◆ La vulnérabilité socioéconomique serait l’un des principaux facteurs de la hausse des contaminations dans certaines villes du Royaume.
◆ Selon une enquête, l’apparition d’un grand nombre de cas dans les milieux professionnels pousse à considérer également la dimension «emploi» comme facteur lié à la contamination par le virus.
Par B. Chaou
Les mesures de prévention face à la Covid-19 arrêtées par les autorités se sont soldées par des conséquences non négligeables sur l’économie nationale, dévoilant au grand jour la forte vulnérabilité socioéconomique du pays. Une vulnérabilité qui serait l’un des facteurs essentiels de la hausse des cas de contamination dans certaines régions du Royaume. Justement, selon un rapport d’un collectif de chercheurs de l’Université Hassan II de Casablanca, intitulé : «Crise sanitaire et répercussions économiques et sociales au Maroc», il y aurait une forte corrélation entre risque de contamination par le coronavirus et la fragilité socioéconomique des cas contaminés.
Vulnérabilité sociale et contaminations
Portant sur un échantillon sélectionné (représentatif de la population marocaine) de près de 8.000 ménages, ce rapport couvre également les principaux aspects et dimensions du tissu social humain du Royaume (démographie, éducation, santé, emploi, logement, exclusion, revenus, dépenses et consommation). Ainsi, selon le document, les facteurs de transmission du virus et de risques liés à la maladie seraient plus élevés auprès des ménages les plus vulnérables.
Une fragilité légitimée par un environnement et des milieux d’habitation précaires, marqués notamment par un nombre important d’individus vivant sous le même toit et ne respectant pas les règles de protection et les mesures préventives (liées au manque d’éducation) dans l’espace public. Compte tenu de ces hypothèses, et sur la base des données fournies par la même étude, quatre variables ont été prises en compte pour soutenir l’idée de la hausse des cas du fait de la fragilité sociale : la taille du ménage, la disposition ou non d’une voiture (marque d’aisance et de non-utilisation des moyens de transport en commun), la proportion des personnes n’ayant aucun niveau scolaire, ainsi que la typologie du logement.
Les dimensions citées opposent donc les conditions de bien-être à celles de vulnérabilité. Ainsi, au regard de leurs conditions socioéconomiques défavorables, les ménages courent plus le risque de contamination à la Covid19, et ce risque diminue à mesure que l’on s’élève dans les catégories sociales. Notons que la fragilité sociale est beaucoup plus observée dans le milieu rural.
D’ailleurs, la répartition par région montre que «MarrakechSafi» et «Drâa-Tafilalt», dont respectivement 57% et 69% des ménages résident en milieu rural, affichent les indices de vulnérabilité à la Covid-19 les plus élevés. En revanche, les régions du Sud et «Casablanca-Settat» affichent les indices les plus faibles (-0,21 et -0,16 respectivement). Cependant, suite à l’analyse statistique sur les taux réels d’infection, il s’avère, selon le même rapport, que les régions les moins vulnérables socialement face à la Covid-19, comme par exemple Casablanca-Settat, sont celles qui enregistrent les taux d’infection les plus élevés. De même, dans la réalité, il s’avère que les taux de contamination sont plus élevés dans les zones urbaines que dans les zones rurales.
Ces constats poussent à supposer qu’il existe d’autres facteurs socioéconomiques plus déterminants de l’incidence de la Covid-19 au Maroc que les quatre initialement considérés. Justement, l’apparition d’un grand nombre de cas dans les milieux professionnels a conduit les auteurs de l’étude à considérer également la dimension «emploi» comme facteur lié à la contamination par le virus.
Cas de contaminations dus aux foyers professionnels
Selon la même source toujours, les régions de Casablanca-Settat, Sud, Rabat-Salé-Kénitra et Tanger-Tétouan-Al Hoceima sont parmi les cinq les plus touchées par la pandémie et renferment donc une population vulnérable et à risque. Ceci peut être expliqué par la forte concentration des unités de production dans ces régions au sein desquelles les mesures de précaution sanitaires n’ont pas été correctement respectées, ce qui a conduit à la hausse des cas de contamination.
Sur la base d’un échantillon étudié, le nombre de cas directs identifiés dans le milieu professionnel s’élève à 1.051, soit 33% du nombre total des cas enregistrés dans la région Casablanca-Settat (3.162 cas à la date du 24 juin 2020). En prenant en compte les cas secondaires infectés, le nombre total résultant des clusters professionnels s’élève à 2.160 personnes contaminées, soit 68% des cas d’infection de la région Casablanca-Settat (voir tableau). Ces chiffres montrent que les personnes les plus exposées au risque de contamination sont plus particulièrement les travailleurs au sein des unités de production.
Face à ce constat, les auteurs de l’étude préconisent d’obliger les industriels à prendre les dispositions nécessaires pour la réorganisation de la chaîne du travail afin d’imposer le respect de la distanciation et le renforcement des mesures de contrôle et des sanctions au niveau des unités de production en cas d’infraction. Il ressort ainsi de ce rapport que l’activité économique associée à une forte densité de population socialement fragilisée sont en grande partie les deux éléments explicatifs de la hausse des infections dans certaines régions, notamment en milieu urbain, et définissent ainsi le profil des contaminés au Maroc.