◆ Malgré les difficultés, la plateforme aéronautique marocaine a des atouts indéniables pour sortir gagnante de la crise.
◆ Le point avec Karim Cheikh, président du Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales (GIMAS).
Propos recueillis par B. Chaou
Finances News Hebdo : L’activité se poursuit pour l’ensemble des entreprises de l’écosystème, ou y a-t-il des branches qui ont décidé l’arrêt de leurs activités ?
Karim Cheikh : Tout d’abord, la santé de nos collaborateurs est la priorité des priorités. Les guides sanitaires élaborés par la CGEM nous ont permis de mettre en place les plans de continuité des activités dans toutes nos usines assurant toutes les mesures de sécurité sanitaire à nos salariés. En fonction de la typologie des activités, nous avons plusieurs cas : maintien total de l’activité, réorganisation des équipes de travail ou mise en congé partiel. Aucun plan social n’est annoncé pour le moment.
F.N.H. : Les entreprises rencontrentelles des difficultés liées à l’import ou à l’export de leurs marchandises ?
K. Ch. : Oui au début de la crise sanitaire pour quelques produits venant de Chine, ou de chez certains fournisseurs en Europe qui ont réduit fortement leurs activités. Ceci a engendré plus de délai d’approvisionnement. Aujourd’hui, la situation s’est nettement améliorée.
F.N.H. : Les mesures gouvernementales prises en faveur des entreprises peuventelles amortir le choc financier qu’elles subissent ?
K. Ch. : Tout d’abord, nous saluons la mobilisation et le dispositif mis en place par le gouvernement. Les mesures de soutien d’urgence déployées étaient nécessaires à la survie à court terme de nos entreprises et des emplois. Au-delà de ces mesures mises en œuvre aujourd’hui, une concertation avec les sociétés membres du Gimas a été effectuée. Elle a permis de définir les mesures de relance nécessaires pour préserver ce que nous avons construit ces vingt dernières années et défendre notre industrie et son avenir dans la période de récession qui s’annonce au niveau mondial. Ce plan de relance a été partagé avec notre tutelle, le ministère de l’Industrie et la CGEM. Des mesures transversales à plusieurs secteurs ont déjà été annoncées. Les mesures spécifiques à chaque secteur seront examinées bientôt par le Comité de veille économique.
F.N.H. : A combien le taux d’occupation est-il estimé aujourd’hui ?
K. Ch. : Après une première phase d'adaptation aux mesures de sécurité sanitaire, les donneurs d’ordre et leurs sous-traitants font face à une vague de reports de commandes. Malgré le taux d’intégration locale de 38%, plusieurs acteurs de l’aéronautique au Maroc subissent directement ou indirectement les décisions de réduction de cadence de production des avionneurs. Les perturbations attribuables à la pandémie de Covid-19 pourraient réduire temporairement le taux d’occupation de la capacité installée au Maroc de 30% voire 50% pour certaines activités. Compte tenu du manque de visibilité des grands donneurs d’ordre mondiaux et de la reprise du trafic aérien, les experts annoncent que le fort niveau d’activités enregistré ces dernières années ne sera retrouvé qu’en 2023. Nous espérons que cette reprise se fera plus rapidement. La découverte d’un vaccin ou d’un traitement va certainement contribuer à la reprise du trafic aérien. Cette baisse d’activité a un impact automatique sur les ressources humaines qui doivent en conséquence être ajustées en fonction de la charge de travail. Il est à rappeler que le capital humain aéronautique est hautement qualifié et il est une des composantes clés de la croissance du secteur.
F.N.H. : Quelles sont aujourd’hui vos priorités ?
K. Ch. : La santé de nos collaborateurs est la priorité des priorités. Toutes les entreprises ont mis en place immédiatement des plans de continuité des activités assurant toutes les mesures de sécurité sanitaire aux salariés dans leurs usines. Je dirais également la santé avant tout mais la production malgré tout. En effet, le Maroc a montré pendant cette crise sanitaire une agilité et une résilience exemplaire. C’est parce que nous croyons en notre agilité et en notre résilience que nous ne sommes aujourd’hui ni pessimistes ni inquiets, mais nous restons lucides. Nous nous adapterons aux mutations occasionnées par cette pandémie. Les cartes de la chaîne de valeur mondialisée de l’aéronautique seront redistribuées différemment. Notre plateforme est reconnue mondialement pour sa qualité et sa compétitivité. Notre proximité avec l’Europe est un atout important et nous irons chercher les opportunités là où elles sont. Ceci nous permettra de reprendre rapidement et de sortir gagnant de cette crise. ◆