«Oubliez le millésime 2016 !» lance, non sans soulagement, Abdellatif Jouhari à l'assistance. Le pire est donc bien derrière nous. Sur les 15 dernières années, 2016 fût l'une des plus mauvaises en termes de croissance, avec un taux de 1,2% (chiffre définitif). 2017 sera autrement moins angoissante. La Banque centrale a même revu à la hausse sa prévision de croissance pour l'année en cours établie en mars dernier : au lieu des 4,3% pronostiqués il y a 3 mois, Bank Al-Maghrib s'attend désormais à une croissance du PIB de 4,4% pour 2017, grâce à une campagne céréalière qui s'annonce bien au-dessus de la moyenne. Le ministère de l'Agriculture a en effet récemment annoncé une excellente récolte de 102 millions de quintaux, propulsant la valeur ajoutée agricole qui marquera une progression de plus de 13%. Dans ce sillage, le PIB non agricole (services et industries), va s'accélérer à 3,3% en 2017 contre 3,1% en 2016. C'est mieux, mais encore insuffisant.
Ce qui est valable pour la croissance l'est aussi pour l'emploi. Le wali note en effet avec satisfaction les premiers signes d'amélioration durant le premier trimestre 2017. Alors que 2016 a été calamiteuse avec la destruction de 37.000 emplois, pas moins de 109.000 postes d'emplois ont été créés sur les trois premiers mois de l'année en cours. Gros bémol : les entrées nettes sur le marché du travail, durant la même période, atteignent 172.000 personnes, ce qui se traduit par une hausse du taux de chômage. Il passe de 10,4% à 10,7%.
Baisse marquée des réserves de change
Sur le plan des comptes extérieurs et de la balance des paiements, la situation est moins reluisante. Le déficit commercial des biens s’est creusé en glissement annuel de 9,1 milliards de dirhams sur les cinq premiers mois de l’année. En cause, une facture énergétique qui a flambé et la poursuite du rythme élevé des acquisitions de biens d’équipement. La Banque centrale table désormais sur un léger creusement du déficit du compte courant à 4,6%, avant de refluer vers 4% en 2018.
Dans ces conditions, et sur la base d’entrées d’IDE d’un montant équivalent à 3,2% du PIB en 2017, BAM a été obligée de revoir à la baisse sa prévision en réserves de change. Celles-ci devraient dorénavant assurer la couverture de 6 mois d’importations de biens et services au terme de 2017. C'est 10 jours de moins que la prévision de mars dernier. Un niveau de devises qui reste tout de même relativement confortable, au moment où le Maroc entame, dans les tout prochains jours son grand virage vers plus de flexibilité du Dirham.
Hausse du crédit, hausse des taux
Dans un autre registre, Abdellatif Jouahri enregistre avec satisfaction «la nette amélioration du crédit bancaire au secteur non financier». Sa progression passerait de 3,9% en 2016 à 4,5% au terme de 2017 et à 5% à fin 2018, tirée par l'amélioration des activités non agricoles. Cette embellie du crédit s'explique aussi, selon le wali, par la politique monétaire accommodante de la Banque centrale, qui va se poursuivre.
Cette progression du crédit s'accompagne depuis quelques mois par une tendance à la hausse des taux d'intérêts. Après une baisse de 41 points de base en 2016, les taux débiteurs ont gagné 30 pbs déjà sur les trois premiers mois de 2017. Mais, se défend le gouverneur, ce n'est pas sa fameuse lettre à l'attention des banques les sommant de mettre fin à la concurrence anarchique qu'elles se livrent sur les taux d'intérêt, notamment pour les prêts immobiliers, qui est à l'origine de cette hausse. «Certaines pratiques faisaient courir un risque de taux. Nous sommes contre les ententes mais aussi contre la concurrence anarchique qui porte préjudice à la banque elle-même», justifie le gouverneur. «Et croyez-moi, nous allons suivre de près ce qui se passe à ce niveau», conclut-il.
A.E