En 20 ans, le secteur a accompagné 200 entreprises, soit une moyenne faible de 10 tickets par an.
Par A.H
L’Association marocaine des capital-investisseurs fête ses 20 ans. Un anniversaire célébré dans des circonstances particulières, marquées par le lancement du programme intégré d'appui et de financement des entreprises, où les banques voient leur rôle renforcé dans l'accompagnement des entreprises.
Pourtant, le capital-investissement a pu prospérer durant les 20 dernières années, justement grâce à la faiblesse structurelle des fonds propres des entreprises et un secteur bancaire qui n'avait pas de réponses à toutes les problématiques de financement.
«20 années où le nombre de sociétés de gestion est passé de 6 à 28 et où les fonds gérés sont passés de quelques centaines de millions de dirhams à plus de 21 Mds de DH», se félicite Adil Rzal, président de l'AMIC.
Il ne manquera pas de soulever quelques contraintes qui continuent de peser sur le secteur : un marché peu profond, une fiscalité désavantageuse en matière de TVA notamment et une dépendance aux capitaux étrangers qui oscillent autour de 80% des ressources du secteur.
Si la réglementation et l'effort public (Fonds Innov Invest notamment) ont permis au secteur d'adresser une offre à toutes les catégories d'entreprises, Rzal constate que les capital-investisseurs n'arrivent toujours pas à occuper tous les segments, avec peu d'acteurs spécialisés dans le capital transmission.
Au final, le secteur aura accompagné 200 entreprises en 20 ans, ce qui représente un chiffre bas de 10 entreprises par an.
Transformation structurelle
Intervenant à l'occasion, le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Ahmed Réda Chami, n'y est pas allé de main morte pour dénoncer un environnement économique défavorable au développement de l'entrepreneuriat, sans lequel aucune industrie financière ne peut confortablement se développer.
Pour lui, le Maroc doit d'abord réunir les conditions de l'émergence, et pour cela, plusieurs critères sont nécessaires. Chami se réfère à une simulation réalisée par le CESE : avec une croissance de 6% par an au Maroc et un niveau de 1,5% en Espagne, le Royaume pourra prétendre atteindre 75% du PIB par habitant espagnol à horizon 2050.
Pour atteindre cette croissance cible, et dans l'hypothèse que le taux d'investissement est maintenu au niveau actuel (32% du PIB), le facteur travail devrait être amélioré avec un taux d'activité de 52% au lieu de 46% actuellement, en encourageant le travail des femmes par exemple, et une productivité des facteurs en amélioration de 3% par an, sachant qu'elle est en baisse depuis quelques années.
Et Chami de résumer son équation : la croissance est essentiellement tirée par l'investissement, alors que le facteur travail et la productivité se dégradent. Le patron du CESE plaide pour une «transformation structurelle» afin de réussir ce pari. Ceci passe par de «l'efficience productive» et de «l'efficience allocative».
La première se réfère à une meilleure productivité des outils, alors que la seconde consiste à investir dans des pans de l'économie plus sophistiqués, monter en gamme, diversifier la production nationale, exporter... Pour réussir cette démarche, un «choc entrepreneurial» doit se produire. Il faut l'inciter, l'encourager, insiste Chami.
Comment produire ce choc entrepreneurial ? Ahmed Réda Chami souhaite une refonte du modèle économique qui baigne dans un environnement de rente, où certains secteurs sont protégés.
Il pointe du doigt le manque de concurrence ou la concurrence déloyale et la corruption qui repoussent les investisseurs. Autre point fondamental pour Chami : l'Administration doit devenir la solution et non le problème, faisant référence à un cadre légal toujours rigide.
Sur le volet financement, Ahmed Réda Chami a défendu le rôle des financements alternatifs, le capital-investissement notamment, et le partenariat public-privé de plus en plus aptes à drainer les flux des institutionnels confrontés à des rendements de plus en plus bas sur le marché des capitaux.