Le rétrécissement en 2020 du nombre des nouveaux cotisants va accélérer la date d’enregistrement du premier déficit global et celle de l’épuisement des réserves.
Par Youssef Seddik
Pour un meilleur équilibre technique, une réforme paramétrique du régime de la CNSS des salariés du secteur privé s’impose aujourd’hui comme une évidence, surtout avec un horizon d’épuisement des réserves qui tend à se réduire.
Commentant ce sujet, Hassan Boubrik, DG de la CNSS, pense que «la réforme est une nécessité. Elle est urgente d’abord pour la CMR avec son horizon réduit d’épuisement des réserves. Mais elle est aussi importante pour la CNSS, parce que notre horizon n’est pas tellement plus loin (entre 2036 et 2037). Le régime nécessite absolument une réforme paramétrique. D’ailleurs, ce qui est surprenant, c’est qu’un régime avec un rapport démographique aussi favorable, c’est-à-dire six actifs pour un retraité, soit quasiment en déficit technique».
Cette configuration expliquée par Boubrik nous montre qu’il y a défaut dans les paramètres actuels. Les possibilités existantes pour y pallier sont toutefois claires. Il s'agit de repousser l'âge de la retraite, d’augmenter la cotisation et de revoir les règles de calcul des annuités. Il convient de souligner que le régime des pensions civiles ne produit plus de déficit grâce notamment à la reforme paramétrique de 2016, qui a augmenté l’âge de retraite de 60 à 63 ans, baissé le taux d'annuité de 2,5% à 2% et accru la cotisation de 20% à 28%.
Sur les paramètres qui font actuellement défaut dans le régime, Boubrik cite l’âge. «Avec l’augmentation de l’espérance de vie, cela n’a plus de sens de garder l’âge de la retraite à 60 ans. Nous rentrons de plus en plus en retard dans le marché du travail et nous vivons plus longtemps. Ce qui fait que la durée de cotisation se rétrécit et la durée des prestations s’allonge», explique notre invité. Boubrik affirme que la CNSS dispose d’un système biaisé, avec un taux d’annuité de pratiquement 5% pour des cas particuliers.
«Il n’y a aucun régime qui donne un taux pareil. La CMR était déficitaire à 2,5%, maintenant elle est à 2%. Même si vous payez une cotisation de 18 ou 20%, le taux d’annuité qui correspond à l’équilibre sera plutôt autour de 2%». En outre, détaille le DG de la CNSS, «ce système a encouragé la non-déclaration, laquelle a pénalisé énormément le régime, avec notamment les retraités qui n’arrivent pas à 3.240 jours et qui n’auront pas droit à leur retraite et la carrière moyenne qui se limite à 6.000 jours, soit 18 ans de travail». Ainsi, le vieillissement de la population a des conséquences fortes et pose des pressions majeures sur les ressources et les dépenses de retraite et de santé sur la Caisse. La solution la plus logique semble donc d'allonger la période d'activité et retarder l’âge de la retraite.
«Il y a d’autres paramètres sur lesquels nous pouvons jouer. Le gouvernement arrivera, le moment donné, à une proposition avec les partenaires sociaux. Nous, en tant que gestionnaire, on tire la sonnette d’alarme afin que l’on puisse initier la réforme», conclut le patron de la Caisse. Rappelons que les projections actuarielles de la branche long terme de la CNSS montrent que la date d’enregistrement du premier déficit global et celle de l’épuisement des réserves seront avancées. Cela est dû au rétrécissement en 2020 du nombre des nouveaux cotisants sous l’effet de la crise sanitaire et à la décision des pouvoirs publics de comptabiliser les droits à pension sans contrepartie en cotisations pour les assurés ayant bénéficié de l’indemnité forfaitaire.