En diagnostiquant le bilan de l’année, l’équipe au pouvoir évoque souvent le pourcentage de la dette du Trésor, prétendant par là que le taux est convenable, voire maîtrisable.
Pour 2017, l’argentier du Royaume, à l’occasion de la présentation du PLF 2018, a évoqué avec satisfecit un taux de la dette par rapport au PIB oscillant autour de 63%. «Cette évolution du taux d’endettement au cours des dernières années s’est caractérisée par une maîtrise progressive, dans la mesure où il a été ramené d’une variation annuelle moyenne de 3,6 points de PIB entre 2011 et 2014 à 1 point de PIB entre 2015 et 2016», lit-on dans le PLF 2018.
Le ministre des Finances se félicite des réalisations dans un contexte international difficile, et ce grâce à une politique gouvernementale accordant une importance cruciale au rétablissement des agrégats macroéconomiques pour maintenir la dette dans une trajectoire soutenable.
Mais, pour bon nombre d’économistes, ledit taux, qui ne reflète pas la réalité, est à prendre avec des pincettes dans la mesure où il n’intègre pas la dette des établissements et entreprises publics (EEP). C’est dire que son calcul et le problème de la soutenabilité ont suscité et suscitent encore des débats enflammés entre analystes.
Les questions qui se posent d’emblée sont : quand faut-il s’inquiéter du niveau atteint par la dette publique ? Quand devient-elle une menace pour la croissance économique ?
En attendant la publication des chiffres relatifs à l’exercice 2017, force est de constater que le niveau de la dette publique a suivi pratiquement la même tendance que celle de 2016 : une hausse de 4,8% en 2016, pour s’établir à 827 milliards de DH. Son poids dans le PIB ressort ainsi à 82% au lieu de 80,4% une année auparavant.
Les derniers chiffres publiés par la Direction du trésor et des finances extérieures révèlent qu’à fin septembre 2017, les encours des emprunts extérieurs des établissements publics et du Trésor se sont établis respectivement à 173,9 Mds de DH et à 147,5 Mds de DH. A rappeler que depuis 2015, la dette extérieure des EEP (principaux investisseurs) dépasse celle extérieure du Trésor et représente plus de 54% de la totalité de la dette publique. La dette extérieure est composée principalement d’emprunts concessionnels contactés dans le cadre bilatéral ou multilatéral. Le service de la dette extérieure publique à fin septembre 2017 s’est établi à 23,8 Mds de DH, dont 13,8 Mds de DH réglés par le Trésor et 10 Mds de DH par les EEP.
Par ailleurs, l’analyse de la dette publique sur une très longue période montre que son encours a baissé entre 1998 et 2004 aussi bien en valeur absolue qu’en proportion du PIB. Ce n’est qu’à partir de 2005 que le stock de la dette publique s’est remis à grimper, mais son poids dans le PIB a commencé à baisser jusqu’en 2009, date de la crise internationale.
Durant cette période, l’économie marocaine était affectée à travers la contraction de la demande étrangère, essentiellement européenne, entraînant dans son sillage une hausse de l’encours de la dette, mais aussi sa part dans le PIB. Des chiffres qui donnent matière à réflexion et ne peuvent être dissociés de la politique économique nationale.
Comme énoncé par Mohamed Boucetta, professeur universitaire, dans un de ses articles sur la dette publique, «l’origine du processus d’endettement public remonte à la politique budgétaire fortement expansionniste et à la stratégie d’investissement public intensif du milieu des années soixante-dix consécutives au boom phosphatier». Ce qui s’est traduit par des déficits budgétaires considérables, dont la couverture a été assurée principalement par l’emprunt extérieur dans une première phase.
Le financement de ces déficits persistants a conduit à l’accumulation d’une dette publique externe qui est devenue au début des années 80 insupportable. Cette situation critique a imposé le rééchelonnement de cette dette, avec comme condition la mise en application d’un programme d’ajustement structurel à partir de 1980 sous la houlette du FMI.
«Une bonne appréciation de la dette publique passe par l’intégration de la dette des autres entités publiques, notamment la dette intérieure garantie par l’Etat et la dette extérieure», alerte pour sa part l’équipe de Driss Jettou, président de la Cour des comptes, dans son dernier rapport publié le 4 janvier 2018. C’est dire que la dette publique est un indicateur que l’équipe au pouvoir est appelée à surveiller de près pour éviter un scénario aussi catastrophique que celui des années 80. ■
S. Es-siari