La Banque centrale a opté pour un taux directeur inchangé, lors de son Conseil du 20 juin, le temps de mesurer les impacts des précédentes mesures
E mboîtant le pas à la FED qui a décidé d'un stop après 10 hausses successives, Bank Al-Maghrib a décidé de maintenir son taux directeur inchangé mardi. Mais à la différence de la Réserve Fédérale, qui a laissé la porte ouverte à deux nouvelles hausses d'ici la fin de l'année, ou à son homologue européenne, la BCE, qui, invoquant ses prévisions d’une inflation trop forte pendant une trop longue période, a augmenté ses trois taux directeurs de 25 points et a confirmé qu’elle mettra un terme aux réinvestissements dans le cadre du programme d’achats d’actifs, Bank Al-Maghrib n'a donné aucune indication sur la suite des événements.
Elle s’est contentée de cette phrase dans le communiqué, que le wali expliquera ensuite point par point lors de la conférence de presse : «Lors de ses prochaines réunions, ses décisions (BAM) tiendront compte notamment de l’évaluation approfondie et actualisée des effets cumulés de ses hausses de taux et de l’impact des différentes mesures mises en place par le gouvernement pour soutenir certaines activités économiques et le pouvoir d’achat des ménages».
Pourquoi un statu quo ?
En conférence de presse, le wali a expliqué la décision de prendre une pause par la nécessité de récolter plus de données fiables sur l'impact des précédentes hausses. «Depuis septembre, nous avons doublé notre taux directeur. Et pour connaître les effets de nos décisions sur l'économie réelle, nous avons deux indices : le premier est celui des taux débiteurs. D'ailleurs, les banques n'ont pas répercuté la hausse et j'ai écrit au GPBM dans ce sens, car le coût moyen des ressources doit tenir compte de leur structure des ressources (référence faite aux ressources gratuites). Le deuxième élément est l'évolution de l'offre et de la demande de crédit. Nous regardons toutes les catégories : les entreprises, les ménages...», a expliqué le wali.
A noter que le crédit n'a toujours pas ralenti malgré la hausse du taux directeur, tiré par les entreprises publiques. Quant aux mesures gouvernementales, le wali en a cité deux particulièrement, dont il souhaite mesurer les impacts : les 10 Mds de dirhams annoncés par le gouvernement pour soutenir le pouvoir d'achat et la décision royale récente de mobiliser 10 Mds de dirhams dans un plan anti-sécheresse. «C'est ‘l'alimentaire frais’ qui impacte l'inflation. Donc, si ces mesures ont des impacts, nous devons attendre de les voir», note-t-il. Et de résumer : «Nous faisons une pause, on recule et on regarde comment ces mesures impactent l'inflation. D'ailleurs, en 2024, nous arrivons tout de même à une inflation sous-jacente qui est dans la cible à un peu plus de 2%».
Les limites du système statistique actuel
S'exprimant sur l'absence de guidance de la part de la Banque centrale sur l'orientation future des taux, Jouahri se montre lucide. «Si nous disposions de données granulaires comme aux Etats-Unis, nous pourrions comme eux parler de ce que nous allons faire d'ici la fin de l'année.... Moi je n'ai pas ces données.... La FED se réunit mensuellement, ce n'est pas le cas pour nous. C'est pour cela que nos réunions trimestrielles sont importantes pour actualiser, analyser, progresser voire rectifier, de manière à prendre la décision la plus opportune possible». Rappelons que le Conseil de BAM a été précédé quelques heures plus tôt par la publication par le HCP de l'inflation pour le mois de mai. Celle-ci marque un ralentissement par rapport à avril, notamment pour sa partie sous-jacente. Dans le détail, les prix des produits alimentaires à prix volatils continuent d’évoluer à des rythmes élevés atteignant 26,9%, portés par ceux des «fruits frais», des «agrumes» et des «volailles et lapins».
Les tarifs réglementés ont vu leur rythme de progression s’accélérer graduellement pour atteindre 0,9% en mai. En revanche, les prix des carburants et lubrifiants continuent leur tendance baissière avec un recul de 12,6%. Quant à l’inflation sousjacente, elle a reculé de 8,5% en février à 7,9% en mars et à 7,3% en avril, puis à 6,1% en mai. Cette évolution reflète une décélération de 10,7% en février à 6,9% en mai de sa composante échangeable, dans un contexte marqué par une relative atténuation des pressions d’origine externe et, dans une moindre mesure, un ralentissement de 5,6% à 5,1% de la hausse des prix des biens non échangeables.
En termes de diffusion des pressions inflationnistes, la part des produits dont les prix ont progressé de plus de 2%, s’est établie à 62% en mai, quasi-inchangée par rapport à avril, après 64% en janvier 2023. De même, les proportions des produits ayant connu une hausse des prix de plus de 4% et de 6% continuent leur recul. Pour BAM, tenant compte de ces données, l’inflation devrait ressortir à 6,2% en moyenne cette année et à 3,8% en 2024. Sa composante sous-jacente devrait connaître une trajectoire similaire, passant de 6,6% en 2022 à 6,1% cette année, puis à 2,9% en 2024.
Anticipations d'inflation des opérateurs
62% des industriels interrogés par la Banque centrale tablent sur une stagnation de l’inflation au cours des trois prochains mois, 28% d’entre eux anticipent une hausse, alors que 9% s’attendent à une baisse. Ainsi, le solde d’opinion ressort à 19%, soit le score le plus optimiste depuis plus d'un an. La tendance est un peu plus mitigée chez les banquiers et financiers interrogés par BAM. Ces derniers tablent sur 4,7% en moyenne au cours des huit prochains trimestres. A plus long terme, soit à l’horizon des 12 prochains trimestres, leur anticipation s’établit à 4,1% au lieu de 3%.