Durant les 9 derniers mois, le Maroc a récupéré 80% de ses touristes. Le secteur a dépassé ses recettes en devises (+103%) par rapport à la même période en 2019.
A l’approche de la fin de l’année, les perspectives semblent prometteuses, notamment dans la région Casablanca-Settat.
Entretien avec Oussama Alami, directeur des hôtels Gray à Casablanca.
Propos recueillis par Ibtissam Z.
Finances News Hebdo : En tant que directeur d’établissement hôtelier, comment évaluez-vous la situation touristique actuelle après la saison estivale qui a connu un rebond considérable ?
Oussama Alami : La saison actuelle est effectivement bonne par rapport à ce que nous avons connu juste après l’ouverture des frontières. Certes, pas autant que la période estivale, mais elle s’annonce prometteuse. Cependant, nous avons constaté un retour important de certaines nationalités, d’autres niches prennent aussi de bonnes parts de marché, ainsi qu’une très forte augmentation de la part du tourisme interne et du voyage d’affaires. Nous remarquons cette catégorie de clientèle diversifiée, notamment au sein de notre établissement hôtelier.
F.N.H. : Le Maroc récupère 80% de ses touristes et fait mieux que la moyenne mondiale. Justement, le niveau pré-Covid est-il atteignable ?
O. A. : Les chiffres d’avant Covid-19 vont être dépassés dans les prochains mois, j’en suis certain. Aujourd’hui, nos statistiques montent en flèche. Ceci est évidemment dû à un effort collectif entamé dès le début pour gérer la crise. Le Maroc a été l’un des premiers pays à veiller sur les mesures d’hygiène et la santé de ses citoyens. Il s’agit là d’une belle image que nous avons donnée de notre destination pendant le confinement. La pandémie a pénalisé notre activité, mais grâce à la réouverture, nos clients se sont sentis bien pris en charge et en sécurité sur le volet sanitaire. D’ailleurs, nous n’avons pas tardé à mettre en place toutes les dispositions nécessaires afin d’encourager les internationaux à revenir et adhérer au label «Welcome Safely» to Morocco, qui est basé sur un référentiel sanitaire conforme aux attentes de l’OMS et de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). Pour sa part, l’Office national marocain du tourisme (ONMT) ne cesse d’être à la quête d’innovation. Après avoir déverrouillé l’aérien pour une reprise sans faute, l’Office ne cesse de mener de main de maître des actions de communication pour redynamiser la destination Maroc, au niveau national et international, à savoir le changement de logo de la destination et le lancement d’une campagne de communication (Maroc, terre des lumières). Ces actions adhèrent à la vision de l’ONMT qui a pour finalité la promotion et la redynamisation du secteur, avec en prime mettre en avant les différentes facettes de la «destination Maroc».
F.N.H. : Selon vous, quelles sont les perspectives touristiques durant la période des fêtes de fin d’année ?
O. A. : Si pendant longtemps les périodes de fête étaient exclusivement réservées à une clientèle étrangère, aujourd'hui, l'offre est différenciée. Elle permet d'attirer à la fois une clientèle nationale et internationale. Dans ce sens, il faut souligner que le tourisme interne connait également un bon rebond. De plus, le produit touristique qu’offre la destination est très diversifié : balnéaire, night-life, shopping, tourisme d’affaires et de médecine et peut donc attirer davantage de visiteurs. Je reste très optimiste quant à la réussite de cette saison.
F.N.H. : Comment se présente l’offre touristique au niveau de Casablanca-Settat, et comment peut-on développer l’offre du tourisme d’affaires qui est aussi un vecteur de croissance dans la région ?
O. A. : L'offre touristique de la région est assez importante. Le Conseil régional de CasablancaSettat ne ménage aucun effort pour mettre en avant la destination, en étant présent aux principaux salons et foires de tourisme à travers le monde et en organisant des forums destinés au tourisme d’affaires, comme le 1er Forum du tourisme de Casablanca organisé cette semaine. D'un point de vue hôtelier, il reste encore des efforts à fournir pour avoir des établissements encore plus qualitatifs répondant au mieux à la demande de la clientèle internationale. Par ailleurs, la clientèle corporate est aussi à la recherche d’expérience. Nous remarquons un essor du bleisure, c'est-à-dire le mélange de business et loisirs. Sur ce point particulier, les acteurs du tourisme sont appelés à adapter leur offre à cette nouvelle tendance.
F.N.H. : Les différentes mesures déployées par le gouvernement en faveur des établissements hôteliers sont-elles suffisantes pour redynamiser le secteur ?
O. A. : Nous ne pouvons pas remettre en cause les aides apportées. Les versements ont certes tardé, mais cela a permis de soutenir nos activités et préserver nos emplois. Les versements exceptionnels aux salariés du secteur ont bien évidemment aidé les acteurs du tourisme. Et c'est aussi grâce à toutes les mesures déployées par le gouvernement que plusieurs établissements touristiques ont rouvert leurs portes après l’arrêt dramatique et total de l’activité lié à la pandémie. Notons qu’un plan d’accompagnement d’urgence de soutien de 2 milliards de dirhams a été déployé par le ministère de tutelle en faveur des opérateurs du secteur touristique.
F.N.H. : Au niveau de CasablancaSettat, quelles sont vos recommandations pour promouvoir l’offre ?
O. A. : La destination CasablancaSettat est l’une des plus belles régions du Maroc, alliant le balnéaire au culturel. Mes recommandations s’articulent autour de deux points importants. Tout d’abord, une destination Maroc à promouvoir auprès des acteurs importants corporate : miser sur les sociétés, les grandes multinationales, Travel Management Company (TMC) et se faire connaître auprès des grandes agences d’événementiels. D’ailleurs, je me trouve actuellement à Barcelone pour participer à l’IBTM World, un événement mondial pour l'industrie des réunions et des événements, afin de présenter mon entité et donc atteindre mes objectifs de vente en termes de nuitées. Quant au renforcement de l’offre touristique de la région, on entend être plus présent sur les réseaux sociaux, qui aujourd’hui ont fait changer les habitudes de consommations ordinaires, le client étant toujours à la quête de nouvelles expériences et activités. Ensuite, miser sur la digitalisation de l'offre touristique nationale à travers l'amélioration de l'expérience client, la formation de tous les acteurs et, bien évidemment, s’appuyer sur des acteurs forts du digital.
F.N.H. : Quel est l’impact de la baisse du pouvoir d’achat et de l’inflation sur la reprise touristique ?
O. A. : Effectivement, l’inflation affecte directement le pouvoir d’achat et le secteur touristique n’y échappe pas. Les impacts sont bien palpables sur notre activité, mais attendons le début de l’année pour avoir une meilleure visibilité sur les chiffres, notamment le taux d’occupation, la durée moyenne de séjour et le prix moyen.