La réussite de mégaprojets en Afrique exige, entre autres, une bonne compréhension de la culture locale, la formation et le développement des compétences, en plus du recours à des financements innovants.
Par M. Ait Ouaanna
Ligne à grande vitesse, centrale solaire Noor de Ouarzazate, pont Mohammed VI de Rabat, complexe portuaire de Tanger Med, gazoduc Nigeria-Maroc, interconnexion des bassins hydrauliques de Sebou et de Bouregreg… Ce sont de nombreux mégaprojets qui sont réalisés ou en cours au Maroc, dans divers domaines. D’autres pays africains s’engagent dans cette même voie, mais les défis à relever demeurent multiples.
Défis sociaux et politiques, problèmes de financement, manque de technologies et de compétences avancées, faiblesse des infrastructures… Il s’agit là de certaines parmi les nombreuses difficultés qui entravent dans certains cas la réalisation de mégaprojets en Afrique. Ces projets à investissement extrêmement important ont le potentiel de contribuer au développement économique et social du continent et participent grandement à la création d’emplois et à la stimulation de la croissance économique.
Lors d’un panel intitulé «Mégaprojets dans les infrastructures», organisé dans le cadre de la 4ème édition du Choiseul Africa Business Forum, les différents intervenants ont mis l’accent sur l’impact significatif de ces projets au niveau du dispositif économique d’un pays. Ils ont également souligné les différentes problématiques qui peuvent se poser lors de la réalisation de ces projets d’envergure. Dans ce sens, Hamza Kabbaj, Directeur général de la Société générale des travaux du Maroc, a relevé la nécessité de comprendre la culture de la région qui abritera le projet, notant qu’au sein de chaque pays, il existe de nombreuses spécificités qui doivent être prises en compte.
«Il faut d’abord comprendre la culture locale, cela va nous faire éviter de très grands blocages qui peuvent arriver à tout moment. Aujourd’hui, par manque de communication, les mouvements sociaux peuvent mettre fin à un grand projet avant même son démarrage. Avoir une vraie ligne de communication permet d’avancer plus rapidement. Ainsi, il est très important de trouver les bons influenceurs qui vont capter votre message et les avantages que ce grand projet va apporter aux populations», explique-t-il.
S’exprimant sur les difficultés liées au financement des mégaprojets, Hamza Kabbaj a donné l’exemple du projet de l’autoroute de l’eau, révélant que le recours à un financement innovant lui a permis d’avancer plus rapidement que prévu. «Nous venons de livrer un mégaprojet d’une importance énorme, celui du transfert de l’eau qui va alimenter les villes de Casablanca et Rabat en eau potable. Nous avons réalisé un pipeline de pratiquement 80 kilomètres en moins de 10 mois. Le principal challenge était de trouver facilement les moyens financiers nécessaires pour la réalisation de ce projet. Le process gouvernemental de levée des fonds ne répondait pas à notre besoin, du coup, nous avons monté un emprunt obligataire sur le marché de la dette privée qui alimente une SPV (Special Purpose Vehicle), pour pouvoir donner au gouvernement le temps de trouver lui-même les financements. Nous avons réussi à lever les fonds en deux mois et le projet a été mis en route le mois d’août dernier. Les cabinets d’études et les consultants internationaux estimaient que ce projet ne peut pas être réalisé en moins de 3 ou 5 ans, mais avec beaucoup de volonté, nous avons pu le faire en 10 mois», se réjouit-il.
De son côté, Ranti Akindes, Directeur général de la Société des infrastructures routières et de l'aménagement du territoire (SIRAT) au Bénin, a assuré que les compétences jouent un rôle crucial dans le succès de tout mégaprojet. «Il faut s’assurer que les compétences que nous mettons face aux divers challenges soient appropriées au projet, c’est extrêmement essentiel et ça nous fait gagner beaucoup de temps», note-t-il.
Dans la même veine, Reda Boulos, Directeur général chez Egyptian African Arab Co. for Development (EGAAD), a souligné : «En Egypte, nous avons exigé un transfert de compétences des sociétés européennes et la participation de sociétés locales dans les mégaprojets égyptiens. C’est ainsi que nous avons pu créer des champions égyptiens qui peuvent aujourd’hui contribuer à la réalisation de mégaprojets en Afrique». Par ailleurs, Reda Boulos a mis la lumière sur le problème des infrastructures en Afrique, indiquant que cela augmente considérablement le coût de mobilisation et rend certains projets non bancables, d’où la nécessité d’investir dans ce domaine.