Le World Economic Forum (WEF) a entamé mardi à Davos, en Suisse, sa 50ème édition, dominée par la question climatique dans le contexte de la mobilisation internationale face aux défis environnementaux et écologiques.
A la suite des controverses l'an dernier liées à l’usage de jets privés par le «club des riches», le patron du WEF, Klaus Schwab, a encouragé cette année les participants à recourir aux transports moins polluants, le train par exemple en leur promettant 50% de rabais sur le prix du billet.
Pour donner l'exemple, le Forum a promis la mise en service des véhicules électriques à l'occasion de sa réunion annuelle, alors que la journée de mercredi a été déclarée par le WEF journée sans viande, pour rappeler que sa production est une source de pollution. Pour les autres jours, il a été recommandé aux traiteurs de ne pas servir du caviar et du foie gras.
Selon une enquête du WEF, quelque 750 responsables politiques et économiques classent les crises environnementales (météo extrême, perte de biodiversité...) en tête des risques mondiaux jugés les plus probables, une perception qui commence à avoir des conséquences sonnantes et trébuchantes : le gestionnaire d'actifs BlackRock, monstre financier pilotant 7.000 milliards de dollars, a annoncé la semaine dernière vouloir devenir un leader des investissements durables. L'annonce pourrait faire des émules, à l'heure où se précise l'évaluation des coûts du changement climatique.
De son côté, la Banque de règlements internationaux (BRI) a dévoilé lundi à Zurich un rapport dans lequel elle affirme que le changement climatique pourrait déclencher des événements susceptibles de déstabiliser le système financier.
Entre les dommages économiques et les pertes non-assurées, les risques climatiques sont susceptibles de se muer en «cygne vert», a averti la banque, en référence au concept de «cygne noir» développé en 2007 par le philosophe et ancien courtier Nassim Nicholas Taleb. Un «cygne noir» dans le monde de la finance est un événement rare, très improbable, imprévisible, et aux conséquences dévastatrices.
Selon un rapport dévoilé lundi par le WEF et le cabinet PwC, plus de la moitié de l'économie mondiale dépend de la nature et des écosystèmes.
Pour autant, des ONG présentes à Davos se gardent de tout triomphalisme. Dans un rapport intitulé «C'est le secteur financier, imbécile», Greenpeace a pointé la responsabilité d'un nombre d'entreprises du secteur financier régulièrement présentes à Davos et qui investissent sans relâche dans les industries extractives, alors que les énergies fossiles - charbon ou pétrole notamment - sont parmi les principaux émetteurs de gaz à effet de serre.
Selon l'ONG, dix banques régulièrement présentes au WEF ont à elles seules financé entre 2015 et 2018 le secteur des énergies fossiles à hauteur de 1.000 milliards de dollars.
Cette somme équivaut grosso modo à la capitalisation boursière d'un géant du numérique comme Apple, ou au risque financier lié aux impacts climatiques pesant sur 215 des plus grandes compagnies mondiales lors des cinq prochaines années, selon l'ONG, qui se base sur la compilation de documents déjà publics.
Côté fonds de pension, trois de ceux présents à Davos l'an dernier - celui des enseignants de la province canadienne de l'Ontario, le Canada Pension Plan Investment Board et PensionDanmark - détiennent pour 26 milliards de dollars dans les compagnies pétrolières Shell, Chevron ou Exxon, et dans diverses banques finançant l'exploitation des énergies fossiles. Somme à peu près équivalente à l'introduction en bourse l'an dernier du géant pétrolier saoudien Aramco, la plus importante jamais réalisée.
Greenpeace dénonce enfin le soutien de grands assureurs mondiaux aux projets, notamment charbonniers, qui ne pourraient se faire sans leur garantie, pointant notamment AIG, Prudential, Sompo, Tokio Marine ou Lloyds.
Selon l'ONG, ces entreprises reproduisent ainsi les comportements ayant mené à la grande crise de 2007/2008 notamment liée aux subprimes, lorsque «les acteurs financiers cherchant le profit à court terme n'ont pas saisi ou ont ignoré les risques».
Dans son intervention mardi à l’ouverture des travaux de cette édition du forum de Davos, la militante du climat Greta Thunberg a déploré que "rien n'ait été fait" pour le climat en dépit de tous les discours en faveur de l'environnement.
Certes, «le climat et l'environnement sont un sujet d'actualité aujourd'hui», mais «en pratique, rien n'a été fait», «les émissions de CO2 n'ont pas diminué», a martelé la jeune Suédoise devant les grands patrons et responsables politiques réunis jusqu'à vendredi dans la station de ski suisse.
Genève, 21/01/2020 (MAP)