◆ Le projet prévoit d’identifier des partenaires engagés et mobilisés pour la création d’un tissu économique diversifié dans les campagnes.
◆ Il devient nécessaire de mettre en évidence des pistes de développement de l’entrepreneuriat en milieu rural autres que celles liées au secteur agricole.
◆ Le point avec Lamia Housni, directrice de P-Curiosity Lab, de l'université polytechnique Mohammed VI.
Propos recueillis par C. Jaidani
Finances News Hebdo : Quels sont les objectifs de la caravane de l’entrepreneuriat dans le monde rural que vous voulez lancer ?
Lamia Housni : L’objectif principal de cet appel à projets destiné au monde rural réside dans la recherche d’idées entrepreneuriales innovantes, de projets prometteurs au service du monde rural permettant ainsi de créer une dynamique durable au service de l’entrepreneuriat rural au niveau des différentes régions à l’échelle nationale. C’est dans ce sens que le programme digital en cours de développement par la société marocaine de production, Concept Mena, intervient. Il a pour ambition de répondre à plusieurs de ces aspects, et surtout de mettre en exergue les atouts et les contraintes du milieu rural envers l’entrepreneuriat ainsi que les perspectives d’avenir dans ce milieu. Il s’agit aussi de mettre en évidence qu’il est possible de réussir son projet entrepreneurial lorsque nous sommes issus du rural et/ou au service du rural.
L’objectif est de mettre en place un dispositif de réseau de communautés autour «des entrepreneurs ruraux» et de relier les régions et les expériences entre elles en intelligence collective. Par l’échange et la coopération, nous serons ainsi dans la capacité de développer ensemble des écosystèmes ouverts et en constante collaboration, au service du monde rural. Un tel objectif sera facilité par le mode de diffusion digitale de cette programmation de web réalité. En allant vers les candidats ruraux à l’entrepreneuriat, il s’établit un lien de proximité à travers des sessions de sensibilisation et d’acculturation organisées dès la prise de contact.
F.N.H. : Avez-vous des partenaires qui vous accompagnent dans ce projet ?
L. H. : Comme il est impératif que les activités initiées par les entrepreneurs que nous accompagnerons aboutissent d’une manière durable, nous sommes particulièrement exigeants sur les liens que nous tissons avec nos partenaires. C’est pourquoi nous sommes en train d’identifier des partenaires engagés à se mobiliser pour la création d’un tissu économique diversifié dans le monde rural.
F.N.H. : Quelles sont les contraintes qui impactent le développement dans le monde rural ?
L. H. : En dépit des efforts qui ont été consentis ces dernières années pour améliorer les conditions de vie des populations, le monde rural demeure encore marqué par la pauvreté et la précarité. En effet, la pauvreté demeure essentiellement un phénomène rural, dans la mesure où les deux tiers des pauvres du pays y vivent. Cette précarité est accentuée par le déficit en matière d’infrastructures et de services sociaux de base. L’inexistence d’actions de promotion des entrepreneurs issus du milieu rural leur permettant de se connecter au marché et de les mettre en valeur souligne le défaut de renforcement de leurs capacités entrepreneuriales, de formation, d’accompagnement et d’encadrement. De plus, les programmes institutionnels continuent à favoriser le développement de l’entrepreneuriat dans les villes au détriment des campagnes. Le monde rural est resté longtemps en marge de cette dynamique. Nous ne disposons pas, à l’heure actuelle, d’institutions de promotion de l’entrepreneuriat rural et il n’existe pas également de structures de services dédiées aux entreprises rurales.
F.N.H. : L’agriculture reste le principal secteur d’activité dans les campagnes marocaines. Existe-t-il d’autres secteurs qui ont un certain potentiel qu’il faut investir ?
L. H. : Absolument. Il devient nécessaire de mettre en évidence des pistes de développement de l’entrepreneuriat en milieu rural autres que celles liées au secteur agricole. Ainsi, de nouveaux débouchés pour l’entrepreneuriat rural peuvent voir le jour. Ils puiseront dans les défis attenants à la sécurité alimentaire, à la préservation des ressources naturelles, des écosystèmes, à l’atténuation du changement climatique, à l’adaptation de ses conséquences sur le développement de systèmes d’approvisionnement alimentaire locaux et à l’interdépendance croissante entre la ville et le rural. D’autres secteurs d’activités constituent également un gisement de projets entrepreneuriaux importants. Ils sont liés aux loisirs, à la culture, aux services à la personne et domestiques.
F.N.H. : Quelle est votre évaluation du Plan Maroc Vert ? A-t-il donné les effets escomptés ?
L. H. : Il n’est pas de mon ressort de porter un jugement sur le Plan Maroc Vert. Il consiste en une approche globale de valorisation du secteur agricole. Le programme établi est d’ordre institutionnel. C’est en parallèle que nous menons des actions sur le terrain en adoptant une démarche plus précise. Nous travaillons auprès d’une cible particulière, celle des aspirants entrepreneurs, en les accompagnant à travers un dispositif de monitoring, d’encadrement technique et scientifique.
F.N.H. : L’accès au foncier, le financement et la formation ne sont-ils pas les principaux leviers à encourager pour soutenir les jeunes promoteurs dans le monde rural ?
L. H. : Effectivement, il s’agit de piliers nécessaires, mais pas suffisants dans l’optique d’un dispositif durable; il est nécessaire d’incorporer d’autres leviers. Nous pouvons en citer quelques-uns. Tout d’abord, il est impératif de lier la recherche scientifique et la science des données pour faire aboutir des projets entrepreneuriaux permettant de répondre aux problématiques rurales. Ensuite, il convient d’organiser régulièrement des actions d’innovation et d’idéation au service du rural et de développer des mécanismes pour faire émerger des aspirants entrepreneurs ruraux au service de chaque région. Il faut aussi créer un écosystème d’affaires autour des entreprises rurales afin qu’elles se connectent aux marchés et aux clients tout en valorisant l’apprentissage local.