Au Maroc, des réformes importantes ont été apportées dans le secteur de la propriété industrielle, depuis le Dahir du 23 juin 1916.
Allant de l’idée brute à la concrétisation du projet, le plan d’action du départ est toujours primordial. Le développement de la propriété industrielle reste un enjeu capital.
Entretien avec Me Daoud Salmouni Zerhouni, Avocat au barreau de Paris et spécialiste en propriété industrielle.
Propos recueillis par Ibtissam Z.
Finances News Hebdo : Comment initier puis inciter les jeunes entrepreneurs à la propriété industrielle ? Selon vous, quelles sont les démarches à suivre pour mener à bien le plan d’action de chaque projet ?
Me Daoud Salmouni Zerhouni : Vous abordez ici une question essentielle : celle de la formation et de la sensibilisation au droit de la propriété intellectuelle. L’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC) propose, au travers de son académie, des séminaires en droit de la propriété intellectuelle. Si sur le principe, une telle initiative est la bienvenue, il s’agit davantage, je crois, d’une opération de vulgarisation du droit de la propriété intellectuelle que d’une véritable formation de haut niveau. J’observe par ailleurs que de telles formations sont payantes, ce qui peut surprendre de la part d’un établissement public qui a une mission de service public. En réalité, la question que vous posez amène à une réflexion beaucoup plus large sur la formation au droit de la propriété intellectuelle au Maroc. A mon grand regret, nous n’avons pas au Maroc une formation universitaire de haut niveau et accessible en droit de la propriété intellectuelle. Comment initier les jeunes entrepreneurs à la propriété industrielle et les inciter à utiliser cet outil important si nous n’avons pas, au Maroc, l’ensemble des professionnels de la propriété intellectuelle correctement formés dans cette matière? C’est seulement si nous avons tous les acteurs de l’écosystème marocain de la propriété intellectuelle, à savoir conseillers en propriété industrielle, avocats, magistrats, juristes d’entreprise et agents de l’OMPIC - véritablement formés dans cette matière- que les jeunes entrepreneurs et les PME pourront être utilement conseillés. Trop souvent, de jeunes entrepreneurs ou des TPE se font mal conseiller dès l’origine par des pseudo praticiens de la propriété intellectuelle, qui se sont improvisés spécialistes de la matière. Les conséquences sont souvent très graves et font perdre du temps et de l’argent à ces entrepreneurs, qui précisément n’en ont pas beaucoup à ce stade de leur développement. L’une des solutions serait d’avoir une formation de haut niveau en droit marocain de la propriété intellectuelle, en s’inspirant des plus belles réussites en matière de formation dans ce domaine. Je pense évidemment au Centre d’études internationales de la propriété intellectuelle (CEIPI) en France. Celui-ci est une référence mondiale incontestée dans la formation au droit de la propriété intellectuelle.
Une telle formation au Maroc pourrait en outre offrir des «cliniques en droit de la propriété intellectuelle», comme cela se fait souvent outre-Atlantique, où seraient accueillis les jeunes entrepreneurs. Ces derniers bénéficieraient d’une assistance et de conseils gratuits en droit de la propriété intellectuelle de la part des étudiants sous le contrôle et la supervision d’enseignants et de praticiens de grande qualité. Une autre piste serait d’inciter les cabinets de conseils en propriété industrielle à faire du pro bono en la matière. Cela pourrait prendre plusieurs formes et notamment auprès des écoles d’ingénieurs et de commerce, véritables viviers d’entrepreneurs, en sélectionnant les meilleurs projets et en offrant un accompagnement gratuit en droit de la propriété intellectuelle. On pourrait également imaginer des évènements, notamment lors des célébrations pour la Journée mondiale de la propriété intellectuelle, comme des consultations gratuites, des séminaires pratiques à destination des jeunes entrepreneurs. Je crois d’ailleurs que cela se fait déjà un petit peu, mais il serait bon que tout cela soit coordonné et harmonisé. Pour répondre à la seconde partie de votre question, le «plan d’action» peut sensiblement varier d’un projet à un autre. Cependant, la première des choses est de se faire accompagner par un véritable professionnel du droit de la propriété intellectuelle qui pourra guider le jeune entrepreneur à travers toutes les étapes de la protection de ses droits et lui éviter des déconvenues et des frais inutiles. Pour schématiser, en matière de marques, il est important avant de déposer sa marque de s’interroger déjà sur la validité du signe choisi : le signe est-il susceptible de constituer juridiquement une marque ? Le signe n’est-il pas descriptif ou déceptif des produits et services en cause ? Cette étape est essentielle, alors qu’elle permettra d’éviter que l’OMPIC rejette la marque sur la base de ce que l’on appelle dans notre jargon les «motifs absolus».
