Les banques sont les premières bénéficiaires des capitaux en circulation à la Bourse de Casablanca.
Près de 10 Mds de dirhams levés en une année, soit plus que les montants mobilisés lors de la privatisation des 8% de l'Etat dans Maroc Telecom.
Par A. Hlimi
Les banques sont très souvent «de sortie» sur le marché financier local au point que cela en devient une habitude; des opérations relayées par quelques dépêches et articles de presse quand leur objectif ne sort pas de l'ordinaire.
Pourtant, c'est un réel marqueur du rôle que joue la Bourse dans le financement des «financeurs» de l'économie.
En moins d'un an, en ne comptant que les augmentations de capital (dont celles ouvertes aux salariés), les banques cotées ont levé 10 Mds de dirhams de capitaux propres. Un chiffre qu'il faut majorer de 50% si l'on rajoute les emprunts subordonnés qui viennent à leur tour renforcer les fonds propres.
Les levées de fonds récentes des banques leur permettent d'améliorer leur ratio de solvabilité en renforçant leurs fonds propres. Ceci augmente leur capacité à accorder des prêts à la clientèle dans un contexte où la nouvelle norme IFRS9 est venue amputer leurs fonds propres de plusieurs milliards de dirhams en 2018.
«Cette implémentation a exercé une pression supplémentaire sur la capitalisation de ces banques. Toutefois, la Banque centrale a permis aux banques d'étaler l'impact sur les ratios de capital sur cinq ans, ce qui empêchera les violations immédiates des exigences réglementaires minimales», commente le département Analyse & Recherche de Crédit du Maroc.
Sur ce point, l'on note la résilience des banques à capitaux majoritairement français, car elles sont déjà soumises aux normes européennes.
Du côté des banques à capitaux marocains, des groupes comme BMCE BoA ont profité des marchés pour améliorer considérablement la solidité de leur haut de bilan. Cet été, la banque bleue a clôturé une double augmentation de capital en numéraire et par conversion de dividendes pour 1,8 Md de dirhams. Son ratio Tier1 passera de 9,5% en juin dernier à 12,1% en décembre, alors que son ratio de solvabilité passera de 13,9% à 16,4% sur la même période. Ceci alors qu'une deuxième opération, réservée à un investisseur privé, viendra renforcer de nouveau les fonds propres de la banque dans les semaines à venir.
BMCE BoA est typiquement l'exemple parfait de la cohabitation harmonieuse entre les marchés et les banques. Les premiers ayant rapidement répondu présents aux sollicitations des seconds.
Mais les banques peuvent aussi faire appel aux marchés pour des raisons moins spécifiques à leur secteur : le développement de l'activité. Car oui, le gros du besoin dans l'immédiat est de compenser l'impact de l'IFRS9. Mais, certaines banques n'hésitent pas à mettre en avant des besoins précis en matière de développement.
Et si la transformation digitale revient systématiquement dans les projets, l'activité à l'international occupe aussi une place importante dans les besoins de certaines banques. Attijariwafa bank, par exemple, souhaite lancer la deuxième étape de son plan de développement africain après une période de consolidation. Faire appel aux marchés fin 2018 a permis ainsi à la banque de mettre de côté des ressources pour cibler l'Afrique anglophone. ◆
La sollicitation des marchés financiers par les banques s'inscrit dans la durée, parallèlement aux constantes évolutions règlementaires consommatrices en fonds propres. D'un point de vue purement financier et comptable, les normes évoluent constamment. Après IFRS9, c'est la 19-G qui guette les banques. Bank Al-Maghrib dit ne pas en avoir quantifié précisément les impacts pour le moment, mais promet qu'ils seront moins forts qu'IFRS9. La 19-G sera déployée progressivement jusqu'en 2024.
Autre évolution, cette fois organisationnelle et juridique, le Règlement général sur la protection des données (RGPD) qui demande un effort dans le traitement des données personnelles de personnes se trouvant en Europe, et donc des adaptations plus ou moins coûteuses pour les banques. Des adaptations que les analystes qualifient de «lourdes» sur le plan organisationnel aussi bien pour les services informatiques, la gouvernance et pour les sous-traitants. La Bourse n'a décidément pas fini de financer les financeurs de l'économie.