Le Maroc et l'Espagne entretiennent des relations économiques étroites, caractérisées par une coopération croissante dans divers secteurs, notamment l’agriculture. Le Maroc est le 2ème partenaire non-européen et le 1er partenaire africain de l’Espagne.
Par M. Ait Ouaanna
Ce n’est pas un hasard si le Maroc a choisi l’Espagne comme pays à l’honneur lors de la 16ème édition du SIAM, l’un des plus grands événements mondiaux dédiés à l’agriculture. Il s’agit plutôt du reflet d’une collaboration fructueuse entre les deux pays, notamment dans les domaines de l'agriculture, des ressources en eau et de l'environnement. Cette désignation témoigne également de l'engagement continu du Royaume à renforcer et approfondir ces liens multidimensionnels, particulièrement en matière de coopération économique et commerciale.
Au cœur des échanges entre ces deux nations voisines, l'agriculture s'impose comme un élément crucial, formant ainsi le socle de leur développement mutuel. Étroitement liés par la proximité géographique et le climat méditerranéen similaire, le Maroc et l’Espagne partagent des systèmes agricoles confrontés aux mêmes défis, tels que la gestion de l'eau, les conditions climatiques changeantes et la concurrence mondiale.
En effet, les échanges commerciaux entre Rabat et Madrid ont atteint un niveau remarquable en 2023, s'élevant à 17,4 milliards d'euros, soit une augmentation de 7% par rapport à l'année précédente. S’agissant des exportations des fruits et légumes du Maroc vers l’Espagne, ceux-ci ont connu une croissance fulgurante, affichant une hausse significative de 45% pour s’élever à 1,43 milliard de DH en janvier 2024. Cette même tendance se dessine au niveau des départs des ouvrières saisonnières agricoles vers l’Espagne qui évoluent positivement. Cette année, pas moins de 16.000 femmes marocaines issues du milieu rural de toutes les régions du Maroc, ont bénéficié de l'opportunité de travailler en Espagne dans les régions de Huelva, Albacete, Ségovie et Cantabrie pour une durée allant de 3 à 9 mois.
Cette opération, qui s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord bilatéral entre le Maroc et l’Espagne, en matière de main-d'œuvre, signé le 25 juillet 2001, est encadrée notamment par l’Anapec. Néanmoins, les relations agricoles entre Rabat et Madrid sont parfois sujettes à des turbulences. Tout au long du premier trimestre de l’année en cours, des agriculteurs espagnols se rassemblaient au niveau des autoroutes, bloquaient la circulation et allaient même jusqu’à déverser des cargaisons de fruits et de légumes en provenance de pays extraUE, dont, et surtout, le Maroc. Et pour cause, ces agriculteurs voient en leurs homologues marocains des concurrents déloyaux dont les produits ne répondent pas aux exigences réglementaires de l’Espagne.
Une accusation vivement contestée par la partie marocaine, notamment la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (Comader) et l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), qui ont défendu bec et ongles la qualité des produits exportés par le Royaume. En revanche, ce qui compte le plus, c’est que les deux pays réussissent, presque toujours, à surmonter ces blocages et tensions, et à maintenir des relations agricoles fonctionnelles. Dans une interview accordée à la MAP à la veille de l’ouverture du SIAM, le ministre espagnol de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Alimentation, Luis Planas, a souligné que «la coopération entre les deux pays se développe constamment, avec une augmentation très significative des échanges commerciaux qui ont connu une hausse de 40% durant les cinq dernières années. Cela a permis ainsi à l'Espagne de se hisser au rang de premier partenaire commercial du Maroc, résultat dont nous sommes très fiers».
Dans le même ordre d’idées, Luis Planas a fait état du développement remarquable des échanges agroalimentaires. «Les exportations de l'Espagne vers le Maroc ont atteint 1,155 milliard d'euros, un chiffre qui a plus que doublé durant les quatre dernières années, ce qui reflète clairement le niveau de progression dans ce domaine, mais qui reste toutefois en deçà de nos aspirations», s’est-il félicité. S’agissant des investissements espagnols dans le domaine agricole au Maroc, Planas a relevé que l'Espagne est très présente au Maroc à ce niveau là, notant que cette année, 35 entreprises espagnoles participent au SIAM. «Les exportations espagnoles ont progressé à un rythme soutenu grâce, d’une part, à la compétitivité des produits espagnols et, d’autre part, au processus d'ouverture du pays et sa position en tant que destination attractive pour les investissements étrangers. En 2023, les exportations espagnoles des produits agroalimentaires et de la mer vers le Maroc constituent 1,6% du total des exportations ibériques, alors que celles du Maroc vers l'Espagne représentent 3,9% des importations espagnoles. Nous sommes le premier partenaire commercial du Maroc et nous pouvons améliorer encore plus les échanges et les investissements dans des projets agricoles innovants à travers une utilisation plus intelligente des ressources, en particulier de l'eau», a-t-il détaillé.
Par ailleurs, les rapports entre les deux nations ne se limitent pas à l'agriculture, mais s'étendent également à d'autres secteurs avec succès. En plus des produits agroalimentaires, les échanges commerciaux entre Rabat et Madrid couvrent le matériel électronique, les produits de confection féminine, les équipements, les composants et accessoires automobiles, ainsi que les combustibles et lubrifiants. De surcroît, les deux pays ont renforcé leur coopération en matière de lutte contre la migration irrégulière, de manière significative au cours de ces dernières années.
Cette collaboration a permis en 2023 de contrecarrer plus de 27.000 tentatives de migration vers l’Espagne. Que ce soit sur le plan économique ou politique, le Maroc et l’Espagne entretiennent des liens profonds façonnés par la proximité géographique et culturelle entre les deux nations. Ces liens devraient se renforcer dans les années à venir grâce à la co-organisation avec le Portugal, de la Coupe du monde 2030. Au-delà de l'aspect sportif, cela témoigne d'une vision partagée pour un avenir où la collaboration transfrontalière est essentielle pour relever les défis communs et promouvoir le développement socioéconomique.