Ensuite, une précaution, trop rarement prise par les petites entreprises, est de procéder à une recherche d’antériorités afin de s’assurer que la marque que l’on souhaite déposer ne porte pas atteinte à un droit antérieur, tels une marque, une dénomination sociale, un nom commercial, etc. Là encore, il est important de se faire assister d’un véritable professionnel qui saura lire et interpréter les résultats de cette recherche d’antériorités au regard des critères du risque de confusion, de la pratique de l’OMPIC et de la jurisprudence des juridictions commerciales. Là aussi, cette étape est importante alors qu’elle permet d’éviter de sérieuses déconvenues et de se faire accuser de contrefaçon par la suite. Il y aurait encore beaucoup de choses à dire à cet égard. Pour les brevets, le raisonnement est le même. Il est, selon moi, essentiel de se faire assister par de véritables professionnels qui ont non seulement le bagage juridique, mais également des compétences scientifiques très pointues dans le domaine de l’invention que l’on souhaite breveter. Cela permet ainsi de s’assurer que l’invention est protégeable comme remplissant bien les conditions légales de nouveauté, d’activité inventive et d’application industrielle, et d’éviter donc d’engager des frais importants pour un projet voué au rejet. Le conseiller en propriété industrielle doit, avec son expertise, être notamment capable d’avoir un discours de vérité avec ses clients pour leur éviter des procédures et des frais inutiles.
F.N.H. :Quel regard portent les investisseurs étrangers sur le système de la propriété industrielle marocain ? Y a-t-il des points à améliorer pour en attirer davantage ?
Me D.S.Z. : D’une manière générale, les retours sont globalement positifs, avec néanmoins quelques bémols. De fait, si l’on compare le système marocain de la propriété industrielle et son office, l’OMPIC, à ce qui se fait dans les pays voisins, tels que l’Algérie ou la Tunisie, le constat est sans appel : nous offrons au Maroc un environnement bien plus satisfaisant. Cependant, je pense que l’on ne doit pas se reposer sur nos lauriers, mais au contraire viser les meilleurs standards et surtout les atteindre. D’ailleurs, le Royaume a expressément pris l’engagement, dans son accord d’association avec l’Union européenne (UE), d’atteindre le même niveau de protection de la propriété intellectuelle que celui de l’UE. Plusieurs pistes sont à explorer. La première, déjà mentionnée, est la formation au droit de la propriété intellectuelle. Il s’agit pour moi de la véritable pierre angulaire de tout le système. La deuxième tient à la sécurité juridique. Nous avons encore trop de décisions de l’OMPIC et des juridictions qui sont mal comprises par les usagers, étrangers ou marocains. Ici, je crois que la raison principale tient au manque de formation. Pour assurer une plus grande sécurité juridique, il nous faut impérativement des chambres spécialisées en propriété industrielle au sein des juridictions commerciales, qui soient compétentes pour ces litiges. Si nous avons des magistrats spécialisés, rompus aux subtilités de la propriété industrielle, nous pourrons alors avoir des décisions qui seront davantage prévisibles et mieux acceptées par les usagers. Une troisième piste tient au caractère souvent international du contentieux de la propriété intellectuelle. Pourquoi ne pas avoir une chambre internationale au sein de certaines juridictions commerciales qui serait compétente pour connaitre des litiges de propriété intellectuelle présentant un élément d’extranéité ? On pourrait s’inspirer ici de l’expérience de la chambre internationale du tribunal de commerce de Paris qui connaît un certain succès. Une autre piste tiendrait au transfert du contentieux de la validité de certains titres de propriété industrielle des juridictions commerciales vers l’OMPIC, et en particulier des marques et des dessins & modèles industriels. Cela permettrait de désengorger les tribunaux de commerce, de réduire les délais et d’avoir ces dossiers traités par des professionnels de la propriété industrielle que sont les agents de l’OMPIC.
