Hôtellerie: Un métier à réinventer

Hôtellerie:Un métier à réinventer

L’année 2020 est compromise pour les hôteliers, et la crise va certainement durer les 2 prochaines années.

Les hôtels se préparent pour la saison estivale en s’adaptant aux nouveaux mindset des clients post-crise.

Le post-crise sera construit autour de 3 axes principaux : l’hygiène, la digitalisation et le «sans-contact» ainsi que l’innovation.

Le point avec Souleymane Khol, directeur des Opérations du Groupe Onomo Hotels d’Afrique.

 

Propos recueillis par C. Abounnaim

 

Finances News Hebdo : Le tourisme est le secteur le plus touché par cette crise sanitaire, notamment les hôtels. Comment voyezvous la situation que vivent ces établissements en cette période ?

Souleymane Khol : En effet, la pandémie liée au Coronavirus a entraîné le monde entier dans une crise exceptionnelle, qui a touché de plein fouet le secteur du tourisme. Les mesures de distanciation mises en place dans la majorité des pays du monde, notamment la suspension des vols, des évènements, l’interdiction des rassemblements et la fermeture des lieux de rencontre ont engendré un arrêt quasi-total de l’activité hôtelière dans toutes ses composantes, à savoir l’hébergement, le bien-être, le Food & Beverage et les Meetings, incentives, conferencing, exhibitions (MICE). Le World Travel & Tourism Council (WTTC) estime à 7,6 millions le nombre d’emplois qui seront affectés dans le secteur des voyages et du tourisme en Afrique. Au Maroc, la Confédération nationale du tourisme (CNT) estime que la pandémie pourrait entraîner la perte de 500.000 emplois et de 35 milliards de DH pour le secteur, conséquence d’une baisse du nombre de touristes pouvant avoisiner les 39%. Dans la région CasablancaSettat, plus de 90% des hôtels ont fermé leurs portes, selon le président de l’Association de l’industrie hôtelière de Casablanca et région (AIH). En plus de son impact immédiat sur l’activité, la crise économique liée à cette pandémie a forcé la suspension des investissements dans le secteur et retardera sans doute l’ouverture de plusieurs unités hôtelières. L’année 2020 est évidemment compromise et cela va certainement durer les 2 prochaines années.

 

F.N.H. : Comment les établissements hoteliers s’organisent-ils pour faire face à cette crise ?

S. Kh. : Le réseau du groupe Onomo Hotels compte 21 hôtels dans 12 pays africains. La totalité de nos hôtels ont été touchés par cette crise, de manière différente et à des degrés différents. Au Maroc, par exemple, dès mimars et à l’annonce de la fermeture des lieux publics et des frontières, nous avons suspendu l’activité Food & Beverage dans nos 6 hôtels. Sur le volet hébergement, nous avons également redimensionné l’ensemble des fonctions du groupe et des hôtels dépendamment des situations dans les pays, grâce à la mise en place d’un dispositif de pilotage adapté. Ce dernier, appelé plan de continuité d’activité (PCA), est établi autour de 3 axes essentiels :

• La protection de nos collaboratrices et collaborateurs en multipliant les messages de prévention et en réduisant les effectifs présents sur place au maximum. Des plannings spéciaux ont été adoptés en fonction des besoins opérationnels pour les hôtels en activité;

• Le maintien de la communication avec tous les clients résidents dans nos hôtels ou ayant effectué des réservations pendant la période en cours pour les rassurer et répondre à leurs questions;

