◆ La pandémie a imposé des mutations profondes au niveau de la chaîne de valeur mondiale de l'industrie pharmaceutique.
◆ Fort d’une grande expertise et d’un savoir-faire de plus de 71 ans, le laboratoire marocain Laprophan se réinvente en adoptant des technologies de plus en plus avancées pour rehausser la productivité et l'innovation.
◆ Eclairage avec Danielle Tobias, pharmacien export manager chez Laprophan.
Propos recueillis par M. Diao
Finances News Hebdo : La crise liée à la pandémie a-t-elle été une opportunité pour les laboratoires pharmaceutiques marocains ou plutôt un handicap ?
Danielle Tobias : La pandémie de la Covid-19 sans précédent a été très bien gérée dans sa globalité au Royaume du Maroc, grâce à une bonne stratégie de riposte concertée et consentie par les autorités de tutelle et une forte résilience de l'industrie pharmaceutique marocaine, classée 2ème sur le continent et considérée en zone Europe par l'Organisation mondiale de la santé sur le plan qualitatif.
C'est ainsi que l'industrie pharmaceutique marocaine a mobilisé toutes ses ressources pour faire face à cette pandémie, par la mise à disposition d'une large panoplie de spécialités pharmaceutiques, dont certaines entrent directement dans le protocole de traitement de la Covid -19, adopté par les hautes autorités sanitaires.
Alors que d'autres produits sont préconisés à titre préventif ou pour traiter les autres pathologies, notamment les maladies chroniques considérées à haut risque en période de pandémie. L'activité industrielle a été maintenue, voire accélérée en adaptant des mesures de sécurité sanitaires très rigoureuses pour l'ensemble du personnel afin de répondre à la forte demande pour les traitements et produits d'hygiène, tout en évitant toute rupture de médicament vital pour la santé du citoyen.
Le Maroc a placé l'humain au centre de sa stratégie de riposte en privilégiant les vies à toute autre considération économique, et l'industrie pharmaceutique marocaine capable d'assurer la souveraineté sanitaire n'était pas en reste. Elle s'est fortement engagée dans cette lutte contre la Covid-19 pour être au rendez-vous, avec cette réponse héroïque du Royaume du Maroc sous la conduite éclairée de S.M le Roi Mohammed VI, qui a fait son choix selon l'équation : «Health or Wealth ? Health is Wealth» !.
F.N.H. : Les restrictions à l'export, mises en place par le ministère de tutelle lors de la crise afférente au coronavirus, ont-elles impacté substantiellement les exportations des médicaments fabriqués par les laboratoires marocains ?
D. T. : Nous avons réussi à poursuivre nos exportations après des réunions avec toutes les parties prenantes, et nous remercions tous ceux qui ont contribué, de près ou de loin, pour nous permettre d'honorer nos engagements auprès de nos partenaires à l'international. Cette période est aujourd'hui derrière nous et nous envisageons l'avenir avec de nombreux horizons et perspectives de développement. Nous avons travaillé en étroite coordination avec les pays africains frères pour faire front commun contre cette pandémie en assurant la disponibilité des médicaments essentiels, et nous avons développé ensemble des campagnes de sensibilisation sur les mesures barrières.
Le Maroc est signataire de l'accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), qui ouvre la voie d'une intégration régionale approfondie marquée par une croissance encore plus rapide et durable. Cet accord recèle de nombreuses opportunités dans le cadre de la coopération avec les autres pays africains frères pour booster les échanges intra-africains. Nos produits sont en pole position sur plusieurs marchés.
Nous avons tout mis en œuvre avec nos partenaires pour développer nos parts de marché, en dépit de la période de confinement où les activités médicales étaient quasiment restreintes au traitement de la Covid-19, avec des visites sur le terrain réduites au grand maximum. En outre, nous avons des contraintes d'ordre logistique comme le fret aérien mondial dont la fréquence de vol pour certaines destinations a baissé et les prix ont parfois quintuplé, ce qui fait que nous optons pour les expéditions maritimes, même si les délais sont plus longs.
F.N.H. : Comment Laprophan s'est-elle organisée lors de cette crise afin de maintenir le volume de ses activités tant au niveau national qu'international ?
D. T. : Depuis sa création en 1949, Laprophan s'est profondément engagée au service de la santé. La pandémie est le plus grand défi de santé publique auquel nous avons été confrontés. Elle a nécessité une forte implication de tous les acteurs de la santé pour assurer l'approvisionnement régulier du Royaume du Maroc et des pays à l'export, avec une parfaite maîtrise de toute la chaîne de production, de la matière première jusqu'au produit fini. Aucune perturbation n'a été constatée, surtout au Maroc, et nous avons assuré la fabrication et la distribution de tous nos produits de manière fluide en priorisant le ministère de la Santé, les hôpitaux dédiés au traitement de la Covid-19, les cliniques, les grossistes, les pharmacies. Pour notre activité export, nous avions anticipé les besoins du marché national et international selon un Forecast annuel.
De ce fait, nous étions suffisamment approvisionnés en matières premières de manière à répondre aux besoins des différents marchés. Notre stratégie anticipative de gestion de crise sanitaire nous a permis de répondre favorablement à la demande croissante sur certains produits du protocole de traitement de la Covid-19, qui ont affiché un taux de croissance de +400%, et d’assumer pleinement notre leadership et notre rôle de pionnier de l'industrie pharmaceutique africaine.
F.N.H. : Enfin, quelle appréciation faites-vous de la dynamique globale des exportations du secteur pour cette année 2020 très particulière ?
D. T. : Durant et après chaque crise, il y a un rebond et, dans ce cadre, Laprophan a diversifié ses relais de croissance. La pandémie a imposé des mutations profondes au niveau de la chaîne de valeur mondiale de l'industrie pharmaceutique. Laprophan se réinvente en adoptant de hautes technologies de plus en plus avancées pour rehausser la productivité et l'innovation grâce à sa grande expertise et son savoirfaire de plus de 71 ans. Plusieurs pays au monde réfléchissent à une indépendance thérapeutique par une parfaite maîtrise de tous les paramètres qui entrent dans toute la chaîne d'approvisionnement et le cycle de production.
Un changement de paradigme important est en train de se produire, où la relocalisation des sites industriels sera déterminée par l'impératif stratégique de sécurité d'approvisionnement de proximité, et le Maroc peut se repositionner sur ce segment. Nous allons intensifier la recherche & développement pour contrer la Covid-19 et une coopération mondiale et continentale est envisageable pour mener des recherches sur les médicaments et aussi les plantes médicinales dont le continent africain regorge.
La communication virtuelle est prédominante. Elle a remplacé tous les grands congrès internationaux auxquels nous devions participer depuis mars 2020 et qui ont été reportés pour 2021. C'est grâce aux réseaux virtuels que nous avons pu garder un contact étroit permanent avec tous nos confrères, par des webinaires et vidéoconférences très productifs. Les mois à venir seront cruciaux pour prioriser les urgences et mettre en place des mesures adéquates pour soutenir de grands nouveaux projets structurants.
L'année 2020 est l'année de tous les défis et, à Laprophan, nous restons fidèles à notre devise : «Don't limit your challenges, challenge your limits» ! ou «Ne limitez pas vos défis, défiez vos limites» ! Avec le grand retour de notre présidentDirecteur général, Farid Bennis, qui a toujours érigé Laprophan en monument de l'industrie pharmaceutique, nous espérons relever les nombreux défis de santé publique.