Evidemment, in fine, il faudra prévoir un contrôle judiciaire afin d’éviter certaines dérives. Il est également indispensable que l’OMPIC se dote de davantage d’agents capables de traiter de tels dossiers. Ces expériences existent à l’étranger et il n’est pas interdit de s’en inspirer en gardant à l’esprit nos spécificités marocaines. Il y aurait encore beaucoup de choses à dire, mais je souhaite terminer par la question des sanctions pénales de la contrefaçon. Les peines d’amende et d’emprisonnement en matière de contrefaçon sont encore beaucoup trop faibles et très peu dissuasives. Quel message envoyonsnous aux investisseurs étrangers lorsqu’ils constatent que certains actes de contrefaçon sont moins sévèrement punis que le simple larcin qui est «la soustraction frauduleuse d’une chose de faible valeur appartenant à autrui» ? Doivent-ils comprendre que leurs droits de propriété intellectuelle sont moins importants qu’«une chose de faible valeur» ? Par ailleurs, la criminalité organisée s’empare de plus en plus de la contrefaçon puisqu’elle est très lucrative et beaucoup moins risquée que d’autres activités illégales «traditionnelles» beaucoup plus sévèrement sanctionnées, comme la traite des êtres humains ou le trafic de stupéfiants. En réalité, il nous faut de la compétence et de la cohérence, sans évidemment nier les importants efforts de l’OMPIC, de son directeur, du ministre de l’Industrie, et des magistrats, qui doivent être salués.
F.N.H. : Vous êtes conseiller en propriété industrielle inscrit sur la liste de l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale. Quel bilan en faites-vous et en quoi consiste votre rôle ?
Me D.S.Z. : La profession de conseiller en propriété industrielle est une profession réglementée par la loi n°17-97 sur la propriété industrielle. Son article 4.1 en donne la définition suivante : «Le conseiller en propriété industrielle a pour profession de fournir à titre habituel et rémunéré ses services au public pour conseiller, assister et représenter les tiers en vue de l’obtention, du maintien et de l’exploitation des droits de propriété industrielle». Il s’agit d’un interlocuteur privilégié de l’OMPIC. Il est l’interface entre les usagers qui ont recours à lui et l’administration. Nous travaillons quotidiennement avec l’OMPIC, que cela soit pour procéder aux dépôts des titres de propriété industrielle et aux renouvellements de ces titres ou pour les inscriptions sur les registres. Nous représentons également nos clients dans les procédures d’opposition en matière de marque devant l’OMPIC, soit en demande soit en défense, et contestons certaines décisions de l’OMPIC lorsqu’il refuse la délivrance de certains titres de propriété industrielle. A côté des diligences auprès de l’OMPIC pour le compte de nos clients, nous avons également une importante mission de conseil, notamment dans la stratégie de protection de leurs droits de propriété intellectuelle. S’agissant du bilan de cette jeune profession de conseiller en propriété industrielle, du moins telle qu’elle est dorénavant réglementée, il faut évidemment se féliciter de sa création. Cela rassure les usagers qui peuvent maintenant facilement identifier les spécialistes de la propriété industrielle qui doivent être les conseillers en propriété industrielle. Il existe actuellement une petite trentaine de conseillers en propriété industrielle inscrits auprès de l’OMPIC. Cependant, la profession est encore trop hétérogène, alors que de véritables spécialistes en la matière y côtoient des personnes sans véritable formation à la propriété industrielle. Ils l’ont apprise sur le tas sans bagage théorique et académique. Cela est dommage et trompe souvent les usagers qui pensent que tous les conseillers en propriété industrielle ont en commun un minimum de compétence. Pour y remédier, il faudrait bien sûr offrir une vraie formation au droit marocain de la propriété industrielle et revoir certaines conditions d’accès à la profession qui ne sont pas adaptées, notamment en matière de diplômes et d’expérience. J’ai coutume de dire que les tribunaux sont à l’image des avocats qui plaident devant eux. Il en va de même des offices de propriété industrielle qui sont à l’image des mandataires qui représentent leurs clients devant eux. Si l’on veut que l’OMPIC soit fort, compétent et respecté, ses conseillers en propriété industrielle doivent être irréprochables et compétents. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’Office européen des brevets à Munich est considéré comme l’un des meilleurs offices au monde. Il faut, en effet, voir la qualité et le niveau des mandataires en brevets européens. Il s’agit d’un cercle vertueux.
