Offshoring : «La nouvelle offre vise à repositionner le Maroc non plus sur le coût, mais sur la valeur»

Offshoring : «La nouvelle offre vise à repositionner le Maroc non plus sur le coût, mais sur la valeur»

Des incitations fiscales, des primes à l’emploi et à la formation. Ce sont là les leviers qu’actionne le gouvernement pour consolider la position du Maroc dans les services externalisés au niveau mondial. Youssef Chraibi, président du groupe Outsourcia et président de la Fédération marocaine de l’externalisation des services (FMES), décrypte cette nouvelle «Offre offshoring Maroc».

 

Propos recueillis par Désy M.

Finances News Hebdo : Le secteur de l’offshoring existe au Maroc depuis un moment déjà. Pourquoi ce timing pour repositionner le secteur avec une nouvelle offre axée sur des métiers à haute valeur ajoutée ? Et quel est l’objectif poursuivi, selon vous, par cette nouvelle offre ?

Youssef Chraibi : Le timing n’a rien d’un hasard. Le secteur avait besoin d’un nouveau souffle. La concurrence s’intensifie, surtout en Afrique, avec des pays qui proposent des coûts de production très compétitifs, jusqu’à 3 fois moins couteux qu’au Maroc. Dans le même temps, les outsourceurs doivent aujourd’hui investir massivement dans l’IA, la data, l’automatisation. Ce virage technologique est coûteux, structurant et stratégique. Il fallait un accompagnement à la hauteur. La nouvelle offre vise justement à repositionner le Maroc non plus sur le coût, mais sur la valeur : celle du service haut de gamme, de la compétence hybride (humaine et technologique). C’est un plan de relance ciblé pour faire du Maroc un hub de services externalisés à haute densité technologique.

 

F. N. H. : Quand on parle d’offshoring, on voit tout de suite les centres d’appels. Pouvez-vous nous situer sur ce qu’englobe le secteur de l’offshoring et les métiers qu’il brasse  ? Et quels sont les leviers sur lesquels s’appuie cette nouvelle feuille de route pour permettre le développement de ce secteur ?

Y. Ch. : En effet, l’outsourcing, ce n’est pas qu’un casque et un script téléphonique. Il existe cinq écosystèmes bien distincts : • CRM : gestion de la relation client multicanal avec une part décroissante de la voix; • BPO : externalisation de processus métiers (RH, finance, supply chain); • ITO : services informatiques (support, dev, infra, cybersécurité); • ESO : externalisation de l’ingénierie (mécanique, électronique, design produit); • KPO : brain sourcing (Etudes, R&D). S’agissant de la feuille de route de la nouvelle offre Maroc de l’offshoring, plusieurs leviers ont été activés, notamment une prime à l’emploi de 17% du revenu brut annuel pris en charge par l’Etat pour chaque nouvelle embauche stable; une prime à la formation fixée à 3,5% du revenu brut annuel sur 5 ans pour les nouvelles recrues. De plus, la feuille de route prévoit la modernisation des plateformes industrielles intégrées (P2I offshoring) composées de zones clés en main, d’un guichet unique et des services mutualisés. En parallèle, les délais d’installation seront raccourcis de 5 à 25 jours pour être opérationnels, avec une gouvernance transparente régie par un pilotage public/privé, des indicateurs de performance ainsi que des engagements contractuels. En gros, c’est un dispositif inédit, complet, généreux, avec une vision et des moyens.

 

F. N. H. : La circulaire parle de la création de 130.000 emplois additionnels, dont 50.000 dès 2026. Ces objectifs vous paraissentils réalistes à la lumière des difficultés actuelles de recrutement, des salaires en hausse et de la pénurie de profils qualifiés ?

Y. Ch. : C’est ambitieux, mais pas irréalistes à condition de respecter deux règles simples, à savoir  la mise en œuvre des mesures dans des délais courts et s’assurer d’un fonctionnement efficace et fluide du dispositif de soutien. Pas de promesses sans décaissement. Il faut préciser que le vivier de talents existe. Le problème n’est pas l’offre, le vrai risque est l’immobilisme. Avec un accompagnement ciblé, une formation rapide, une reconversion, une montée en compétence et une mécanique de soutien qui tient ses engagements, ces objectifs pourraient être atteints. Ce qui tuerait la dynamique, ce serait des lenteurs, des blocages ou une confiance entachée par des engagements non tenus, comme cela a été souvent le cas lors des précédents dispositifs.

 

F. N. H. : Le Maroc doit aujourd’hui rivaliser avec l’Europe de l’Est, l’Afrique du Nord ou l’île Maurice. Quelles sont, selon vous, les forces du Maroc à préserver et les faiblesses à corriger rapidement pour rester compétitif ?

Y. Ch. : Nos forces sont là et elles sont solides. Le Maroc possède une proximité stratégique immédiate avec l’Europe, un fuseau horaire optimal, une maind’œuvre multilingue (Une dizaine de langues proposées), une stabilité politique rare dans la région et un savoir-faire éprouvé du bassin de l’emploi et des acteurs leaders établis depuis plus de 20 ans. Mais ce qu’il faudra vite corriger, c’est,  primo, la pénurie de ressources avec des lacunes en termes de soft skills, mais également un manque de talents IT,  notamment des profils spécialisés en data, IA, cybersécurité. Et on ne formera pas 50.000 personnes avec des généralités. Secundo, l’attractivité des régions, hors de l’axe CasablancaRabat, qui reste sous-exploitée. Et tertio, l’efficience de déploiement des précédents dispositifs de soutien ayant découragé certains acteurs. C’est une compétition à très haut niveau. On ne peut pas y aller à moitié.

 

F. N. H. : Qu’attendezvous de l’implémentation de cette feuille de route, notamment en termes d’accompagnement à la montée en compétence et à la reconversion des collaborateurs dont les métiers sont menacés par l’automatisation et l’IA ?

Y. Ch. : L’IA ne va pas supprimer les métiers. Elle va les transformer. Ce qui sera remplacé, ce sont toutes les tâches inutiles sans valeur ajoutée humaine. Mais les bons profils, eux, peuvent devenir  coachs de bots, designers de parcours clients automatisés, formateurs d’IA conversationnelle, etc. Ce que j’attends en tant que président de la FMES, c’est un plan de reconversion ciblé. Pas de grandes formations théoriques, mais des modules courts, pratiques, co-construits avec les opérateurs. Il faut aussi créer des filières hybrides : IA + relation client, data + qualité, etc. Pour conclure, je réponds souvent que l’IA ne va pas remplacer nos talents. Ce sont nos talents qui utiliseront l’IA qui remplaceront ceux qui pensent pouvoir lui résister. À nous de former, d’accompagner, et de faire émerger cette nouvelle génération. Les entreprises qui investissent le plus dans l’IA seront paradoxalement celles qui créeront le plus d’emplois.

 

 

 

 

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