L’après Covid-19 : Pourquoi la lutte contre l’informel est une priorité

L’après Covid-19 : Pourquoi la lutte contre l’informel est une priorité

 

La crise sanitaire a révélé qu’une bonne partie de la population vulnérable opère dans l’économie informelle.

Le retard dans l’activation du registre national unique a un coût important.

L’encadrement de l’économie souterraine devrait donner un coup de pouce à l’économie nationale.

 

Par C.J

 

L a pandémie de Coronavirus a révélé au grand jour les limites du système socioéconomique marocain. Parmi les défaillances relevées figure notamment la présence d’un important secteur informel où opère une population des plus vulnérables. Il n’existe à ce jour aucun recensement précis de cette catégorie, mais uniquement quelques estimations approximatives. Pour débloquer l’aide à ces personnes, le gouvernement n’avait d’autre choix que de se baser sur la liste des citoyens inscrits au Ramed.

«Le gouvernement était dans l’obligation de lancer les aides et d’une façon urgente. Il avait moins de trois semaines pour fixer le nombre de la population cible et la méthode de distribution de l’argent. La liste du Ramed était la seule disponible. Totalement digitalisée, elle est pratique pour pouvoir distribuer les fonds via le réseau bancaire ou les autres canaux de distribution. Cette liste présente par ailleurs une certaine logique par rapport aux objectifs de l’Exécutif», argumente Mohamed Amrani, professeur à la Faculté d’économie et de droit de Casablanca. Toutefois, force est de constater que des milliers de personnes risquent d’être exclues de la vaste opération de soutien de l’Etat, car elles ne sont inscrites ni à la CNSS ni au Ramed.

Un véritable embarras que l’exécutif essaie de remédier en cherchant des solutions pratiques. «La Maroc paie les frais du retard pour lancer le registre national unique au profit de la population vulnérable. Depuis le gouvernement Jettou, l’intention de disposer de ce genre de dispositif existait. 13 ans après, il est toujours dans la phase d’ajustement et son lancement est à chaque fois différé pour une raison ou une autre. Des pays, notamment d’Amérique latine, ont lancé leur projet bien après le Maroc et le système est déjà opérationnel offrant des résultats tangibles», souligne Amrani.

En effet, si le registre national unique avait été mis en place, le gouvernement n’aurait trouvé aucune difficulté pour venir en aide aux nécessiteux. Le système permettrait également, à travers l’aide directe, de lutter contre la déperdition scolaire et le contrôle de la santé des familles vulnérables, surtout dans le milieu rural, puisque l’aide directe serait conditionnée à l’observation de certaines conditions en matière de scolarité des enfants et leur santé. Pour l’Etat, l’entrée en vigueur de ce registre devrait surseoir définitivement au budget alloué à la compensation, qui pourrait servir à d’autres dépenses plus porteuses comme l’investissement.

 

Structurer l’informel

Au-delà de l’aspect social, la crise du Covid-19 a révélé que la restructuration du secteur informel doit être une priorité de l’après-confinement du fait que ces activités contribuent à l’économie nationale à hauteur de 20% du PIB hors secteur primaire (selon une étude de la CGEM).

Selon le haut-commissariat au Plan (HCP), la population exerçant dans l’informel est estimée à 2,4 millions de personnes. Elle est répartie essentiellement entre le textile et l’habilement, le transport, le BTP, le tourisme, l’industrie agroalimentaire, des activités fortement impactées par la crise sanitaire. La qualité de l’emploi se caractérise par la précarité, l’instabilité et des revenus le plus souvent faibles.

 L’Etat a tout à gagner en restructurant l’informel puisqu’il devrait générer à terme des ressources fiscales et parafiscales. Ces entreprises, pour la plupart des TPME, devraient gagner en matière de rentabilité et aussi de visibilité au niveau de l’investissement et de l’exploitation. Cela leur permettrait d’être éligibles au crédit et de soumissionner aux marchés publics et privés. La restructuration de ces entreprises devrait également assainir le marché des pratiques illégales, comme la concurrence déloyale ou la contrebande. Les consommateurs en profiteront également, puisqu’ils auront à leur disposition des produits répondant aux normes de qualité et de contrôle d’hygiène.

«Le gouvernement doit revoir les incitations pour séduire les personnes opérant dans l’informel, en mettant en place une fiscalité attractive et d’autres mesures à cadre réglementaire», explique Amrani. La CGEM a déjà élaboré des pistes de réflexion pour encadrer l’économie souterraine. On peut citer l’intégration progressive des unités de production, la fermeté des autorités contre les unités présentant des risques pour les consommateurs et la lutte contre la corruption. Il est plus que temps de résoudre, une fois pour toutes, cette problématique que le Maroc traîne comme un boulet depuis tant d’années. ◆

 

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