F.N.H. : Des réformes capitales ont été apportées dans le secteur de la propriété industrielle, depuis le Dahir du 23 juin 1916. Parlez-nous en ?
Me D.S.Z. : On fait souvent remonter l’avènement au Maroc de la propriété industrielle au Dahir de 1916. En réalité, dès la fin du XIXème siècle, une forme, certes imparfaite, de protection des marques existait déjà au Maroc en application d’un accord conclu avec la France en 1892 et d’une clause dite de la «nation la plus favorisée» contenue dans une convention dite de Madrid, signée en 1880. Surtout, cette protection était réservée à seulement certains ressortissants étrangers… En droit interne, nous retrouvons déjà une forme de protection des marques, sans distinction cette fois-ci avec le Dahir de 1913 formant code des contrats et des obligations. Celui-ci sanctionne, à son article 84, «le fait d'user d'un nom ou d'une marque à peu près similaire à ceux appartenant légalement à une maison ou fabrique déjà connue». Mais il est vrai que le Dahir de 1916 est la première législation moderne au Maroc en matière de propriété industrielle. Il est vrai que depuis le Dahir de 1916, que de chemin parcouru avec plusieurs évolutions notables et notamment l’entrée en vigueur de la loi n°17-97, plusieurs fois modifiée. Dans les grandes lignes, notre législation a incontestablement progressé avec notamment la protection des inventions de médicament, qui en étaient initialement exclues; l’introduction d’une procédure d’opposition en matière de marque (qui en réalité existait théoriquement déjà dans une loi de 1938 mais seulement dans la zone internationale dite de Tanger); l’examen par l’OMPIC de certaines conditions de validité des marques (appelés aussi les motifs absolus de refus) au moment du dépôt; celui également des inventions pour lesquelles un brevet est déposé, avec une réforme substantielle du droit des brevets à l’occasion de la signature d’un accord de validation des brevets européens au Maroc. Tout cela nous permet d’avoir une véritable législation moderne en droit des brevets. Il y a aussi la création de la profession de conseiller en propriété industrielle que nous avons évoquée ou encore l’ouverture à la protection de marques dites non conventionnelles, comme les marques multimédias, en supprimant l’exigence de représentation graphique des marques. Et le Maroc a été sur cette question précurseur et en avance sur les législations européennes, et notamment française. La prochaine grande réforme de la loi n°17-97 concernera certainement le transfert du contentieux de certains titres de propriété industrielle des juridictions vers l’OMPIC. Il faut l’espérer.
F.N.H. : La propriété industrielle, la législation sur la concurrence déloyale, le droit d’auteur et les droits voisins composent les droits de propriété intellectuelle. Quelle évaluation faites-vous aujourd’hui de la protection du droit d’auteur et du droit voisin ?
Me D.S.Z. : Nous avons au Maroc une législation sur le droit d’auteur qui est dans l’ensemble satisfaisante. Notamment depuis la récente réforme de la loi n°2-00 sur le droit d’auteur et les droits voisins par la loi n°66-19, qui a pris en compte l’environnement numérique. Elle a introduit un «droit de suite» pour les arts graphiques et plastiques, qui manquait cruellement dans notre législation. Si nous disposons d’outils en matière de droit d’auteur et de droits voisins, il est indéniable que cette matière est un peu le parent pauvre de la propriété intellectuelle au Maroc. Les auteurs et artistes saisissent peu les opportunités que la loi offre, certainement par lassitude ou par manque d’information, les tribunaux sont peu familiers de cette législation et les avocats spécialistes de la matière sont trop peu nombreux. Ici encore, à l’instar de la propriété industrielle, la propriété littéraire et artistique mérite une vraie offre de formation pour que tout son potentiel soit exploité. Il y a également un effort de pédagogie à faire auprès des citoyens. Nous avons au Maroc trop de tolérance pour la contrefaçon des droits d’auteur et les violations des droits voisins que cela soit pour la copie d’œuvres musicales ou cinématographiques ou encore pour la diffusion d’œuvres musicales dans les cafés et restaurants sans versement de la «rémunération équitable» au Bureau marocain du droit d’auteur (BMDA) qui la collecte pour le compte des artistes. Il s’agit pourtant de véritables vols de la propriété littéraire et artistique des auteurs et des artistes qui ont lieu sous nos yeux et dans une certaine indifférence générale.
