La crise liée à la Covid-19 ainsi que les conséquences de la guerre en Ukraine sur les prix des matières premières ont fragilisé les finances publiques.
Cette conjoncture défavorable a davantage affaibli le tissu entrepreneurial.
Entretien avec Amine Diouri, directeur études et communication d’Inforisk.
Finances News Hebdo : Selon vous, dans quelle mesure la conjoncture actuelle pour le moins difficile impacte-t-elle les TPME marocaines ?
Amine Diouri : A partir de mars 2020 (période qui marque le début de la crise liée à la pandémie au Maroc) jusqu’à fin 2021, les TPME marocaines ont fait les frais de la décroissance de leur chiffre d’affaires. Les conséquences de la guerre en Ukraine plus que jamais d’actualité (hausse des prix des matières premières, augmentation des coûts des intrants et du fret) ont fragilisé davantage le tissu entrepreneurial largement dominé par les TPME. Ces dernières avaient déjà beaucoup de mal pour recouvrer leurs créances à temps. Ce qui, à l’évidence, n’est pas sans conséquence sur la trésorerie. La hausse du SMIG, qui devrait être actée à partir de cette année, pourrait soutenir un tant soit peu la demande, profitable aux entreprises, mais du côté des TPME malmenées par plusieurs facteurs, l’on voit également que la révision à la hausse du SMIG est génératrice de charges supplémentaires pour cette catégorie d’entreprises.
F.N.H. : Que vous suggère la sortie des neuf circulaires relatives au crowdfunding ainsi que le lancement du Programme Forsa et celui d’Intelaka, qui sont autant de dispositifs en faveur du tissu entrepreneurial ?
A. D. : Il est clair que la publication par Bank Al-Maghrib des neuf circulaires portant sur le financement collaboratif est à saluer. Celles-ci constituent un maillon essentiel pour l’implémentation de ce mode de financement alternatif, dédié aux porteurs de projets, aux start-up et aux TPME. Ceci étant dit, il faut être lucide et car les crédits interentreprises, les crédits bancaires ainsi que les fonds propres continueront d’être les premières sources de financement des entreprises marocaines. Les programmes d’accompagnement Forsa et Intelaka sont tout aussi appréciables, mais les TPME bénéficiaires devront à un moment donné rembourser les prêts. Or, la solvabilité des entreprises marocaines est chahutée par des causes conjoncturelles et structurelles, évoquées plus haut. A mon sens, le véritable challenge a trait à l’édification d’un écosystème adapté pour l’accompagnement des entreprises, notamment les TPME. Outre le financement qui, à lui seul, est insuffisant, les entreprises ont besoin d’être aiguillées par des experts, surtout par les temps qui courent. Les contraintes inhérentes à la taille du marché domestique, couplées aux délais de paiement client anormalement longs donnent du fil à retordre aux TPME.
F.N.H. : Dans le contexte inflationniste actuel, source de difficultés pour les TPME marocaines, n’est-il pas opportun pour l’Etat de prendre des mesures fortes, pour ne citer que le lancement du Fonds Mohammed VI pour l’investissement afin d’aider cette catégorie d’entreprises fragiles ?
A. D. : Tout d’abord, le contexte actuel rend difficile la levée de fonds nécessaires à l’implémentation du Fonds Mohammed VI pour l’investissement. Au-delà de cette réalité, il faut garder à l’esprit qu’une fois opérationnel, le Fonds bénéficiera au nombre réduit de grosses PME et d’entreprises structurées. Il est illusoire de penser que la majorité des TPME tirera profit de ce véhicule financier qui tarde à être opérationnel. L’espoir de l’élaboration d’une Loi de Finances rectificative 2022, qui pourrait contenir des mesures avantageuses aux TPME, a été enterré. Le gouvernement a clairement indiqué l’inopportunité de recourir à une Loi de Finances rectificative au cours de l’année marquée, entre autres, par la sécheresse et des perspectives de croissance sombres (autour de 1,2% du PIB d’après la Banque mondiale). La crise liée à la Covid-19 ainsi que les conséquences de la guerre en Ukraine sur les prix des matières premières et ceux des produits alimentaires ont fragilisé les finances publiques. Aujourd’hui, nous assistons à la réduction des marges de manœuvre financières de l’Etat qui ne peut pas tout faire. Toute la difficulté pour l’Etat sera de soutenir les entreprises, sans pour autant accentuer les déficits publics.