Youssef Guerraoui Filali, président fondateur du CMGM
Pour Youssef Guerraoui Filali, président du Centre marocain pour la gouvernance et le management (CMGM) , la publication citoyenne des documents relatifs à l’élaboration, l’exécution et le contrôle du budget de l’Etat est indispensable pour faire progresser le classement du Maroc, et améliorer l’indicateur de transparence budgétaire.
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Finances News Hebdo : Comment se présentent les résultats de la 6ème édition de l'enquête réalisée par Transparency Maroc et IBP International Budget sur l'indice du budget ouvert par rapport à la précédente ?
Youssef Guerraoui Filali : Les résultats de l’édition 2017 montrent les progrès réalisés par le Maroc dans le chantier du budget ouvert. En matière de transparence budgétaire, et comparativement aux autres pays de la région MENA, le Royaume se positionne au 2ème rang, juste derrière la Jordanie. L’effort déployé dans la mise en place de la Loi Organique des Finances commence à porter ses fruits. L’instauration d’un nouveau dialogue de gestion, entre gestionnaires publics et accompagnateurs de la réforme, favorise l’amélioration continue de la transparence des budgets ministériels. Par conséquent, la transition budgétaire d’une logique de moyens à une autre de résultat reste tributaire de la performance des acteurs publics. Ils doivent adhérer davantage à ce processus de modernisation de la gestion budgétaire.
F.N.H. : Les résultats affichés au niveau du Maroc dégagent un score de 45 sur 100 en 2017. Quelle appréciation en faites-vous ?
Y. G. F. : La notation du Maroc s’est améliorée de 7 points, soit une progression de 18%. Le score du pays au niveau de l’Initiative du budget ouvert (IBO) est passé de 38 à 45 sur 100, entre les années 2016 et 2017, dépassant la moyenne mondiale, qui est de l’ordre de 42/100.
On constate toujours en revanche l’absence totale de la participation citoyenne dans le processus budgétaire du Royaume. L’approche participative n’est présente ni dans les étapes relevant du périmètre de l’Exécutif, ni dans l’agenda parlementaire. De ce fait, le Maroc obtient un score «nul» dans la catégorie «participation du public».
F.N.H. : Le Maroc ne fournit que 5 documents budgétaires sur 8. Jusqu'à quel degré la non publication des autres documents (rapport préalable au budget, revue de milieu d'année, et rapport de fin d'année) impactent-elle la transparence budgétaire ?
Y. G. F. : La publication citoyenne des documents relatifs à l’élaboration, l’exécution et le contrôle du budget de l’Etat est indispensable pour faire progresser le classement du Maroc, et améliorer l’indicateur de transparence budgétaire.
Le rapport préalable à l’établissement du budget servira, entre autres, à expliquer au citoyen les critères de choix aboutissant à la détermination des hypothèses macroéconomiques d’élaboration du budget et, par conséquent, renforcer la transparence dans le processus décisionnel.
Quant à la revue de milieu d’année, elle doit permettre d’avoir du recul sur l’exécution budgétaire semestriel, ce qui sera profitable à l’ensemble des acteurs, pour savoir là où nous en sommes par rapport aux objectifs préétablis. Je dirais qu’il s’agit d’un outil efficace de suivi budgétaire à mi-chemin de l’exercice.
Concernant le rapport de fin d’année, il mettra en exergue le principe de reddition des comptes, en l’occurrence l’évaluation des choix et décisions budgétaires pris par l’Etat.
F.N.H. : Dans le même sillage, l'élaboration de nouveaux documents accompagnant la Loi de Finances depuis 2016 (rapport sur le foncier mobilisé pour l'investissement, rapport sur la répartition régionale de l'investissement, etc.) peut-elle être considérée comme une avancée importante en matière de diffusion de l'information budgétaire ?
Y. G. F. : Effectivement, la vulgarisation de l’information budgétaire du Royaume va bon train. La communication autour du profil des investissements, des actifs matériels, des répartitions régionales des ressources, etc., sont autant de points positifs susceptibles d’améliorer la lisibilité et la compréhension des aspects budgétaires de l’Etat. Plus de précisions devront néanmoins
être apportées au niveau des entités publiques autonomes, telles que les entreprises et établissements publics (EEP), en termes d’affectation et d’évaluation des ressources financières destinées aux investissements publics.
F.N.H. : En matière de contrôle budgétaire, le Maroc obtient un score de 31 sur 100. Quel commentaire faites-vous sur résultat à l'aune de l'entrée en vigueur de la Loi Organique des Finances ? Quid de l'absence d'audit de la Cour des comptes par une tierce entité ?
Y. G. F. : Jusque-là, la Loi Organique des Finances (LOF) sert à l’amélioration de la transparence de la gestion des ressources de l’Etat, et bien évidemment à orienter le débat budgétaire de l’administration autour de la performance et de l’amélioration des indicateurs d’efficacité. Par conséquent, il incombera à la Cour des comptes d’auditer les projets et les rapports de performance des ministères, dans le cadre de l’exécution de la LOF.
Les comptes de l’Etat seront désormais certifiés par la Cour des comptes, ce qui constitue une avancée remarquable dans la transparence des finances publiques au Maroc.
Auditer la Cour des comptes (CC) n’est pas l’enjeu majeur. Une entité comme la CC, disposant d’un budget très raisonnable, chargée du contrôle supérieur des finances publiques, devra être appuyée par les réformateurs et accompagnateurs du nouveau dialogue de gestion. L’idée est de contrôler de plus près l’efficacité des actions publiques, dans la perspective d’évaluer toutes les étapes du nouveau processus budgétaire de l’Etat. ■
Propos recueillis par I. Bouhrara