La conjoncture économique mondiale accroît les incertitudes qui pèsent sur la viabilité du financement du budget de l’Union africaine.
Par M. Diao
Au cours des dernières années, l’un des grands défis de l’Union africaine (UA) a trait à son autosuffisance financière. Au grand dam des panafricanistes qui œuvrent pour la souveraineté économique et financière du continent, le financement du budget de l’UA s’est parfois révélé être dépendant à hauteur de 50% de partenaires étrangers (UE, Chine, etc.). Cette donne préjudiciable est à relier aux retards et au non versement des contributions de plusieurs Etats membres, lesquels traînent les pieds pour tenir leur engagement envers l’institution africaine.
Or, faudrait-il rappeler que la Déclaration sur l’autosuffisance adoptée par la Conférence de l’UA qui s’est tenue en 2015 en Afrique du Sud, a reconnu que pour atteindre les objectifs énoncés dans l’Agenda 2063, les Etats membres doivent prendre des mesures pratiques et concrètes afin de pouvoir financer le budget de l’UA. De même, la décision de Kigali (Rwanda) en 2016 sur le financement de l’UA, qui a institué et mis en œuvre le prélèvement de 0,2% sur toutes les importations éligibles sur le continent, est appliquée par moins de 20 Etats. Tout ce qui précède prouve que la question du financement du budget de l’UA s’est toujours posée avec acuité.
Les conséquences économiques liées à la Covid-19, couplées à la guerre en Ukraine, risquent de corser les choses. La pandémie de Covid-19 a plongé l’Afrique dans une récession pour la première fois depuis 25 ans. Ce qui a remis en cause la soutenabilité des modèles de croissance, la viabilité des finances publiques et l’efficacité des systèmes de protection sociale dans plusieurs pays africains. D’où l’opportunité de la thématique, retenue lors de la retraite du Comité des 15 ministres des Finances africains (F15), qui s’est tenue lundi à Rabat.
Repenser le modèle de financement de l’Union
Placée sous le thème : «Au-delà de la pandémie de Covid-19 et du conflit Russie-Ukraine : Renforcer la résilience des économies africaines et la viabilité financière de l’UA», l’événement continental a mis en exergue la nécessité de trouver des sources de financement additionnelles, dédiées au financement du budget de l’UA. Et ce, à l’heure où la résilience des économies africaines est mise à rude épreuve (fragilité des finances publiques, endettement, poussées inflationnistes, insécurité alimentaire, etc.). L’ampleur de l’enjeu est reflétée par l’assertion de Nadia Fettah Alaoui, ministre de l’Economie et des Finances.
«Au-delà de son impact direct sur les économies africaines, la crise actuelle, de par son ampleur inégalée et sa durée imprévisible, pourrait remettre en cause la viabilité financière de notre grande famille institutionnelle qu’est l’Union africaine, soit en incitant les partenaires internationaux à réduire les financements accordés à l’Union, soit en réduisant les capacités contributives des Etats membres, confrontés à une pression accrue sur les finances publiques», alerte l’argentière du Royaume.
La ministre n’a pas manqué de rappeler l’impératif de repenser le modèle de financement de l’Union afin de garder le cap de l’objectif fixé depuis 2015 à Johannesburg. Et ce, afin d’assurer un financement durable, prévisible, équitable et responsable de l’Union africaine. Dans le même ordre d’idées, notons que la performance budgétaire de l’Union africaine est également largement tributaire de l’optimisation de l’utilisation des ressources financières disponibles et de l’observation des normes fiduciaires élevées de transparence et d’obligations redditionnelles.
Ce qu’est attendu de la rencontre de Rabat
La retraite du Comité des 15 ministres des Finances doit déboucher sur une déclaration qui sera transmise à la session du Conseil exécutif de juillet 2022 pour examen, puis à la Conférence en 2023 pour adoption. Le document inclura, entre autres, des recommandations visant la relance économique et la résilience de l’Afrique en tant qu’épine dorsale de l’amélioration de la viabilité financière de l’UA. Sera aussi consignée dans la déclaration, l’évaluation de l’état de mise en œuvre des règles d’or actuelles, notamment leur efficacité pour l’amélioration de la santé financière de l’Union et, le cas échéant, la formulation des recommandations pour la révision de celles-ci. Au final, force est d’admettre que le sujet de l’autosuffisance financière de l’UA soulève la question de l’existence d’une réelle volonté politique des pays africains à s’émanciper de la logique de dépendance des partenaires internationaux et étrangers.