◆ L’autorité morale et institutionnelle du Roi permet de fédérer les différents acteurs et intervenants.
◆ La stabilité politique ne peut perdurer sans un développement économique ou social.
◆ Le point avec Mohamed Amrani, économiste et professeur universitaire.
Propos recueillis par C. Jaidani
Finances News Hebdo : Durant les 21 ans de règne du Roi Mohammed VI, le Souverain a fait du développement économique un axe central pour assurer l’essor du pays. Comment jugez-vous le bilan des réalisations du Maroc à ce niveau ?
Mohamed Amrani : Depuis son accession au Trône en 1999, SM le Roi a donné un véritable coup d’accélérateur aux chantiers structurants, notamment les infrastructures de base. Cela est visible au niveau des différents secteurs comme les routes, les autoroutes, les barrages, les ports, les aéroports sans oublier la généralisation de l’électrification rurale et l’accès à l’eau potable. L’Etat a consenti beaucoup d’efforts pour renforcer le nombre des hôpitaux, des écoles et des universités.
Il faut noter que sur le plan institutionnel, de nouveaux organismes ont été créés comme la Conseil économique, social et environnemental (CESE), le Conseil de la concurrence, la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA). Plusieurs réformes ont été initiées, permettant au Maroc d’améliorer sensiblement son classement dans le Doing Business. Il occupe actuellement la 53ème position et vise le top 50 à l’horizon 2021.
F.N.H. : Mais ce développement n’a pas réduit les inégalités sociales et régionales. Quelle est votre analyse ?
M. A. : Plusieurs économistes marocains et étrangers ont relevé depuis des années que la croissance est insuffisante pour résorber les différents déficits et inégalités. C’est un constat commun à tous les pays émergents. Outre sa faiblesse, elle est fluctuante et dépendante des aléas climatiques. Si la croissance est également déterminante pour réduire ces disparités, il faut d’autres facteurs d’accompagnement. La Chine, par exemple, qui a un système très centralisé et qui réalise des croissances en moyenne de plus de 6%, n’arrivent toujours pas à réduire ce genre de disparités. La région du Tibet est dépourvue d’infrastructures de base et la majorité de la population vit dans la vulnérabilité.
S’il y avait une volonté politique, la situation se serait nettement améliorée. C’est pour dire qu’il est essentiel d’accélérer certains projets comme la régionalisation avancée pour donner une nouvelle impulsion aux zones défavorisées. Les ressources mises à la disposition des conseils régionaux doivent augmenter de manière conséquente, afin de leur permettre de réaliser des actions d’envergure en matière de développement économique, social, culturel et environnemental. Et de prendre en considération les réalités qui existent sur le terrain, notamment le potentiel fiscal, le pouvoir d’achat des citoyens, l’aptitude d’expansion des entreprises, le climat des affaires et l’environnement économique. Les inégalités sociales ne peuvent être réduites sans une équité fiscale pour assurer le transfert de revenus des nantis vers la population démunie.
F.N.H. : Malgré la Constitution de 2011 qui a donné plus de pouvoir à l’Exécutif, le Roi intervient dans plusieurs domaines, y compris le volet économique. Quelle lecture en faites-vous ?
M. A. : Dans le cadre des attributions que lui confère la Constitution de 2011, le Roi joue son rôle de garant des équilibres et de père de la nation. La stabilité politique ne peut perdurer sans un développement économique ou social. L’interventionnisme royal s’explique par plusieurs raisons. Son autorité morale et institutionnelle lui permet de fédérer les différents acteurs et intervenants, de mobiliser facilement les fonds nécessaires, d’éviter la bureaucratie et la lourdeur de la procédure.
Plusieurs projets de grande envergure n’auraient vu le jour sans l’implication personnelle du Roi, à l’image des usines de Renault à Tanger et de PSA à Kénitra. L’action du Roi est également perceptible dans l’implantation ou l’expansion des groupes marocains à l’international, notamment en Afrique.