Cheval de bataille de l’économie marocaine, le Made in Morocco est aujourd’hui une réalité qui touche de nombreux aspects de l’industrie et du commerce. Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie et du Commerce, revient avec nous sur les réalités du Made in Morocco et sur les perspectives d’avenir.
Finances News Hebdo : Le Made in Morocco est entré dans le langage de tous les acteurs de l’économie nationale. Comment définissez-vous cette grande ambition marocaine ?
Ryad Mezzour : Le Made in Morocco est une ambition d’une nation qui se concrétise grâce aux compétences, aux projets réalisés sur le terrain et les sacrifices déployés, avec des investissements lourds, comme les ports et les autoroutes, entre autres grandes réalisations. Grâce également à un travail acharné depuis des décennies, outre l’ouverture du pays à la faveur des accords de libre-échange. Dans ce sens, le Maroc a travaillé de manière structurée, année après année, avec des écosystèmes pour attirer des investisseurs, construire des usines et concevoir des projets structurants. Le Made in Morocco, c’est le fait de faire rayonner le produit fabriqué au Maroc par des cadres et des compétences marocaines. Le Made in Morocco montre l’attractivité du Maroc. Aujourd’hui, le Maroc suit son chemin grâce à la vision clairvoyante et à l’ambition de SM le Roi, avec de nouvelles stratégies, avec le nouveau modèle de développement et le programme gouvernemental. C’est ce qui fait que le Made in Morocco est aujourd’hui reconnu mondialement et au niveau national, vu que 79% des Marocains préfèrent le produit national que celui importé.
F. N. H. : Le made in Morocco s’articule suivant un plan bien spécifique. Quels en sont les fondements ?
R. M. : Ce plan s’articule essentiellement autour de la banque de projets industrielle pour substituer les produits importés par des produits locaux, conformément à la vision du nouveau modèle de développement. Lequel vise à accélérer le développement industriel afin d’augmenter la création d’emplois, l’augmentation de la valeur ajoutée et la relance et le soutien du secteur industriel marocain impacté par la pandémie du Covid-19. Cette banque de projets industriels permet l’élargissement de la base des activités industrielles dans les différentes régions du Royaume, à travers le suivi des porteurs de projets et l’encouragement à investir dans toutes les zones industrielles. Pour mettre en œuvre ce plan, un groupe de travail chargé de réaliser la souveraineté industrielle a été constitué autour du renforcement de la souveraineté nationale et de l’encouragement de la stratégie Made in Morocco. Pour ce faire, il est nécessaire de soutenir et développer l’insertion locale, accompagner les porteurs de projets en les mettant en relation avec tous les partenaires concernés et, finalement, le soutien de leurs capacités productives via des investissements financiers.
F. N. H. : Et en ce qui concerne la protection de l’industrie nationale ?
R. M. : Le gouvernement a pris un certain nombre de mesures afin de protéger l’industrie nationale de la concurrence féroce, notamment celles qui résultent de l’importation illégale ou de l’importation massive qui menace d’impacter le secteur de la production. La loi 15.09 sur les mesures de protection du commerce a été élaborée pour protéger le secteur de la production nationale de la concurrence déloyale, dans le cadre du respect des obligations internationales du Maroc. A cet égard, dans le cadre de la protection de l’industrie locale, le gouvernement a augmenté les droits de douane de 25% à 40% sur l’importation des produits prêts à consommer, dans le but de renforcer la protection de l’industrie locale et la consommation de ses produits et la réduction du déficit commercial. Dans ce sens, le ministère a également travaillé sur l’augmentation des droits de douane pour un certain nombre de produits dans le cadre de la Loi de Finances de 2022, mais également la mise en œuvre de l’accord de libre-échange modifié avec la Turquie, par lequel les droits de douane ont été révisés pour une liste de 1.200 produits, pour atteindre 90% des produits pour une période de cinq ans, renouvelable une seule fois.
F. N. H. : La pandémie et la crise mondiale ont joué également un rôle important dans l’enracinement des préférences nationales pour le produit 100% marocain.
R. M. : Le made in Morocco n’a jamais été aussi fort que pendant la période de crise sanitaire, avec des projets, des investissements, un engouement et de l’innovation extrêmement intéressants. Il faut savoir que nous avons pu réduire notre coût de production en une seule année. Le potentiel du Royaume a donc permis de se rétablir rapidement de la crise du Covid-19 en absorbant la demande internationale. Prenons l’exemple de l’industrie automobile : dès la reprise de la relance à l’échelle mondiale, nous étions les premiers à remplir le carnet de commandes. Sans oublier que le Maroc dispose, grâce à la banque de projets lancée au début de la crise sanitaire, de plus de mille projets concrets qui visent à créer plus de 200.000 emplois directs et indirects.
F. N. H. : Comment se traduit cette stratégie au niveau des retombées sur l’économie marocaine ?
R. M. : Avec ces projets qui ont été approuvés avec 90% du capital national, représentant la possibilité de remplacer les importations par 51,3 milliards de dirhams, cela permet de compenser les importations, représentant 157% de l’objectif fixé à 34 milliards de dirhams. Avec des capacités d’exportation estimées à 66,3 milliards de dirhams, soit un total de 117,6 milliards de dirhams en tant qu’impact sur la balance commerciale. Ce plan prévoit la création de 196.767 emplois, dont environ 78.707 emplois directs, et la réalisation d’environ 69% de la souveraineté industrielle. Dans ce sens, il faut savoir que les porteurs de projets bénéficient de l’appui apporté par les centres techniques, ainsi que de l’expertise de l’institut marocain de normalisation (IMANOR) dans le département des normes et certifications afin de garantir des produits locaux de haute qualité.
F. N. H. : Dans cette stratégie Made in Morocco, l’industrie de la santé s’illustre avec un rendement solide et des prévisions plus que positives…
R. M. : Absolument. Et ces réalisations sont liées à trois choses. La première, c’est la production du générique qui est aujourd’hui exemptée des droits par nature. C’est un médicament développé ici, qui n’est pas sous licence, donc purement Made in Morocco. La deuxième, c’est l’aspect intégration en profondeur. C’est-à-dire que le principe actif qui est extrêmement capitalistique, commence à être fabriqué au Maroc pour que nous ayons de la valeur ajoutée afin de ne pas continuer à importer des principes actifs comme nous le faisons aujourd’hui. Le troisième volet est d’aller chercher quelques relais pour mieux participer et mieux contribuer à la recherche et développement. Aujourd’hui, nous avons tout un processus mis en place pour renforcer notre capacité d’innovation, tout en fluidifiant la capacité des laboratoires à mettre des médicaments sur le marché, ce qui permettra aussi à nos opérateurs d’être plus agiles pour répondre à la demande des marchés extérieurs. Tout cela va dans le sens de répondre à notre autonomie et de participer de manière rapide à la recherche et développement et, finalement, d’exporter davantage nos médicaments made in Morocco.