F.N.H. : La digitalisation a complètement révolutionné le schéma traditionnel de la propriété intellectuelle en général et la propriété industrielle en particulier. Quelles sont les retombées futures de cette numérisation sur l’investissement national ?
Me D.S.Z. : C’est difficile à dire et à chiffrer. Ce qui est certain, c’est que nous assistons à une véritable révolution, surtout avec l’avènement de l’intelligence artificielle dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle est une «General Purposes Technology» (GPT) comme l’a été la machine à vapeur ou Internet en leur temps. Si l’on se concentre sur l’intelligence artificielle, force est de constater que beaucoup de monde en parle au Maroc et ailleurs, souvent avec exagération et non sans fantasmes, mais pratiquement personne au Maroc ne s’intéresse à cette révolution sous l’angle de la propriété intellectuelle, alors que de nombreux débats et travaux scientifiques sur la propriété intellectuelle et l’intelligence artificielle sont en cours dans de nombreux pays. Quid de la question des inventions assistées par un système d’intelligence artificielle ? De celle de la protection des «créations» générées par un système d’intelligence artificielle ? De la titularité des éventuels droits sur ces «créations» ? Du risque de contrefaçon d’œuvres préexistantes par ces «créations» générées par l’intelligence artificielle ? De l’exception dite de «data mining» ? Il faut espérer que nous ne serons pas au Maroc attentistes, mais nous positionner rapidement dans cette course mondiale à l’innovation, qui nécessite sans nul doute une législation adaptée.
F.N.H. : Quels sont les défis que doit relever la propriété intellectuelle au Maroc ?
Me D.S.Z. : Nous connaissons tous l’engagement du Royaume en matière d’énergies renouvelables et de protection de l’environnement. Là est l’un des prochains défis du droit marocain de la propriété intellectuelle. Yann Basire, éminent universitaire français, à la tête de l’un des plus prestigieux centres de propriété intellectuelle, le Centre d’études internationales de la propriété Intellectuelle (CEIPI), m’en parlait cette semaine encore. La question des liens entre protection de l’environnement et propriété intellectuelle est prise très au sérieux en Europe. Au Maroc, le sujet n’est que trop rarement abordé. J’assistais en avril dernier à une conférence en France sous le thème «Urgences écologiques : quel rôle pour la propriété industrielle ?». Et elle a incontestablement un rôle à jouer ! Il faut en effet avoir des réflexions sur les moyens de promouvoir les innovations dites «vertes» peut-être en adaptant un peu le droit des brevets pour leur permettre d’accéder plus facilement à la protection. On peut également s’interroger sur les liens entre droit des brevets et biodiversité. Il convient aussi de lutter efficacement contre le phénomène de «Green washing», qui est souvent trompeur pour le consommateur. Ici, c’est le droit des marques qui a un rôle à jouer. On peut, par ailleurs, s’interroger sur le sort des produits qui sont jugés contrefaisants et dont la destruction est ordonnée par les tribunaux, le plus souvent par incinération. Est-il «écologique» de brûler des milliers ou des millions de produits jugés contrefaisants ? Ces produits contrefaisants, s’ils ne présentent évidemment pas de danger pour les consommateurs, ne pourraient-ils pas avoir une seconde vie, après que les mentions litigieuses ont été enlevées, notamment pour les orphelinats, les écoles, les hôpitaux etc. Nous devons au Maroc aussi, mener de telles réflexions, et les conseillers en propriété industrielle doivent être en première ligne sur ces sujets.