauf qu’il est faiblement utilisé sur le continent africain. Pourtant, c'est la clé, le sésame pour pouvoir attirer la finance internationale pour venir en appui à la finance chinoise».
Enfin, pour le président de Bank of Africa, il y a aussi deux leviers essentiels sur lesquels il faut capitaliser. Il les résume en deux verbes : standardiser et humaniser.
«Standardiser parce qu'il s'agit de simplifier ce qui est complexe, notamment lorsque l'on doit exprimer le besoin de développement et de financement. Humaniser parce que tout commence et finit par l'humain. Il faut que la finance sino-africaine puisse capitaliser sur la finance réelle et l'investissement physique, mais également sur l'humain. La formation dans des domaines complexes d'infrastructure, d'accompagnement des gouvernements et l'accompagnement des financiers est essentielle. Il faut d'ailleurs ne pas diriger les financements vers l'infrastructure uniquement, mais également vers l'infrastructure immatérielle», conclut-il. ■
Coopération triangulaire
A l’aune de la nouvelle politique chinoise «One Belt One Road» (OBOR), appelée «nouvelle route de la soie», le Maroc a un rôle important à jouer dans la coopération sino-africaine. Ce que confirme le PDG du Groupe BMCE Bank of Africa, Othman Benjelloun, qui est intervenu lors du panel «Chine-Afrique : Priorités et nouveaux cadres de développement» organisé dans le cadre de ce Forum. «Le Maroc a vocation à être une plateforme de production et d’exportation pour le rayonnement des industries, des services et en général, du savoir-faire chinois vers le continent africain et de par le monde», affirme-t-il.
Rappelons que le Maroc, très présent en Afrique francophone, est en quête de nouveaux marchés, dans l’optique de diversifier ses partenaires. La Chine, qui a aussi un ancrage fort en Afrique anglophone, cherche de nouveaux débouchés pour redynamiser une économie qui s’essouffle après plusieurs années de croissance à deux chiffres. Dès lors, le positionnement privilégié du Royaume en Afrique subsaharienne ouvre de réelles opportunités pour l’institution d’une coopération triangulaire Maroc – Afrique – Chine.
Sur ce registre, les banques marocaines sont d’ailleurs appelées à jouer les premiers rôles. Et elles y sont déjà préparées, comme en témoignent les 16 conventions qui avaient été signées par les grandes institutions bancaires de la place avec de prestigieux groupes chinois lors du Forum Maroc-Chine tenu en 2014 à Pékin.
«Un groupe comme BMCE BoA doit jouer ce rôle d'accompagnateur. Mais également jouer le rôle, comme le Maroc, de porte d'entrée», confirme, à cet égard, Benjelloun-Touimi. Il faut préciser que le Groupe BMCE BoA revendique une présence de 17 ans en Chine, à travers son bureau de représentation à Pékin, et compte bientôt ouvrir une succursale à Shanghai. L’ambition du Groupe : «être la plus chinoise des banques marocaines», affirme avec force Benjelloun-Touimi. ■
Par D. William