Faillite de la Silicon Valley Bank: prémisses d’une crise financière ou krach isolé ?

Faillite de la Silicon Valley Bank: prémisses d’une crise financière ou krach isolé ?

La faillite de la banque américaine Silicon Valley rappelle celle de Lehman Brothers en septembre 2008, et montre que l'on a rien appris de la crise financière déclenchée à cette issue. La politique monétaire focalisée sur la stabilité des prix des biens et services, ne prêtant aucune attention aux risques systémiques sur le marché financier, était en grande partie responsable de la faillite de Lehman Brothers et du Krach boursier international qui en a découlé juste après.

C’est ainsi que le débat a été rouvert sur le modèle du central banking axé sur la trilogie, indépendance-transparence-responsabilité, où les politiques monétaires sont menées par des Banques centrales indépendantes dont l'objectif principal est la stabilité des prix. Les conclusions du débat ne remettent pas en cause l'indépendance des Banques centrales, ni leur rôle dans la maîtrise de l'inflation, mais mettent l’accent sur leur focalisation excessive sur l'inflation des biens et services sans tenir compte des risques et tensions systémiques sur le marché financier, en grande partie responsable de la crise de 2008.

Le débat conclut aussi que si les politiques monétaires devraient préserver leur indépendance et leur rôle en tant que garantes de la stabilité des prix des biens et services, elles doivent également rester flexibles en cas de crises financières et remplir leur rôle premier de prêteur en dernier ressort. La crise de 2008, a également mis en exergue la nécessité que la supervision financière se dote d’une mission prudentielle au niveau macroéconomique, où les Banques centrales jouent un rôle central, les politiques micro-prudentielles existantes ne suffisent pas pour faire face aux risques qui secouent le système financier dans sa globalité. Or, la faillite de Silicon Valley résulte en grande partie de la décision du système de supervision américain, d’alléger les restrictions sur les banques de «petite taille» comme Silicon Valley, qui ne présentent pas un risque systémique considérable.

Les faits contredisent cette prédiction, aujourd’hui et d’autres banques suivent le sort de Silicon Valley, ce qui montre qu’il ne s’agit pas d’une faillite isolée mais d’un risque élevé de crise du système financier. La particularité de ce risque est qu'il advient dans un contexte marqué par une simultanéité de l'inflation et de la récession qui met les Policy-mix face à des conflits d'objectifs, et remet en cause le principe de l'affectation des instruments de la politique économique. En d’autres termes, il  n'y pas de politiques économiques optimales à tout moment et n'importe où, il y a une politique économique optimale, dans un moment donné et dans un lieu donné.

Une intervention rapide pour empêcher la faillite du système bancaire américain, et la chute de confiance chez les agents économiques et ainsi sauver le système financier international, est nécessaire pour empêcher le déclenchement d'une crise financière et économique. Les autorités américaines annoncent déjà avoir procédé à la préservation des dépôts des banques coulées, sans pour autant sauver ces banques elles-mêmes. Par la suite, selon le degré du risque systémique, on assistera à un changement marqué par l’allégement du durcissement monétaire, et par de l’expansionnisme budgétaire à la Keynes, en réadaptant à la hausse les cibles  d’inflation qu’elles soient directes ou indirectes. 

Le Maroc n'a pas encore procédé totalement à l'ouverture complète de son compte capital, ce qui ne nous expose pas à une crise bancaire ou financière. Mais si une crise est déclenchée au niveau international, sa transformation en crise économique accentuera les tensions inflationnistes sur les marchés internationaux des matières premières et de l'énergie, ce qui se répercutera par l'accentuation de l'inflation importée à laquelle le Maroc fait face actuellement. La crise économique se déclinera également par une baisse de la demande adressée au Maroc, suite à la baisse de l’activité chez les pays partenaires, et tout ce qui suit sur la balance des comptes courants, déjà sous stress, et sur la balance commerciale. 

BAM s'aligne depuis deux trimestres sur les politiques monétaires américaines et européennes en élevant les taux de l'intérêt pour faire face aux tensions inflationnistes sur le marché des biens. Or, c'est une politique obsolète puisque c’est une inflation importée qui ne traduit pas une activité économique plus dynamique. Baisser les taux de l’intérêt, lors de la session de mars du Conseil de BAM, pour donner une impulsion à l’activité économique serait très louable.

 


Selma SIDKI
Enseignant-chercheur
Université Ibn-Tofail- Kénitra

 

 

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