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Conformité fiscale : le Maroc franchit le pas

Actualité Financière - Conformité fiscale : le Maroc franchit le pas

 

Le Royaume confirme son engagement envers l’Union européenne après la signature de la convention multilatérale des mesures anti-Beps avec l’OCDE.

L’échange de données sur les filiales des multinationales sera à la demande des pays signataires de la convention.

Les entreprises étrangères peuvent collaborer avec la DGI pour la fixation des prix de transfert.

Eclairages de Khalid Zazou, directeur de la Législation et de la Coopération internationale à la Direction générale des impôts.

 

Par Badr Chaou

 

Le Maroc marque un important pas en matière de conformité fiscale. Effectivement, tout récemment, en marge de la signature d’un accord de coopération à Paris entre le Royaume et l’OCDE faisant suite à la mise en place de la première phase du «Programme-pays», Mohamed Benchaâboun, ministre de l'Economie et des Finances, a signé la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales visant à prévenir l'érosion de la base d'imposition et le prix de transfert de bénéfices, plus communément appelée mesures anti-BEPS.

Pour rappel, selon la définition de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), «les prix de transfert correspondent notamment aux prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels ou rend des services à des entreprises associées».

Si ces prix ne répondent pas au principe de pleine concurrence, les filiales s’en trouvent lésées et par la même occasion les revenus fiscaux dans les pays où elles sont situées. Chose qui a tendance à produire également des effets «dommageables» aux pays où siègent les maisons-mères.

 

Actualité Financière - Conformité fiscale : Qu’est-ce que ça implique pour le Maroc ?

Signée par 89 juridictions, la convention est le principal instrument mondial de mise à jour des conventions fiscales multilatérales visant à réduire les possibilités d'évasion fiscale pour les filiales des multinationales. En effet, l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) font référence aux stratégies de planification fiscale qui exploitent les failles et les différences dans les règles fiscales des pays en vue de faire «disparaître» des bénéfices ou de les transférer, dans certains cas, dans des pays ou territoires où l’entreprise n’exerce guère d’activité réelle. Si le Maroc avait adhéré en partie aux mesures anti-Beps quelques mois auparavant, il l’est de manière «complète» aujourd’hui.

Ceci dicte au pays l’échange, à la demande des pays signataires de ladite convention, des données juridiques et fiscales sur les multinationales installées sur son territoire, dont des données afférentes aux prix de transfert.

De même, cette convention vient doter le Maroc d’outils pour combler les failles des règles internationales existantes. D’après des chiffres publiés sur le site de l’OCDE, ce «chalandage» fiscal en particulier est considéré réduire le taux effectif de retenues fiscales de plus de 5 points de pourcentage, soit  presque 3% à 8%, générant de ce fait de grandes pertes de recettes publiques pour les pays développés comme pour ceux en voie de développement.

 

Actualité Financière - Conformité fiscale : Qu’est-ce qui va changer pour les multinationales ?

Le cadre inclusif sur le projet BEPS rassemble aujourd’hui plus de 125 pays et juridictions qui travaillent en collaboration pour mettre en œuvre les mesures anti-BEPS, de lutte contre l’évasion ou encore l’optimisation fiscale. Au Maroc, concrètement, rien ne va changer pour les multinationales.

Cependant, elles auront toujours la possibilité d’indiquer au fisc les prix de transfert qu’elles appliquent pour une meilleure transparence. En ce sens, rappelons qu’en mars 2019, le Maroc avait déjà adhéré au cadre inclusif de l'OCDE/G20 sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices.

Cet accord permettait déjà aux multinationales de signer un accord préalable sur la fixation des prix de transfert (APP), et ce dans une optique d’harmonisation du système fiscal avec les normes internationales et de renforcement des moyens de contrôle de la DGI des prix de transfert. 

A cet effet, Arji Abdelaziz, président de la Commission juridique, fiscale et sociale de la CFCIM, expert-comptable et commissaire aux comptes, fondateur du cabinet Eurodefi-Audit, nous explique que «les filiales des multinationales opérant au Maroc doivent déposer une demande auprès de la DGI, et ce au moins six mois avant l’ouverture de l’exercice concerné par l’accord. Les entreprises peuvent également solliciter une entrevue informationnelle avec un responsable de l’administration fiscale pour tenir compte des conditions d’application de l’accord, des procédures à suivre, de la nature des informations nécessaires ainsi que de la politique du prix de transfert pratiquée par les entreprises concurrentes».

Autrement dit, les entreprises étrangères basées au Maroc peuvent procurer à la DGI les informations sur les prix de transfert qu’elles appliquent pour une meilleure transparence auprès du fisc. Notons que les prix de transfert peuvent également concerner des marchandises ou services vendus entre maisons-mères et filiales, des droits de marque et de licences, des prestations de services, consulting, etc.

Avec la signature de cette convention, le Maroc confirme son engagement envers le Vieux continent pour lutter contre les activités dites «dommageables» pour ce dernier. Cela pourrait contribuer à sa sortie de la liste grise de l’UE.  ◆

 


Eclairages de Khalid Zazou, directeur de la Législation et de la Coopération internationale à la Direction générale des impôts

«La convention multilatérale signée entre le Maroc et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) recèle un caractère global, dans la mesure où elle rassemble plusieurs pays autour d’un même accord auquel le Maroc a adhéré immédiatement après sa signature.

L’idée de réunir plusieurs pays autour d’une seule et unique convention a pour finalité de faciliter leurs coopérations afin qu’ils n’aient pas à signer des accords bilatéraux à chaque fois. Cette adhésion complète du Maroc lui évitera ainsi d’avoir à négocier des accords de partenariat, à part, avec chaque pays.

Je pense par ailleurs que la convention multilatérale aura une influence positive sur la collaboration administrative entre le Maroc et les pays membres. Elle permettra de développer des pistes de réflexion en vue de faciliter la mise en place d’un programme de travail plus avancé sur le long terme.

Ensuite, plus particulièrement, pour ce qui est de la convention anti-BEPS, dont l’objectif est de combattre l'érosion de la base d'imposition et le prix de transfert de bénéfices, l’accord porte sur l’échange de données à des fins fiscales. C’est un projet que le Maroc a entamé depuis 2011 et qui vient d’être finalisé. Je tiens également à clarifier qu’il ne s’agit nullement de l’échange automatique de données, mais plutôt d’un échange d’informations à la demande d’un des pays membres.

Il est, de même, fort important de préciser que cette convention n’aura aucun impact sur le traitement fiscal ou comptable des sociétés étrangères basées au Royaume, puisqu’elles sont soumises au même droit que les entreprises marocaines et bénéficient déjà de mesures spécifiques afin d’éviter la double imposition.

Toutefois, cette convention anti-BEPS facilitera la coopération entre le Maroc et les pays de l’Union européenne afin d’éviter toutes formes de fraudes et d’évasions fiscales et permettra une meilleure collecte des impôts sur les bénéfices des filiales des multinationales installées au Maroc, par le biais, notamment, de l’échange d’informations. Des outils sur lesquels les membres de l’OCDE se sont mis d’accord, accompagneront bien sûr cette pratique».

 

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