La réforme des marchés publics, entrée en vigueur il y a un peu plus d’un an, représente une avancée significative dans la gestion des deniers publics au Maroc. Noureddine Bensouda, Trésorier général du Royaume, a détaillé les enjeux, les acquis et les défis liés à cette réforme lors de l’évènement «Les Nuits de la Finance» organisé par Finances News Hebdo.
Par A. Hlimi
Dès l’entame de son intervention, Noureddine Bensouda a souligné l’importance de l’évaluation comme outil pour mesurer l’impact des réformes. Bien qu’un an soit encore trop court pour dresser un bilan exhaustif, des progrès notables sont à relever. Les principes fondamentaux de transparence, d’égalité des chances et de reddition des comptes sont désormais inscrits au cœur du nouveau cadre des marchés publics.
Ces principes visent non seulement à garantir une utilisation optimale des ressources publiques, mais aussi à offrir des opportunités équitables aux opérateurs économiques, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME). Un des points centraux de la réforme réside dans l’obligation pour les grands groupes de recourir à la sous-traitance et de réserver une part des marchés publics, estimée à 30%, aux PME.
«Ces dispositions marquent une volonté politique forte de dynamiser le tissu économique local tout en assurant une meilleure redistribution des richesses», assure le patron de la TGR. Cependant, Bensouda a également mis en lumière les résistances rencontrées face à cette réforme. «Ceux qui avaient pris certaines habitudes peuvent ressentir le changement comme une contrainte», a-t-il expliqué. En effet, les nouvelles procédures, plus rigoureuses et plus transparentes, viennent bousculer des pratiques ancrées dans certains départements ou collectivités. De plus, le cadre réglementaire lui-même pose des défis. Alors que la réforme s’appuie sur un décret, un outil plus souple qu’une loi, cette flexibilité peut aussi engendrer des demandes de dérogation multiples, risquant de diluer les principes universels établis. «Si chaque secteur réclame des exceptions, nous risquons de perdre l’essence même de la réforme», a averti Bensouda.
Une approche inclusive
Pour pallier ces écueils, la réforme s’est voulue inclusive dès sa conception. Le décret a été soumis à consultation publique via le site du Secrétariat général du gouvernement, permettant à divers acteurs – parlementaires, fédérations industrielles et autres partenaires économiques – d’apporter leurs contributions. Cela a abouti à un texte enrichi, bien que parfois critiqué pour sa complexité. L’équilibre entre rapidité et transparence dans la gestion des marchés publics demeure néanmoins un point sensible. «Nous devons agir rapidement, mais sans sacrifier les principes de bonne gouvernance», a rappelé Bensouda. L’un des exemples les plus frappants concerne les délais de publication et d’évaluation des appels d’offres, souvent perçus comme trop longs par les gestionnaires pressés de mettre en œuvre leurs mandats politiques.
Pour centraliser les informations et améliorer la transparence, un Observatoire de la commande publique a été mis en place. Cet organe a pour mission de regrouper toutes les données relatives aux marchés publics, facilitant ainsi leur évaluation et la mise en œuvre des réformes. «Avec des données fiables et accessibles, nous pourrons mieux comprendre les défis et ajuster nos politiques», a affirmé le Trésorier du Royaume. Parmi les fragilités encore présentes, les délais de paiement figurent en bonne place. Ils demeurent une préoccupation majeure, notamment pour les PME.
Si des progrès ont été réalisés au niveau de l’État, les collectivités territoriales affichent encore des retards significatifs, compliquant la situation financière des entreprises, particulièrement des sous-traitants. Un levier pour l’efficacité économique Enfin, la réforme des marchés publics se veut un levier pour l’efficacité économique. Avec un budget d’investissement public évalué à 335 milliards de dirhams en 2024 et 340 milliards en 2025, l’enjeu est colossal. L’objectif est de maximiser l’impact de ces investissements tout en garantissant un retour équitable pour l’ensemble des acteurs économiques. Bensouda a conclu en appelant à la patience et à une intégration des points de vue pour consolider les acquis de cette réforme ambitieuse. «Tout le monde est d’accord sur les principes, mais leur mise en œuvre demande du temps et beaucoup d’écoute», a-t-il souligné.