Malgré les évolutions technologiques, le dessalement de l’eau de mer demeure une technologie relativement chère par rapport aux techniques conventionnelles.
La baisse du coût des énergies renouvelables, appelées à représenter près de 52% du mix énergétique en 2030, augmente incontestablement la compétitivité de l’eau dessalée au Maroc.
Le développement des ressources en eau non conventionnelles est érigé en priorité par l’Etat pour permettre au Royaume de faire face à l’exacerbation du stress hydrique causée par plusieurs facteurs (sécheresse, pression sur la ressource, augmentation démographique, gaspillage, etc.(. Pour l’heure, au Maroc, la production d’eau potable est réalisée à près de 98% à partir d’eaux conventionnelles. Au regard de ce qui précède, les techniques de dessalement de l’eau de mer et de traitement des eaux usées sont appelées à se démocratiser davantage. Pour rappel, la première unité de dessalement d’eau de mer a été réalisée par l’ONEE en 1977. Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts.
Le Royaume compte près d’une dizaine de stations de dessalement. La lettre de cadrage, en prélude du PLF 2023, révèle l’intention du gouvernement de lancer les projets de dessalement d’eau aussi bien à Casablanca, Dakhla, Safi, Guelmim et Nador (capacité de 100 millions de m3/anextensible), tout en élargissant le recours à l’usage des eaux usées traitées dans les utilisa
tions comme l’arrosage, dans l’industrie ou dans les unités hôtelières. Ces dernières sont réputées pour leur grand appétit pour la consommation
de l’or bleu.
Du côté de la tutelle (ministère de l’Equipement et de l’Eau), l’on justifie l’opportunité de recourir au dessalement de l’eau de mer par la nécessité de sécuriser les besoins des populations situées sur le littoral, tout en libérant suffisamment d’eau pour les régions intérieures. A titre illustratif, la future station de dessalement de la capitale économique, d’une capacité de 300 millions de m3 par an, permettra de libérer une quantité d’eau importante récupérée du barrage d’Al Massira. Ce qui profitera à la région de Marrakech-Tensift.
«Le dessalement de l’eau de mer présente des avantages importants, notamment au regard des aléas liés aux effets des changements climatiques. Il garantit une sécurité de l’alimentation en eau potable indépendamment de la pluviométrie, d’autant que notre pays dispose de 3.500 km de côtes et que de nombreuses agglomérations côtières connaissent un développement important occasionnant un accroissement significatif de la demande en eau potable», avait déclaré Abderrahim El Hafidi, DG de l’ONEE, sur les colonnes de F.N.H.
Notons que la concrétisation des stations de dessalement se fera avec une approche basée sur le partenariat public privé. Ce qui prouve la volonté de l’Etat de mutualiser les moyens avec le privé car les stations de dessalement de l’eau de mer sont des infrastructures capitalistiques. Pour preuve, la réalisation de la station de dessalement de Chtouka-Aït Baha (Souss Massa), entrée en service cette année, a nécessité une enveloppe de 4,4 Mds de DH.
«Des mécanismes clairs pour le partage des coûts à l’échelle régionale ou nationale et la coordination intersectorielle (eau-énergie) doivent être établis. Le développement des projets de dessalement reposera sur de grands investissements privés et nécessitera l’acquisition efficace de systèmes de partenariat public/privé (PPP)», explique en substance Mohamed Chikhaoui, professeur à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II (IAV) et expert en gestion des ressources sol et eau. Il importe d’ajouter que la nouvelle station de dessalement d’eau de mer de Laâyoune devrait être opérationnelle avant la fin de cette année. Dotée d’une capacité de 26.000 m3/jour, cette nouvelle station est réalisée grâce un investissement de 670 millions de dirhams. L’objectif stratégique du Maroc est d’avoir une vingtaine de stations de dessalement à l’horizon 2030.
Quid du coût du dessale ment de l’eau de mer ?
Le dessalement de l’eau de mer a certes des avantages avérés, mais son coût reste relativement élevé par rapport à celui des eaux conventionnelles. D’ailleurs, le patron de l’ONEE n’avait pas manqué d’attirer l’attention sur cette donne sur les colonnes de FNH. «Il ne faut pas occulter le coût élevé du dessalement de l’eau de mer et sa forte consommation d’énergie. En effet, et malgré les évolutions technologiques, le dessalement de l’eau de mer demeure une technologie relativement chère par rapport aux techniques conventionnelles». Et d’expliquer : «Par conséquent, il n’est fait recours à cette technologie qu’en cas d’absence d'alternatives à partir des ressources en eau conventionnelles. Parallèlement, les technologies les plus évoluées dans ce domaine sont utilisées pour réduire au maximum le coût du m3 d’eau dessalée, notamment à travers l’utilisation des techniques de pointe pour réduire la consommation énergétique et en couplant le dessalement à des sources de production d’énergies renouvelables». Dans le même ordre d’idées, la baisse du coût de production des énergies renouvelables, appelées à représenter près de 52% du mix énergétique en 2030, augmente incontestablement la compétitivité de l’eau dessalée. Faudrait-il le rappeler, le poste énergétique représente pas moins de 40% du coût du dessalement de l’eau. Le Maroc se trouve ainsi dans une posture car l’énergie solaire est de plus en plus compétitive. A titre illustratif, pour certains projets de centrales solaires de 500 Kwh et d’1 MW, le coût du kwh s’affiche à moins de 30 centimes. Sachant que le coût du kwh de l’électricité d’origine fossile tourne autour de 1,07 DH.
Un grand potentiel à explorer
L’accroissement démographique et l’élargissement du tissu économique et industriel au cours des dernières années sont autant d’éléments qui concourent à l’augmentation du volume des eaux usées collectées au niveau national. Et pourtant, le Maroc n’exploite pas suffisamment cette ressource qui relève du domaine public hydraulique au regard de l’arsenal juridique national relatif à l’eau. Le pays affiche une capacité de traitement des eaux usées de l’ordre de 70 millions de m3 par an (contre un objectif fixé de près de 350 millions de m3). Ce qui est faible par rapport au grand potentiel qu’affiche le Royaume. La capacité du Maroc qui a une marge de progression importante, conforte la nécessité d’une plus forte mobilisation de tous les acteurs publics et privés pour inverser cette tendance. D'autant plus que d’après la Banque mondiale, le Royaume est dans une situation de «stress hydrique structurel». Pour preuve, entre 1960 et 2020, les ressources hydriques renouvelables disponibles ont diminué, pour passer de 2.560 m3 à environ 620 m3 par personne et par an.