• La création d’une cellule de gestion de crise basée au siège du groupe Onomo Hotels à Casablanca et composée de responsables opérationnels, marketing et communication pour un suivi continu et de près avec les directeurs des hôtels dans les différents pays du continent. Ces leviers sont bien évidemment supplantés par le renforcement du dispositif d’hygiène en intégrant les mesures préventives recommandées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Nos équipes, grâce à leur sens de responsabilité et une formation adéquate, ont dès le début adopté un protocole sanitaire élaboré et l’ont déployé dans leurs hôtels. Dans tous les pays où nous opérons, nous avons tenu à apporter le soutien nécessaire aux autorités et au corps soignant. Nous avons mis à disposition des autorités nos hôtels pour accueillir les voyageurs internationaux qui n’ont pas pu rejoindre leurs familles. Nous avons également ouvert nos hôtels au corps médical pour l’accueillir dans des conditions optimales et lui permettre d’exercer sa mission sans risque de contamination de sa famille. Nous avons offert des repas et distribué des produits d’hygiène au personnel soignant et aux patients dans plusieurs centres hospitaliers. Depuis le début du mois de mai, nos hôtels connaissent déjà un début de reprise. Certains commencent à recevoir des réservations pour les mois à venir, d’autres ont même accueilli leurs premiers groupes, notamment notre hôtel à Douala. Nous avons aussi pendant ces dernières semaines travaillé sur notre nouvelle offre de prestation pour le Maroc. Avec l’annonce de la reprise de l’activité, nous nous préparons pour le lancement de notre service de livraison à domicile. Cela permettra à nos clients de renouer avec notre cuisine tout en restant chez eux ou à leur bureau en attendant la réouverture officielle des restaurants. Comme dans de nombreuses industries, notre capacité à nous réinventer tout en maintenant notre corps de métier fera la différence et nous en faisons un focus essentiel de notre stratégie. Même si l’ampleur de celle-ci reste unique, il faut tout de même souligner que l’hôtellerie, notamment le tourisme, est un secteur qui a toujours su s’adapter, se réinventer face aux crises.

 

F.N.H. : Qu’en est-il de l’après-crise ? Quelles sont les perspectives de reprise du secteur ?

S. Kh. : La reprise économique s’annonce difficile. Celle du secteur du tourisme l’est encore plus, compte tenu de la grande incertitude liée à l’évolution de la situation pandémique au Maroc et sur le continent. L’après-crise dans le secteur du tourisme sera défini par 2 éléments importants. Le premier est le soutien des gouvernements aux opérateurs du tourisme et le deuxième comme déjà mentionné, est la capacité de ces acteurs à se réinventer pour anticiper le nouveau mindset des voyageurs post-crise. Plusieurs cabinets de conseil et experts se sont penchés sur l’analyse de la crise et les prévisions de reprise. Plusieurs estiment qu’un retour à la normale ne pourrait intervenir avant 2022. Cependant, ils affirment que l’activité reprendra bien cette année, mais de manière différente à laquelle il faudra s’adapter. L’arrivée des beaux jours et l’approche de la saison estivale, moment propice au loisir et à l’évasion, seraient ainsi une excellente occasion pour relancer le tourisme national à travers une approche pertinente, basée sur des offres complètes incluant hébergement et activités, de durées courtes et à budgets attractifs. Le tourisme international, fortement lié à la reprise d’un trafic aérien normal, prendra obligatoirement du temps à revenir, d’où la nécessité de miser sur une clientèle nationale, voire même locale. L’ère post-Covid-19 ira de pair avec une économie façonnée par de nouvelles réglementations et habitudes de consommation. Chez Onomo Hotels, nous préparons la reprise dans l’ensemble de nos hôtels avec un état d’esprit nouveau, qui prend en compte les nouvelles priorités des voyageurs et pour l’ensemble de nos collaborateurs. Le post-crise sera construit autour de 3 axes principaux : l’hygiène, la digitalisation et le «sans-contact» et l’innovation dans notre approche du service sans pour autant perdre notre essence de l’aspect humain de l’hôtellerie et enfin la restauration. Il y a tout juste quelques semaines de cela, plus un endroit était peuplé de monde, plus cela était signe de succès et maintenant c’est le contraire. A nous de nous adapter. Pour le moment, nous avons conçu un protocole d’hygiène renforcé et mis en place des procédures qui favorisent la distanciation physique et réduisent l’interaction directe. Nous renforçons l’expertise de nos équipes par des formations sur- mesure et l’accompagnement de compagnies homologuées selon ces nouvelles normes qui changeront la vie dans les hôtels. On parle tout de même d’une crise sanitaire, nous ne pouvons et ne devons rien laisser au hasard. Nous maintenons la communication avec notre écosystème, clients, partenaires et prestataires, pour garder le lien et préparer la reprise ensemble. Nous avons également assoupli nos conditions de réservation car nous comprenons que dans le contexte actuel, nos clients pourraient avoir besoin de réajuster leurs engagements. Les maîtres-mots de notre communication sont les messages responsables et le ton positif. Tout le monde a besoin d’être rassuré et c’est notre rôle aussi, en tant qu’opérateur continental, de le faire vis-à-vis de nos parties prenantes. Enfin, nous repensons notre métier et ses composantes et réinventons nos manières de faire. Ce qui est certain, c’est que tous les métiers de l’hospitalité, de la restauration, du bien-être et de l’événementiel ne se feront plus de la même manière. Nous nous y préparons.

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