L’immobilier est l’une des branches phares de l’économie nationale. Il a connu un essor remarquable à partir de 2005 grâce à une politique volontariste de l’Etat qui a mobilisé plusieurs moyens pour le soutenir, comme le foncier public et surtout les dérogations fiscales. En effet, le secteur est le premier bénéficiaire, puisqu’il a englouti en 2016 pas moins de 7,7 milliards de DH, soit 25% du total des exonérations. Mohamed Boussaid, ministre de l’Economie et des Finances, a affirmé dernièrement que le gouvernement veut supprimer ces dispositions à partir de 2020. Une telle mesure peut-elle impacter l’activité ?
Les professionnels du secteur sont catégoriques : en l’absence de telles initiatives, la production devrait connaître un net ralentissement, voire un arrêt, surtout pour le logement social. Plusieurs promoteurs spécialisés dans ce segment ont conçu leur businessplan en tenant compte de l’avantage fiscal qui permet de rendre accessible l’habitat. L’effet volume compense la faiblesse de la marge par unité.
«Les dérogations fiscales sont une perte sèche pour les ressources de l’Etat. Elles sont contraires au principe de l’équité fiscale qui veut que tous les contribuables soient égaux devant l’impôt. Mais la fiscalité n’a pas un rôle typiquement budgétaire mais aussi économique et social. La suppression de ces exonérations pour l’immobilier, lors de la Loi des Finances en 2009, a eu pour effet de bloquer la machine de production. Les promoteurs ont boudé le logement social. Il a fallu le lobbying des opérateurs et une intervention forte de Taoufik Hjira, ex-ministre de tutelle, pour que ces mesures soient reconduites dans la Loi des Finances de 2010», souligne Youssef Oubouali, professeur universitaire.
Il est clair que le secteur est dépendant de plusieurs contraintes qui perturbent son évolution. Il y a également la question de l’absence de propositions urbaines innovantes et pratiques pouvant donner une nouvelle impulsion au secteur, tout en baissant la pression sur les deniers publics.
Le gouvernement El Othmani a confirmé ses ambitions pour l’actuel mandat où il est question de résorber un déficit de 800.000 unités.
«Les promoteurs immobiliers ont besoin de visibilité. C’est un secteur capitalistique qui mobilise beaucoup de fonds. Le retour sur investissement nécessite la maîtrise de plusieurs paramètres, surtout que les intrants sont en perpétuelle évolution comme le ciment ou le rond à béton» précise Oubouali.
En l’absence du volet fiscal, l’Etat ne dispose pas assez de moyens pour assurer sa politique en matière d’habitat. S’il envisage de construire lui-même les types de logements visés, comme ce fut le cas il y a un certain temps, le rendement sera faible. Le groupe Al Omrane, seule entité publique existante dédiée à l’activité, n’a ni la dimension requise, ni les moyens techniques pour réaliser le programme ciblé. ■
Par C. Jaidani
De nouvelles pistes à investir
Force est de constater que le modèle de logements soutenus par l’Etat, basé sur l’exonération fiscale, est à revoir dans son ensemble. Il a fait ses preuves à un certain moment et a montré sa pertinence. Mais il a par ailleurs créé des dérapages qui ont développé la spéculation et quelques pratiques frauduleuses. Il est temps d’investir de nouvelles pistes en s’inspirant des expériences réussies dans d’autres pays. Outre l’acquisition de logement, il est utile de favoriser le locatif social et celui destiné à la classe moyenne.