Des disparités importantes entre les différents bassins hydrauliques du Royaume. Insuffisance des apports en eau pour redresser la situation des cultures.
Par C. Jaidani
Le Maroc a connu la semaine dernière plusieurs jours de pluie. Certes, les hauteurs enregistrées sont d’un niveau important, mais elles ne sont pas assez suffisantes pour redresser la situation tant pour le remplissage des barrages qu’en termes de retombées significatives sur la campagne agricole. Selon des données recueillies auprès du département de l’Eau, les réserves des barrages ont atteint, au 12 mars 2024, 4,24 milliards de m3, soit un taux de remplissage de 26,3% contre 34,6% à la même période de l’année dernière.
A noter que les apports hydriques des barrages s’inscrivent actuellement dans un trend haussier, mais le niveau de stockage en eau demeure toujours dans un seuil critique. Le Maroc accuse un déficit important et le gouvernement devrait maintenir les restrictions sur l’utilisation de l’eau. Dans le détail, des disparités flagrantes sont relevées entre les différents bassins hydrauliques. Ainsi, le bassin de Sebou, le premier du Royaume en termes de capacité de stockage avec 5,55 milliards de m3, affiche un taux de remplissage de 39,13%. Celui d’Oum Rabii, le deuxième du pays avec une capacité de 4,95 milliards de m3, est à 6,5%.
A signaler que ce bassin regroupe Al Massira et Bine El Ouidane, respectivement deuxième et troisième plus grand ouvrage du Royaume. Le premier est quasiment dans un niveau de tarissement et pour le second, son taux de remplissage est à moins de 9%. D’autres bassins présentent un état assez favorable. C’est le cas du Loukkous, d’une capacité 1,72 milliard de m3, qui enregistre un remplissage de 47,09%. Le bassin de Tensift présente le niveau de réserve le plus élevé du Royaume avec un taux de 55,66%. Mais sa capacité de stockage est limitée à seulement 227,3 millions de m3. D’autres bassins comme ceux de Moulouya (795,35 millions de m3) et de Bouregreg (1,08 milliard de m3) s’alignent sur la moyenne nationale, avec respectivement un taux de remplissage de 24,33% et 24,54%.
Concernant la campagne agricole, le retour des pluies a été accueilli favorablement, surtout qu’il a concerné l’ensemble des régions agricoles du Royaume. Pour la céréaliculture, véritable baromètre de la saison, la situation se présente favorablement dans les régions au nord de Bouregreg. Mais dans les régions au sud de ce fleuve, le blé n’atteint pas, dans la plupart des champs, sa taille normale. Un constat confirmé par Abdelmounaim Guennouni, ingénieur agronome : «les régions du Gharb, du Loukkous, Fès-Saiss et l’Oriental ont bénéficié d’un bon démarrage. L’apport pluviométrique lors de la période automnale était très favorable. Les dernières pluies ne peuvent qu’assurer une bonne évolution des cultures.
Dans les autres régions, notamment Chaouia, Doukkala, Abda, El Haouz, le sol est encore asséché sous l’effet de six années successives de sécheresse. Pour leur part, les pâturages sont très appauvris. Cette situation a un effet négatif sur le secteur de l’élevage». En effet, ces dernières années, les éleveurs sont la communauté des agriculteurs la plus impactée par la sécheresse. La flambée des prix de l’aliment de bétail et la hausse du coût de production ont poussé de nombreux éleveurs à réduire leur bétail ou à arrêter leur activité.
«Pour la première fois depuis la grande sécheresse des années 80, des éleveurs n’arrivent pas à vendre leurs bêtes faute d’acheteurs. Pour se débarrasser à tout prix de leur troupeau, ils vendent à grosse perte», explique Guennouni. Et d’ajouter que «la situation devrait se compliquer davantage si l’on tient compte de la faible offre des bottes de paille, principal élément entrant dans l’alimentation de bétail. Le prix a franchi 60 DH/l’unité, soit un record», conclut Guennouni.