Alors que son besoin va dépasser les 100 Mds de DH d’ici la fin de l’année, l’Etat va devoir emprunter sans créer de pression sur le marché intérieur.
Par A. Hlimi
Le besoin de financement brut du Trésor d'ici la fin de l’année 2022 devrait s’établir à plus de 100 milliards de dirhams, selon les estimations d'Attijari Global Research (AGR). Ce besoin est calculé sur la base du reliquat de financement du déficit budgétaire et les arriérés du Trésor, estimés par la Loi de Finances 2022 (LF-2022) à 61,4 Mds de DH. Il tient également compte d'un reliquat cumulé des tombées du Trésor à fin 2022 de 41,5 Mds (25,6 Mds de DH sur le marché intérieur et 15,9 Mds sur le marché extérieur).
Grosse pression sur le marché intérieur
Selon les estimations de la LF 2022, l'argentier de l’État devrait couvrir 26,4 Mds de DH, soit 26% seulement de son besoin brut sur le marché extérieur. Par conséquent, le besoin de financement intérieur brut par mois a plus que doublé par rapport au mois précédent, soit 25,5 Mds de dirhams, contre 12 Mds un mois auparavant. «La situation confortable des finances publiques à fin septembre 2022 ne reflèterait pas la hausse attendue des besoins de financement intérieur d’ici la fin de l’année 2022», commentent les analystes du bureau de recherche.
Diversifier les financements
L’un des principaux leviers de financement dont dispose le Trésor pour réduire les pressions futures sur la liquidité domestique est l’activation de la ligne LPL ou encore le tirage des DTS auprès de Bank Al-Maghrib. Malgré cela, AGR estime que «les taux obligataires devraient continuer à subir des tensions haussières en raison du relèvement attendu de l’offre du Trésor en BDT, conjuguée au rehaussement des exigences de rentabilité des investisseurs dans un contexte inflationniste qui s’annonce plus soutenable que prévu». En attendant une éventuelle ligne de financement auprès du FMI, le Trésor a effectué une sortie surprise sur le marché intérieur jeudi dernier.
C’est la première fois, du moins cette année, que le Trésor émet des bons du Trésor sur une maturité de 45 jours et, le moins que l’on puisse dire, est que les investisseurs ont répondu présents. Cette adjudication est tout aussi inhabituelle par son timing que par sa maturité. Finalement, le Trésor a pu mobiliser 8,6 Mds de dirhams auprès des investisseurs à un taux de 2,38%. Un montant qu’il devra donc rembourser le 31 décembre. Autant dire qu’il aura du pain sur la planche durant toute cette année 2022 tendue pour les finances publiques. Cette opération «surprise» permet au Trésor de boucler son besoin mensuel pour octobre estimé à 10 Mds de dirhams, avec une levée totale sur le mois supérieure à 12 Mds de dirhams. Ce mois d’octobre est particulièrement contraignant. Il doit y rembourser plus de 13,2 Mds de DH de dettes (y compris intérêts). C’est le mois qui verra la plus importante tombée de l’année.
Qu’en est-il de 2023 ?
La ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah, a affirmé lors de la présentation du PLF que la stratégie de financement en 2023 continuera de se baser sur un arbitrage entre les dettes intérieure et extérieure. Concrètement, Fettah a indiqué que ce projet de Loi prévoit une dette extérieure de 60 milliards de dirhams, contre 40 Mds cette année. «Cela ne signifie pas que nous allons endetter davantage les finances publiques», a-telle assuré, précisant que cette année il n'y avait pas eu de sortie sur les marchés financiers internationaux parce qu'ils sont volatils. Dans ce sens, la ministre a souligné que les investisseurs internationaux manquaient de visibilité à cause d'un climat d'incertitude et n'ont pas défini leur stratégie d'investissement. Et de poursuivre : «On sortira sur les marchés internationaux une fois que nous aurons de la visibilité, pour sauvegarder l'image forte du Maroc dans les marchés internationaux jusqu'à présent».
Nadia Fettah a également expliqué qu'il s'agit d'arbitrer entre le marché intérieur et le marché extérieur, mettant en avant l'importance de sortir sur les marchés extérieurs pour reconfirmer l'appétit des marchés pour le Maroc. Évoquant les discussions avec le Fonds monétaire international (FMI), la ministre a affirmé que des discussions permanentes sont entamées depuis le début de l'année autour des moyens de financement, dans le but d'explorer d'autres mécanismes qui vont être des mécanismes de crédit ou d'assurance, plutôt que de purs mécanismes de financement.