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Chantiers réglementaires: assureurs et régulateur dans une course contre la montre

Chantiers réglementaires: assureurs et régulateur dans une course contre la montre

Refonte du livre IV du code des assurances, norme IFRS 17, solvabilité basée sur les risques…, le secteur des assurances marocain est en chantier permanent depuis quelques années.

Le régulateur espère une adoption de la SBR en 2024.

 

Par Y. Seddik

La résilience du secteur des assurances marocain n’est plus à prouver. En 2022, malgré le contexte inflationniste, le chiffre d'affaires réalisé a atteint 54,5 milliards de DH, en progression de 8,5% par rapport à 2021. Toutefois, le secteur a été impacté par les conditions défavorables du marché financier. Ses plusvalues latentes ont ainsi accusé une baisse de 53,8% et son solde financier s’est déprécié de 23,8%. Malgré ces contreperformances sur les placements, le secteur des assurances a affiché en 2022 un résultat positif de 4 milliards de dirhams (+1,8%), soit un taux de rendement des fonds propres (ROE) de 9,4%, en baisse de 10 points de base par rapport à l’exercice 2021.

Par ailleurs, la baisse des plusvalues latentes a directement impacté la marge de solvabilité du secteur qui s’est dépréciée à 312,7% contre 370,4% un an auparavant. Cette marge, calculée sous le régime prudentiel actuel, reste au-dessus du seuil réglementaire, mais ne couvre à ce stade que le risque de souscription. «Nous devons être fiers de ce que nous avons accompli ensemble, mais la résilience a malheureusement des limites et les crises laissent des séquelles. Nous devons rester vigilants et travailler ensemble pour ne pas fragiliser nos fondamentaux et affaiblir nos résultats techniques», précise Mohamed Hassan Bensalah, président de la Fédération marocaine des assurances, pour qui le secteur reste encore un marché de «prix».

Une logique qui doit impérativement s’inverser. «A chaque renouvellement, des affaires déficitaires ou à peine à l’équilibre trouvent preneur à moindre prix. Cette situation ne peut plus durer», se désole le président de la FMA (ex-FMSAR). En dehors des performances financières, le secteur est engagé dans plusieurs chantiers structurants, dont certains ont tardé à voir le jour. Le premier défi réglementaire de taille est le fameux projet de la solvabilité basée sur le risque, cousin proche de Solvency II en Europe.

SBR : Adoption à partir de 2024

Le lancement des études de convergence pour la migration vers une solvabilité basée sur les risques a mis le secteur à rude épreuve ces dernières années. Et si le référentiel SBR fait peur, c’est parce qu’il aura des impacts certains sur le secteur. Il se traduira par plus d’exigences en fonds propres, un resserrement des marges de solvabilité et une accélération des rapprochements et fusions-acquisitions dans le secteur. Mais cette réforme améliorera la transparence du marché boursier et la qualité de l’information délivrée par les compagnies. Basée sur 3 piliers, la réforme prévoit une prise en compte de l’ensemble des risques auxquels sont exposés les assureurs dans le calcul de la marge de solvabilité, ce qui devrait réduire de manière substantielle les excédents de marge des compagnies marocaines.

Toutefois, ces dernières sont assez confortables pour absorber ces chocs, en témoignent d’ailleurs les différents stress tests réalisés.  «Depuis le lancement de ce chantier en 2017, nous constatons la forte adhésion et la mobilisation soutenue du secteur. Aujourd’hui, à notre grande satisfaction, l’implémentation du pilier II, qui est très engageant en termes de ressources, est quasiment bouclée. S’agissant des piliers I et III de ce projet, les discussions avec la profession sont à un stade avancé. Nous sommes en phase de stabilisation du calibrage du modèle et nous tablons sur le deuxième semestre de cette année pour la mise dans le circuit d’approbation des textes réglementaires. Tout porte donc à croire que nous serons prêts pour 2024», explique le président par intérim de l'Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale, Othman Khalil El Alamy.

 

IFRS 17 : Les compagnies appréhendent

Parallèlement à la SBR, les compagnies d'assurances devront toutes passer aux normes IFRS à partir de 2025. Un agenda sur lequel certaines compagnies prennent de l'avance, notamment les assureurs cotés. En leur imposant cette norme, le régulateur marocain souhaite améliorer la qualité de l'information financière diffusée par les opérateurs de ce secteur systémique. Un peu comme ce fut le cas il y a quelques années pour les banques.

Ce projet, qui s’étalera jusqu’en 2025, vise à instaurer les règles de transparence dans les communications financières.  D'un point de vue purement comptable, IFRS 17 vise à corriger les inadéquations entre l’évaluation de l’actif et du passif présentes sous IFRS 4, en proposant notamment une évaluation économique des provisions techniques, assurant ainsi une meilleure cohérence avec l’évaluation de l’actif. La nouvelle norme repose sur des fondamentaux proches de ceux de la directive Solvabilité 2 en Europe (futur SBR au Maroc), tels qu’une évaluation du passif d’assurance basée sur une approche prospective des flux de trésorerie en juste valeur. Mais la norme va au-delà des aspects comptables.

 

Refonte du livre IV des codes des assurances

Aujourd’hui, il y a un consensus général selon lequel le cadre assurantiel actuel est devenu caduc et ne sert ni la profession ni les assurés. Lors de la dernière rencontre avec la FNACAM, Othman Khalil El Alamy a annoncé qu’une première mouture du projet de refonte du livre IV du Code des assurances est prête. «La refonte du livre 4 par l’ACAPS est certes un sujet qui suscite beaucoup de débats, mais il faut surtout retenir qu’il apporte des solutions qui vont bénéficier aussi bien aux intermédiaires qu’aux compagnies», a expliqué de son côté Bensalah. Les grandes lignes de ce premier draft ont été présentées aux partenaires du régulateur, à savoir la FMA et la FNACAM. «Nous comptons le mettre dans le circuit, d’ici la fin de l’année, une fois les discussions terminées», a précisé El Alamy.

«Le projet que nous proposons entend s’affranchir des contraintes actuelles qui font obstacle au développement du secteur afin de libérer les énergies, aussi bien des entreprises d’assurances que des intermédiaires, pour servir les assurés et l’inclusion financière», a indiqué le président de l’Autorité. Rappelons que ce projet vise la modernisation du cadre de référence pour la distribution des produits d’assurances en tenant compte des évolutions du secteur. Et aussi la mise en place d’un cadre pour la vente en ligne des produits d’assurance. Enfin, l'émergence de la micro-assurance constitue un levier essentiel pour étendre la couverture à un plus grand nombre de personnes.

En ciblant les populations à faibles revenus, la micro-assurance offre une protection financière essentielle face aux aléas de la vie. Les assureurs marocains ont ainsi développé des produits adaptés à ces segments de marché spécifiques, favorisant ainsi l'inclusion financière et le développement économique du pays. «Si la micro-assurance a pris son envol, nous restons très peu présents sur l’affinitaire et sur le développement de certaines garanties que ne peuvent placer les réseaux classiques», a souligné à ce sujet Bensalah.

 

 

 

 

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