Au cours de ces cinq dernières années, le Maroc a fait des avancées significatives en matière de développement de son tissu entrepreneurial. Toutefois, il reste encore du chemin à parcourir, et de nombreuses initiatives sont mises en œuvre pour y parvenir.
Dans cet entretien, Kenza Boughaleb et Meryem Mahfoud, partners et dirigeantes d’INSKIP Entrepreneurs Maroc, un cabinet de conseil en entrepreneuriat et stratégies d’innovation, partagent leur vision quant à l’évolution de l’écosystème des startups au Maroc.
Propos recueillis par M. Ait Ouaanna
Finances News Hebdo : Depuis son installation au Maroc en 2018, Inskip Entrepreneurs ne cesse d’agir en faveur de l’accélération de nouveaux business et de startups ambitieuses. Quel bilan faitesvous et quelles actions sont mises en place pour soutenir les startups et les entrepreneurs ?
Kenza Boughaleb et Meryem Mahfoud : Depuis 6 ans, INSKIP Entrepreneurs a contribué à la transformation remarquable de l'écosystème entrepreneurial marocain. Une de nos plus grandes fiertés reste la conception et l’opérationnalisation du programme 212Founders de CDG Invest, à travers lequel nous avons pu accompagner plus de soixante entrepreneurs. Ces startups sont aujourd’hui des ambassadeurs de la scène tech marocaine, en Afrique et à l’international. Depuis 2018, nous avons également pu collaborer de manière rapprochée avec de nombreuses institutions de renom telles que l'UM6P, Tanger Med Special Agency, InnovX, la Banque mondiale, l'AFD, l’ACAPS et Attijariwafa bank. De nombreux dispositifs d’accompagnement et de financement de programmes sont en train de se structurer, portés par des acteurs institutionnels, tels que le ministère de la Transition numérique et de la Réforme de l'administration (MTNRA), la CDG, Tamwilcom, le Fonds Mohammed VI pour l’investissement (FM6i), etc. Ces initiatives sont de véritables opportunités pour renforcer l'écosystème de financement des startups et répondre aux spécificités du Maroc :
• Les programmes Techstart et Techboost de Tamwilcom offrent des subventions et des prêts d'honneur aux startups, ce qui peut contribuer à combler le manque de financement en amorçage.
• Le FM6i a lancé un appel à manifestation d'intérêt pour la création de fonds dédiés aux startups, ce qui devrait permettre d'injecter des capitaux supplémentaires dans l'écosystème.
• Enfin, le déploiement d'un dispositif national de financement des startups par le MTNRA devrait faciliter l'accès des startups à des financements non dilutifs, comme des bourses de vie ou des prêts d'honneur.
Ces initiatives sont donc des signes positifs d'engagement en faveur du développement de l'écosystème entrepreneurial marocain. La priorité aujourd’hui réside dans la bonne mise en œuvre de ces actions afin de maximiser leur impact sur le terrain : rapidité, agilité, qualité et harmonisation des actions.
F.N.H. : Comment sélectionnez-vous les startups et les entrepreneurs que vous accompagnez ? Quels critères sont les plus importants pour vous ?
K.B. & M.M. : Nous accompagnons toujours des startups et entrepreneurs dans le cadre de programmes que nous concevons et/ou opérons pour le compte de nos clients. INSKIP accompagne principalement les institutionnels, corporates, investisseurs et structures d’accompagnement dans l’opérationnalisation de leurs dispositifs d’accompagnement et d’investissement dans les startups (212 Founders, INNOV X…). A travers ces programmes, nos équipes sont amenées à sélectionner les projets innovants qui seront accompagnés. Les critères de sélection dépendent du dispositif que nous opérons et des critères de notre client. Mais pour une startup, nous regardons de près la composition de l’équipe, sa complémentarité et son expertise, ainsi que le caractère innovant du projet, la taille du marché adressable et, enfin, le besoin en financement.
F.N.H. : Comment évaluezvous l'état actuel de l'écosystème tech au Maroc ? Et quels sont les défis spécifiques auxquels les startups technologiques marocaines sont aujourd'hui confrontées ?
K.B. & M.M. : Bien qu'un certain retard ait été constaté, nous avons tiré des leçons de cette expérience et les acteurs impliqués redoublent d'efforts pour le faire progresser. Actuellement, une réelle prise de conscience émerge quant aux obstacles entravant l'accélération de l’écosystème entrepreneurial marocain et de nombreuses initiatives voient le jour pour y remédier, notamment celles lancées par le MTNRA, Tamwilcom, FM6i et le Technopark. Avec INSKIP, nous avons la chance d'observer directement les avancées de l'écosystème startup sur le terrain. Et il est temps maintenant d'adopter un discours plus éclairé, constructif et réaliste concernant son évolution. Nous sommes convaincus de l'importance de créer des récits clairs et optimistes pour promouvoir l'écosystème entrepreneurial. Certes, des défis subsistent, tels que le manque de confiance envers les solutions numériques, une infrastructure technologique encore insuffisante et parfois des réglementations restrictives. Cependant, ces défis sont reconnus et d'importants efforts sont déployés pour les surmonter. Les progrès réalisés dans l'éducation numérique, les investissements dans les infrastructures technologiques et l'élaboration de cadres réglementaires favorables témoignent du fait que le Maroc est sur la bonne voie pour devenir un leader régional dans ce domaine.
F.N.H. : Quelles sont, selon vous, les initiatives ou politiques publiques qui pourraient renforcer l’écosystème entrepreneurial marocain, notamment le secteur de la tech ?
K.B. & M.M. : Au-delà des initiatives en matière d’accompagnement et de financement qui sont en cours de déploiement, le renforcement de l'écosystème entrepreneurial marocain passe par le fait de capitaliser sur le potentiel des talents marocains pour accélérer la transformation digitale et entrepreneuriale du pays. Il s’agit de donner l’envie, mais surtout la possibilité à ces talents de s’impliquer de plus en plus dans les sujets structurants du Royaume. Il y a également un enjeu de donner plus de lisibilité aux opportunités existantes au sein du nouveau paysage marocain et pousser les organisations à s’adapter aux nouvelles attentes des talents. Nous croyons fermement que le Maroc a tous les ingrédients pour écrire son propre nouveau récit, et les jeunes talents doivent y contribuer.