Ressources hydriques : pourquoi il faut revoir la politique des barrages

Ressources hydriques : pourquoi il faut revoir la politique des barrages

L’interconnexion entre les bassins, une option pertinente pour réduire les disparités pluviométriques entre les régions. Le choix de l’emplacement et de l’usage des ouvrages est important pour optimiser le rendement.

 

Par C. Jaidani

Face à la croissance démographique et économique, les besoins en eau ne cessent d’augmenter tant pour servir l’agriculture, qui s’adjuge 85% des ressources hydriques, que pour l’eau potable. En dépit des efforts alloués pour la mobilisation des ressources hydriques, à travers la construction de nouveaux barrages, le dessalement des eaux de mer, le déploiement de techniques d’économie d’eau, cellesci subissent une forte pression sous l’effet des années successives de sécheresse.

A la fin des années 80, le volume d’eau par habitant au Maroc était de 1.200 m3 /an; il a régressé à 950 m3 /an lors des années 2000. A partir de 2010, il a reculé à 800 m3 /an et, actuellement, il a chuté à moins de 630 m3/an. Toutes les projections annoncent des perspectives très sombres sur la situation hydrique du Royaume. Ces dernières années, le taux de remplissage des barrages ne dépasse pas les 30%, un seuil très critique qui a nécessité différentes mesures drastiques pour économiser l’eau. Face à cette situation, Nizar Barraka, ministre de l’Équipement et de l’Eau, a prôné dernièrement une nouvelle politique hydrique. «L’irrégularité de plus en plus marquée des précipitations, interannuelle et intra-annuelle, l’augmentation des températures et l’exacerbation des phénomènes extrêmes, comme les inondations et les sécheresses, imposent une nouvelle vision pour de meilleures caractérisations et évaluations du potentiel des ressources hydriques et des besoins en eau des différents secteurs de l’économie nationale du Maroc», a-t-il affirmé dernièrement.

Dans ce cadre, la politique des barrages joue un rôle important pour mieux développer le stockage en eau. Pour l’optimiser, il est important de choisir méticuleusement l’emplacement des ouvrages, et se poser certaines questions : quelles sont les régions à privilégier, faut-il prioriser les zones à forte pluviométrie aux dépens des autres ? Est-il pertinent de se focaliser sur les grands ouvrages ou bien opter pour un nombre conséquent de petits et moyens barrages ?

«La construction des barrages obéit à de nombreux aspects qui sont à la fois d’ordre économique, technique et budgétaire. Il est donc primordial de faire valoir tous ces critères pour optimiser le rendement des projets. Construire des barrages dans des zones à forte pluviométrie permettra de récupérer le maximum d’eau plutôt que d’être déversée dans la mer. Alors que dans les zones arides, les dernières inondations dans la région du sud-est ont montré l’intérêt des ouvrages pour lutter contre les crues et aussi emmagasiner l’eau. Le choix devrait également porter sur les usages fixés pour les barrages qui peuvent concentrer aussi bien l’alimentation de l’eau potable, l’irrigation, la protection contre les crues que la production électrique», affirme Khalid El Ghoumari, ingénieur hydrologue.

Rappelons qu’actuellement, le Royaume dispose de 150 barrages d’une capacité totale de 19 milliards de m3 . Et à l’horizon 2025, il est prévu de construire 20 barrages pour porter la capacité à 27 milliards de m3 . «Certes, la multiplication du nombre de barrages permettra d’augmenter les réserves en eau, mais il est tout aussi important de réduire les inégalités interrégionales à travers l’interconnexion des bassins hydrauliques. Ceux qui ont un excédent hydrique devraient alimenter d’autres régions qui sont déficitaires. Cette expérience a montré sa pertinence entre les oueds Sebou et Bouregreg. Actuellement, les bassins de Sebou et Loukkous affichent un taux de remplissage de respectivement 39,62% et 41,42%. Alors que celui de Oum Rabii est à 6,72% et Souss-Massa à 12,40%. Trois régions agricoles, à savoir Tadla, Doukkala et Souss sont fortement impactées tant pour l’irrigation que pour l’eau potable», explique El Ghoumari. 

 

 

 

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