Pascal Boniface, directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) et enseignant à l’Institut d’études européennes de l’Université de Paris VIII, était l’invité de l’Association pour le progrès des dirigeants pour parler des conséquences géopolitiques de la Covid-19.
La crise de la Covid-19 a suscité un grand débat sur le nouveau visage de l’économie de demain. Une économie qui serait plus renfermée sur elle-même suite à une relocalisation massive des multinationales vers leurs pays d’origine, notamment l’Europe et les Etats-Unis. Si certains ont d’ores et déjà entamé ce processus, d’autres sont actuellement en plein débat sur le pour et le contre de cette politique, ainsi que les alternatives qui se présentent à eux. Des alternatives pouvant pallier la forte dépendance des Chinois, surtout en ce qui concerne les matières premières.
Il s’agit à juste titre d’une réflexion sans précédent dans notre histoire contemporaine, porteuse de véritables mutations structurelles dans les relations internationales.
L’Association pour le progrès des dirigeants s’est penchée sur le sujet, avec comme invité Pascal Boniface, directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), enseignant à l’Institut d’études européennes de l’Université de Paris VIII, et sommité mondialement reconnue en matière de géopolitique et de relations internationales.
Parmi les problématiques relevées par l’expert lors de ce débat, c’est la montée de la puissance chinoise au détriment des États-Unis. Pour Pascal Boniface, la crise sanitaire n’est pas derrière ce changement mais n’a fait qu’accélérer cette perspective qui avait déjà débuté il y a quelques temps. «Avec la Covid-19, ce qui change c’est l’accélération du développement de la Chine. En effet, les Chinois sont en train de rattraper, voire de dépasser la présence américaine au sein du multilatéralisme. C’est dans la logique du président américain Donald Trump de s’attaquer à toutes les institutions internationales, dont dernièrement l’Organisation mondiale de la santé», rappelle-t-il
Il poursuit : «Le président en veut au système multilatéral et il veut le détruire, ou s’en détacher, et en faisant ça, les Etats-Unis se renferment sur eux-mêmes, s’isolent de plus en plus de la scène politique internationale, au moment où la Chine accroît sa position dans les différentes institutions internationales».
Un multilatéralisme mal gouverné
Concernant ce multilatéralisme, l’expert en géopolitique a remis en question la qualité de gouvernance du système multilatéral durant cette crise. Un système qui a notamment été marqué par le repli sur soi, et la prise de décisions unilatérales, surtout de la part des pays européens où les choix des politiques à prendre devaient normalement être conduits d’une manière plus unifiée».
«Cette crise a montré un écart entre la réalité de la globalisation et l’absence de gouvernance mondiale. On voit bien que les frontières ont réapparu suite à cette crise, même si elles ne seront pas durables, elles ont démontré qu’il y a une crise du multilatéralisme aujourd’hui et qu’il faut résoudre. Car le multilatéralisme est important, cela a pu se traduire par le suivi de cette crise de la part de l’OMS, qui donnait des indicateurs continus pour l’ensemble des pays. Il faut des instances multilatérales mais qui soient bien gouvernées», explique Pascal Boniface.
Par Badr Chaou