◆ Le Trésor doit faire face à une forte augmentation des charges de la dette après l’envolée des taux en 2022.
◆ Un recours au marché international est nécessaire en 2023 malgré les conditions actuelles de financement.
Par Y. Seddik
Entre une charge de compensation qui a explosé (42 Mds de DH vs une prévision initiale de 17 Mds de DH) et des conditions de financement qui se sont corsées, l’année 2022 n’a pas été de tout repos pour les finances publiques. Le Trésor a pourtant réussi à mobiliser les ressources nécessaires, permettant de couvrir un besoin de financement qui s’est amplifié au fil de l’année, et à maîtriser son déficit budgétaire. Les recettes fiscales, les financements innovants et les performances de l’OCP ont permis en effet de combler une bonne partie des coûts budgétaires additionnels de l’État.
En matière de financement et en plus du tirage de la LPL auprès de la Banque centrale pour 21 Mds de DH, le Trésor a fait preuve d’innovation en 2022 à travers le recours à de nouveaux instruments (émissions à très court terme 32 jours, 45 jours et les BDT à taux révisables). Le seul hic était qu’avec le durcissement des conditions de financement à l’international en raison du relèvement des taux de la FED et de la BCE en 2022, le Trésor a eu recours quasi-exclusivement au marché intérieur, créant des tensions marquées sur les taux. Le marché domestique s’est en fait accaparé près de 90% de son besoin annuel face à une estimation de 72% de la LF 2022. Ce décalage a été visible au niveau des financements extérieurs qui n’ont représenté que 9% en 2022 contre une estimation de 28% de la LF 2022.
Pour cette année, en prenant en compte les recettes et les dépenses liées au budget général, y compris l’amortissement de la dette publique, ainsi que les recettes et les dépenses des SEGMA et des CST, les besoins de financement du budget de l’État s’élèvent à un total d’environ 193,08 Mds de DH (Vs 103 Mds de DH en 2022).
Une situation identique à 2022
Pour couvrir ses besoins bruts de financement, notamment en ce qui concerne le financement de nouveaux projets d’investissement, l’État dispose de la possibilité d’emprunter, pour une période déterminée, auprès des emprunteurs nationaux (banques, établissements financiers, particuliers,…), notamment en émettant des bons du Trésor et des obligations, dont la maturité varie entre 13 semaines et 30 ans, parfois avec des montages spéciaux. Ou auprès d’emprunteurs internationaux, qu’ils soient bilatéraux (États) ou multilatéraux (partenaires techniques et financiers et institutions financières internationales, tels que la Banque mondiale ou le FMI), ou sur le marché international et les créanciers privés, sur lequel les conditions d’octroi deviennent extrêmement difficiles.
Avec très peu de latitude, la situation ne devrait pas présenter de changements en 2023. L’État va devoir recourir aux mêmes mécanismes de financement qu’en 2022, à un détail près toutefois : une ardoise des charges de la dette en forte hausse. Alors que le consensus table sur une poursuite de la hausse des taux sur le marché primaire des bons du Trésor, avec des relèvements du taux directeur en perspective, le ministère des Finances mise, pour chaque augmentation de 1 pbs des taux d’intérêt sur le marché intérieur, sur un impact de 19,8 MDH ou de 0,08% du total des charges en intérêts de la dette intérieure pour l’exercice suivant.
A titre de repère, les taux obligataires ont enregistré en 2022 des hausses variant entre 63 pbs et 167 pbs par rapport à fin 2021, selon les maturités. Quant à la dette extérieure, une augmentation de 1 point de base (0,01%) des taux d’intérêt engendrerait un surcoût de 10,6 MDH ou 0,16% du total des charges en intérêts de la dette extérieure pour l’exercice suivant.
La charge de la dette extérieure est également impactée par les fluctuations des cours de change, dont l’impact est encore plus important que l'effet taux. Car dans l’hypothèse d’une appréciation de l’Euro face au Dirham de 1%, le service de la dette extérieure du Trésor enregistrerait une hausse de 24,1 MDH au titre de l’exercice suivant. Par contre, dans l’hypothèse d’une appréciation du Dollar face au Dirham de 1%, le service de la dette extérieure enregistrerait une hausse de 39,6 MDH ou 0,28% au titre de l’exercice suivant.
En définitive, à côté des mécanismes classiques d’endettement, l’État doit donc miser davantage sur les financements innovants qui lui permettent de fournir de la liquidité immédiate tout en réduisant ses besoins d’endettement, mais aussi ses charges d’intérêt. En 2022, les recettes des financements innovants ont atteint 25 Mds de DH.
Avis d'expert. Une sortie du Trésor est nécessaire