Numérisation de la santé : «Notre ADN est basé sur l'innovation»

Numérisation de la santé : «Notre ADN est basé sur l'innovation»

Créée en 2020, Blink Pharma a pour vocation de fluidifier les transactions entre les professionnels de santé. Cette solution évite les ruptures de stock et les retards de livraison. Entretien avec Dr Ali Sami, PDG de Blink Pharma.

 

Propos recueillis par Ibtissam Z.

Finances News Hebdo : Tout d’abord, parlez-nous de Blink Pharma et quel bilan faites-vous 4 ans après sa création ?

Dr Ali Sami : Blink Pharma se développe très bien. Nous nous définissons comme un studio digital et avons pour objectif de lancer 4 à 5 solutions innovantes par an pour le secteur pharmaceutique. Parmi ces solutions, nous avons intégré l'intelligence artificielle (IA) dans plusieurs de nos produits. Nous sommes donc heureux d'avoir réussi le lancement du premier logiciel pour pharmacies qui intègre le scanner des bons de livraison assisté par l'IA, pour débarrasser le pharmacien de la fastidieuse tâche de saisir manuellement des informations telles que les quantités, les prix et même les dates de péremption. Nous lançons aussi des solutions pour l'industrie pharmaceutique à partir de ce mois, comme l'intégration par l’IA des bons de commande des grossistes dans les ERP de type Sage X3 ou SAP des établissements pharmaceutiques industriels (EPI). Ceci diminue le temps de traitement des commandes de 200% et fluidifie la chaîne logistique de livraison. L'avantage de ce système est que nous l'implémentons sans changer les habitudes des grossistes, puisque l'utilisateur ne se rend même pas compte que la commande est traitée par l'IA. Enfin, nous lançons un système intégré en faveur des EPI pour surveiller les ruptures de stock de médicaments chez les grossistes, publier en temps réel les offres et marchés pour les pharmacies directement depuis le laboratoire, authentifier les transactions pour le compte du laboratoire, mais aussi calculer les compensations financières entre les EPI et les grossistes pour cascader les conditions commerciales vers l'officine.

 

F.N.H. : Vous lancez très prochainement le premier référentiel du médicament au Maroc. Comment l’idée a-t-elle émergé et quelles sont vos ambitions actuelles ?

Dr A. S. : Effectivement, au cours des trois dernières années, nous avons réussi à mettre en place la meilleure base de données de médicaments au Maroc pour le compte de nos clients. La richesse des informations et la précision des données dont nous disposons sont inégalées. Au départ, nous souhaitions mettre ces données à la disposition des pharmacies clientes seulement, mais par la suite, nous avons décidé d’ouvrir le système gratuitement à tous les professionnels de santé pour contribuer à un meilleur usage du médicament. Nous avons donc lancé la version professionnelle de MedIndex début mai. Elle permet aux logiciels hospitaliers de vérifier les indications, les doses et les interactions médicamenteuses pour permettre une prescription sécurisée en temps réel. Nous commercialisons aussi MedIndex pour les assurances qui souhaitent vérifier le statut de remboursement et les différentes classifications. C’est une première au Maroc, puisque c’est la première base de données de médicaments interopérable avec tous les logiciels de prescription. Et dans quelques jours, nous allons ouvrir notre base de données gratuitement à tous les pharmaciens, médecins et autres professionnels de santé via nos applications web ou mobiles.

 

F.N.H. : Comment l’IA a-t-elle contribué à faire avancer votre solution numérique conçue pour les professionnels de la santé ?

Dr A. S. : Notre ADN est basé sur l'innovation, contrairement aux autres acteurs qui ont longtemps basé leurs solutions sur les technologies usuelles. Chez Blink Pharma, nous adoptons des technologies avant-gardistes, et avons adopté l'IA en interne depuis deux ans déjà. Nos équipes de développeurs font appel à l'IA chaque jour pour améliorer le design et l'architecture de nos solutions, mais depuis cette année, nous essayons d'offrir la puissance de l'IA à nos clients, et souvent nos clients ne savent même pas que la performance obtenue par les solutions que nous offrons est basée sur l'IA. Par exemple, nous arrivons à intégrer les bons de livraison dans n'importe quel logiciel, quels que soient le produit, le fournisseur ou la technologie du pharmacien. Il y a deux ans, ceci aurait été un doux rêve.

 

F.N.H. : Sur quel modèle économique repose Blink Pharma ?

Dr A. S. : Blink Pharma, comme n’importe quelle entreprise, essaie de générer des revenus en offrant des services performants aux clients. Pour le moment, nous avons un schéma classique de vente de produits et services en B2B ou en B2C. Toutefois, nous passons cette année à la distribution digitale de certaines solutions, comme le ferait réellement une entreprise digitale. Certaines solutions sont basées sur le volume de consommation des données, comme par exemple nos API pour l’accès à la BDD MedIndex, et d’autres sont des forfaits mensuels ou annuels.

 

F.N.H. : Vous avez noué plusieurs partenariats, dont un avec la Banque africaine de développement à travers une levée de fonds. Expliqueznous le rôle de ce genre de coopération dans l’émancipation de Blink Pharma ?

Dr A. S. : La BAD n’investit pas directement dans Blink Pharma, mais elle passe par un véhicule d’investissement comme notre fonds d’investissement. Il s’avère que parmi les objectifs de Blink Pharma, figurent une meilleure gestion de la chaîne d’approvisionnement du médicament, une meilleure prescription ainsi qu’un meilleur accès. Ces objectifs correspondent parfaitement à la raison d’être de la BAD, comme contribuer à faire avancer les systèmes de santé en Afrique par exemple. D’autres partenaires importants contribuent au financement de l’innovation de Blink Pharma à travers un fonds d’investissements, Azur Innovation Fund. Les levées de fonds pour les startups sont vitales, puisque la construction de systèmes informatiques avancés est très gourmande en capital, et le retour sur investissement (ROI) se fait beaucoup plus à moyen terme. Ceci ne correspond pas aux critères des financements bancaires classiques qui cherchent un ROI plus faible mais moins risqué, alors que les VC tablent sur des ROI plus importants.

 

F.N.H. : Quelle est la prochaine étape que vous comptez franchir pour un plus grand développement de votre entreprise ?

Dr A. S. : Notre ambition première est d’aider à réussir la digitalisation du système de santé au Maroc d’abord, puis exporter notre modèle à tous les pays similaires. C’est pour accompagner les évolutions de notre système sanitaire que nous mettons la BDD MedIndex en ligne. C’est vraiment la seule base de données qui permet d’avoir toutes les informations nécessaires sur un médicament, depuis les mentions légales aux notices patients, en passant par les différentes classifications comme la classification NFC, DDD ou encore la classique ATC. Nous allons aussi intégrer les recommandations des différentes guidelines ainsi que des abaques de calcul de dose pour aider les prescripteurs à mieux cadrer leurs ordonnances. Mais certains de nos produits sont exportables vers d’autres pays, et nous avons bon espoir de déployer quelques-unes de nos solutions dans les pays similaires dès début 2025. Nous travaillons d’arrache-pied pour offrir par exemple aux pharmaciens un compagnon basé sur l’IA qui les aide à prendre les bonnes décisions face au client et aux fournisseurs grâce à nos solutions analytiques très puissantes. 

 

 

 

 

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