Entretien. «La souveraineté ne signifie pas la fin de la globalisation»

Entretien. «La souveraineté ne signifie pas la fin de la globalisation»

Le forum des MEDays a conforté sa position de plateforme incontournable pour aborder les grands enjeux globaux. Dans cet entretien, Ali Benjelloun, administrateur de l’Institut Amadeus, revient sur le choix du thème, la trajectoire prometteuse de l’Afrique et l’importance des partenariats stratégiques comme celui entre le Maroc et la RDC.

 

Propos recueillis par Désy M.

Finances News Hebdo : Pourquoi avoir choisi le thème de la souveraineté et de la résilience pour cette édition des MEDays ?

Ali Benjelloun : Ce choix s’explique par la nature même des crises auxquelles les États font face aujourd’hui. Ces crises sont devenues transfrontalières et indifférentes aux frontières géographiques. Elles englobent des dimensions sécuritaires, environnementales, alimentaires, migratoires et énergétiques, entre autres. Ces défis mettent la souveraineté des nations à l’épreuve. Les États se retrouvent souvent isolés, face à des crises qui dépassent leurs capacités individuelles. Il devient alors impératif de répondre de manière concertée et intégrée. Ce thème s’est imposé naturellement, après une observation approfondie des dynamiques mondiales sur les douze derniers mois et des événements auxquels l’Institut Amadeus a participé ou organisé. Cela reflète les enjeux de l’actualité immédiate.

 

F.N.H. : Selon les recherches et analyses de l’Institut Amadeus, quelle est la trajectoire actuelle de l’Afrique, notamment sur les plans économique et politique ?

A. B. : C’est une question vaste mais essentielle. L’Afrique est sur une trajectoire positive, bien que des défis persistent. Les progrès économiques et politiques sont indissociables, et nous assistons à l’émergence de leaderships régionaux encourageants. Le Maroc, par exemple, illustre parfaitement ce type de leadership. Grâce à la vision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le pays a su impulser une dynamique de transformation économique et sociale. Des initiatives similaires se développent également dans d’autres régions du continent : en Afrique de l’Ouest, de l’Est et australe. Ce qui est particulièrement prometteur, c’est la prise de conscience collective en Afrique. Les ingrédients du redressement sont là : une jeunesse dynamique, représentant 80% des 1,5 milliard d’habitants du continent, une main-d’œuvre abondante et une position géographique stratégique qui fait de l’Afrique un carrefour essentiel entre l’Asie, l’Europe et les Amériques. Ces atouts offrent des perspectives très encourageantes pour l’avenir.

 

F.N.H. : Quand on parle de souveraineté, cela signifie-t-il la fin de la globalisation ? Ou peut-on envisager une complémentarité entre souveraineté et globalisation ?

A. B. : La souveraineté ne signifie pas la fin de la globalisation. Elle appelle plutôt à une reprise en main de celle-ci. La globalisation, en tant que création humaine, doit rester au service des peuples. Mais lorsqu’elle ne profite plus qu’à une minorité, elle perd sa légitimité. Une globalisation équilibrée et humanisée est nécessaire. Cela suppose une répartition plus juste de la richesse et une régulation par les États pour garantir que les intérêts des populations soient privilégiés. La souveraineté des nations joue ici un rôle clé en fixant des règles et en favorisant une mondialisation plus équitable. Des forums comme les MEDays permettent justement de partager des expériences réussies de coopération multilatérale. Ces échanges créent des repères concrets pour réinventer une globalisation compatible avec les aspirations souveraines des nations.

 

F.N.H. : Cette année, les MEDays ont mis un focus particulier sur la République démocratique du Congo (RDC). Pourquoi ce choix ?

A. B. : La RDC est un partenaire de longue date du Maroc et un acteur clé de sa région. Cette année, nous avons eu l’honneur d’accueillir la Première ministre congolaise et de consacrer un stand aux investissements en RDC. Ce choix s’explique par la conviction que le modèle marocain peut inspirer d’autres pays africains. La RDC, avec son potentiel immense en ressources naturelles et humaines, peut s’inspirer de l’expérience marocaine en matière d’arrimage aux chaînes de valeur mondiales. Il s’agit d’un partenariat humble et gagnant-gagnant, où chaque pays peut apprendre de l’autre. Cela reflète parfaitement la manière dont le Maroc conçoit ses relations internationales : inclusives, respectueuses et fondées sur la coopération.

 

F.N.H. : Quel bilan tirez-vous de cette édition des MEDays ?

A. B. : Je serais juge et partie, mais je considère cette édition comme un succès. Ce forum n’est pas un simple événement annuel, c’est un rendez-vous stratégique qui s’ancre progressivement dans l’agenda international. L’objectif est d’affiner les analyses, d’orienter les débats et de capitaliser sur chaque édition pour en faire un véritable effet boule de neige. Aujourd’hui, les MEDays sont reconnus comme le «Davos du Sud». Cette notoriété croissante attire des participants de qualité et renforce l’influence du forum. Chaque édition représente une opportunité d’enrichir nos discussions et de renforcer notre rôle en tant que plateforme de réflexion stratégique pour les décideurs du Sud. C’est une responsabilité que nous prenons très au sérieux, et les résultats parlent d’eux-mêmes. 

 

 

 

 

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